mercredi 11 novembre 2009 - par Monica

Plasticité du cerveau et résilience humaine

Ils sont jeunes, en moyenne 30 ans. Ils sont bien-portants. Un jour, une nuit, ils perdent l’usage de la parole, voient des lucioles dans le ciel, ressentent de bizarres fourmillements dans le bras, ou convulsent dans leur lit en se mordant la langue. Le signe d’alerte peut être un léger brouillage de la vision, ou une petite douleur à la tempe. Parfois, ils n’ont rien et font simplement une chute de bicyclette parce qu’un automobiliste les a déséquilibrés.

Ils consultent le médecin, qui prescrit des examens complémentaires. Un scanner suffit à montrer dans leur cerveau l’existence d’une grosse tache, parfois d’une taille impressionnante. Le diagnostic tombe : « Tumeur cérébrale ». Dans la plupart des cas, la tumeur est dite « de bas grade » (bénigne), parfois elle est dite « de haut grade » (maligne) car elle porte en elle des cellules en voie de dégénérescence cancéreuse.

Ces tumeurs sont appelées des « gliomes » car elles altèrent la glie, substance qui cimente les cellules nerveuses. Elles ne sont pas des excroissances comme le seraient des kystes ou des verrues, mais elles sont infiltrantes. Elles inactivent peu à peu la zone cérébrale qu’elles envahissent, la rendant totalement « silencieuse », « non éloquente ». La zone infiltrée devient inutilisable pour la fonction à laquelle elle servait : le langage, l’attention, la mémoire, la motricité.

Mais comme ces tumeurs gliales ont un rythme de développement très lent (s’étendant généralement sur plusieurs années), elles laissent au cerveau le temps de s’adapter à leur croissance.

Le cerveau est un organe extraordinairement plastique et dynamique : il est doté de capacités de modelage et remodelage permanent (la plasticité cérébrale), et il dispose de réseaux, de faisceaux de connexions multiples (la connectivité cérébrale). Lorsque la zone cérébrale est envahie par la tumeur, le cerveau recrute des aires adjacentes et utilise d’autres réseaux, parfois l’autre hémisphère. Grâce à cela, la fonction menacée peut continuer à s’exercer, ailleurs que dans l’endroit dont la tumeur l’a délogée.

Cependant, les capacités de plasticité et de connectivité finissent toujours par atteindre un seuil. Le cerveau n’en peut littéralement plus. Il tire le signal d’alarme : petites douleurs, sensations étranges ou crise d’épilepsie (dans 80% des cas) mettent la personne en alerte, permettant le diagnostic.

Il faut alors choisir le traitement. Soit on opère et on enlève la tumeur le plus largement possible. Soit on réduit la taille de la tumeur par une chimiothérapie et on opère ensuite.

Lorsque l’on décide d’opérer, et que la tumeur touche une zone fonctionnellement très importante, on propose au patient une intervention éveillée. Le but est de permettre au chirurgien d’enlever le maximum de tumeur sans altérer de façon durable le langage ou la motricité. Grâce à sa participation active, le patient va servir de guide au chirurgien. Quelqu’un est à ses côtés durant tout le temps où il est éveillé. L’anesthésiste, d’abord, qui veille à ce que le patient émerge bien de l’anesthésie (qui est légère). Une orthophoniste ou une psychologue, ensuite, qui reste à côté du patient pour lui proposer différentes tâches. Je fais ce travail de psychologue depuis quelques années.


AVANT L’INTERVENTION

Je rencontre le patient lorsque le diagnostic de gliome a été porté, m’entretiens longuement avec lui et procède à un bilan de ses capacités de langage, de mémoire, d’attention à l’aide de différents tests.

Je constate généralement un état globalement satisfaisant, avec quelques signes de dysfonctionnement. Le patient a lui-même parfois relevé, depuis un certain temps, des petits changements : il bafouille plus que de coutume, ou il se sent plus fatigué. Je lui explique que, pendant l’intervention, nous serons un binôme et que nous serons encordés l’un avec l’autre pour affronter l’épreuve, avec le chirurgien de l’autre côté du champ. J’établis une relation d’empathie avec la personne, m’imprégnant de son propre système de valeurs. Car ce système de valeurs et de croyances lui permet de se défendre à sa façon contre la maladie et de gérer ses conséquences.

Ainsi, le dernier patient que j’ai assisté au Bloc neurochirurgical est extrêmement croyant et il m’a longuement expliqué, d’une façon très convaincue, qu’il savait pourquoi il avait cette tumeur. Il la liait aux « blessures de l’âme » vécues pendant son enfance, dont il expliquait l’origine par les liens intergénérationnels et l’esclavage, la violence se perpétuant de parents à enfants (il est guadeloupéen). Il m’a expliqué qu’après avoir été très mal psychiquement, il avait travaillé en lui-même, avec Dieu, Jésus et la Bible, pour trouver la paix et chercher l’amour. Il a ainsi pu pardonner à ses parents les maltraitances dont il a été l’objet, voir le positif de la vie, et assumer le mauvais. Il m’a lu un verset de la Bible illustrant à quel point les blessures de l’âme peuvent affecter le corps.

Le neurochirurgien était étonné de voir le bon état de ce patient, qui avait une très grosse et très vilaine tumeur (probablement maligne au vu de son aspect) touchant à la fois la zone du langage (la zone temporale) et de la sensori-motricité (la zone pariétale). Ce patient aurait dû logiquement être beaucoup plus affecté, voire handicapé, d’autant que la tumeur, située dans l’hémisphère gauche, comprimait déjà l’hémisphère droit, qu’elle avait décalé.

La veille de l’intervention, le neurochirurgien est venu dans la chambre où le patient se reposait sur son lit, serein. Il lui a expliqué toutes les conséquences que pouvait avoir l’acte neurochirurgical. Le tableau était, comme il se doit, apocalyptique : perte possible de la parole, de l’usage d’un bras ou d’une jambe, troubles de la vue…. Le patient est resté tranquille et il a dit « il n’y a pas de problèmes, tout se passera bien ». Je l’ai pensé aussi et, en le quittant, je le lui ai dit en lui touchant le bras, et en prenant sa main entre mes deux mains, comme je le fais toujours.


LA CHIRURGIE

Le jour de l’intervention, le patient est d’abord installé sur la table, puis il est endormi, la tête enserrée dans un étau (une têtière). Le champ chirurgical sépare, par un simple drap situé à hauteur du front, le côté du cerveau et le côté du patient, qui se retrouve sous une sorte de tente. Le chirurgien soulève le cuir chevelu (il fait une raie au rasoir dans les cheveux pour réaliser l’incision, mais tous les cheveux sont conservés), il découpe le volet de la boîte crânienne, incise les méninges (le tissu cérébral qui entoure le cerveau et qui est le seul à être sensible). Puis, le patient est réveillé et on lui demande, pendant environ deux heures, de travailler. Je suis assise à côté de lui, au plus près, pour ne pas rater le moindre des signes et lui apporter un soutien constant.

Le chirurgien stimule à l’aide d’électrodes le cerveau, afin de délimiter les contours exacts de la tumeur. En effet, à l’œil nu, on ne distingue absolument pas le tissu malade et le tissu sain. Il faut donc définir les frontières de ce qui va pouvoir être enlevé.

Généralement, les premières stimulations concernent les zones impliquées dans la motricité. Le patient me signale tout ce qu’il ressent : les fourmillements, les sensations étranges, et j’observe les signes involontaires qu’il présente : des doigts qui se recroquevillent, la bouche qui se crispe. Le chirurgien, tenant compte de chacun des signes que je lui mentionne, marque avec une petite étiquette stérile, sur le cerveau, le numéro de la zone dont la stimulation a fait bouger le pouce ou se crisper la langue.

Puis le chirurgien cherche les zones impliquées dans le langage. On demande au patient de compter en boucle, lentement, de 1 à 10. Le chirurgien stimule le cerveau et à un moment, le patient ne trouve plus le chiffre, sa parole se bloque, ou il perd l’ordre de comptage. Une petite étiquette numérotée est apposée sur la zone qui a « parlé ». Enfin, on présente au patient, sur un ordinateur, des images, dont il va devoir donner le nom « C’est un éléphant, c’est une cloche ». Là encore, la stimulation d’une zone peut bloquer totalement la production du mot, ou générer une erreur. L’erreur peut être sémantique : le patient dit « c’est une cuillère » devant une image de fourchette ; elle peut être phonologique : le patient dit « c’est un éphélant » devant l’image d’un éléphant ; elle peut être une persévération : le patient répète le mot « éléphant » à chaque image, il s’en rend compte, mais il ne peut faire autrement.

Grâce à ce travail en trinôme, le chirurgien réalise online, sur le cortex cérébral, la cartographie des zones « éloquentes » à préserver, et des zones « silencieuses » qu’il va pouvoir enlever. Cette cartographie in vivo lui permet d’avoir une vision plus précise que celle qu’il appréhende avec les clichés d’IRM et l’échographie qu’il réalise pendant l’intervention.

L’exérèse de la tumeur peut commencer. Là encore, des stimulations électriques sont appliquées dans la profondeur du cerveau, que dégagent et mettent à nu délicatement les mains du chirurgien. Si le patient éprouve une douleur, un anesthésiant local est administré. Le cerveau, rappelons-le, est indolore. En revanche, le tissu méningé - dont est parfois obligé de s’approcher le chirurgien - est très sensible. Le patient peut également souffrir de la pression des vis qui, enfoncées dans son crâne, tiennent sa tête immobile dans la têtière. Si le patient commence à légèrement convulser – c’est le risque médical principal, avec l’hémorragie, de cette intervention -, le chirurgien inonde tout simplement le cerveau d’un liquide froid, ce qui l’apaise.

Le chirurgien enlève le maximum de tumeur, pendant que le patient continue à travailler. On lui demande parfois de dénommer les images en même temps qu’il bouge en cadence l’un de ses bras, afin de s’assurer que la double tâche verbale et motrice est possible. A la fin de l’intervention, le patient est de nouveau endormi, le chirurgien emplit la cavité avec du sérum physiologique et il recoud toutes les parties.

Dans de nombreux cas, le chirurgien enlève une zone qui sert à la production motrice de la parole et qui est souvent affectée par les gliomes : c’est l’aire motrice supplémentaire. Le patient peut alors perdre totalement l’usage de la parole à la fin de l’intervention. Mais cet effet est transitoire : aidé ensuite par une rééducation orthophonique, le patient retrouve la programmation des mots. Pour les personnes, le cap du mutisme est très difficile, car elles sont « emmurées » en elles-mêmes, comme l’a exprimé une patiente. Elles peuvent dire un ou deux mots, et elles s’expriment seulement par le regard, quelques gestes, des mots écrits parfois.

Les gliomes peuvent aussi toucher des zones temporales, très impliquées dans le langage. L’un des patients récemment opéré avait déjà, avant l’intervention, un important trouble du langage:il ne trouvait pas le nom de maintes images et il faisait de nombreuses erreurs en s’exprimant spontanément. Je l’ai donc aidé durant l’intervention en lui dénommant les images, qu’il répétait. Je m’assurais ainsi que si l’accès spontané aux mots était atteint, leur enveloppe perdurait en mémoire.

Depuis que j’ai commencé ce travail, je n’ai jamais vu une seule personne perdre son sang-froid. J’ai vu une jeune patiente pleurer au réveil de l’anesthésie, pendant laquelle elle gémissait. Elle n’avait pas bien préparé l’intervention dans sa tête car la date en avait été changée. Le courage des patients et leur confiance sont très frappants. Presque tous gardent leur main dans la mienne durant l’intervention. Le chirurgien avec lequel je travaille est sécurisant et dédramatisant car il dit volontiers des plaisanteries, ce qui détend tout le monde et fait souvent sourire, ou rire, les patients. Il leur propose de les photographier sur la table d’opération, ce qu’ils acceptent quasiment tous.


APRÈS

J’ai revu deux jours après son intervention le patient opéré mardi. Il était en bonne forme, alors qu’il avait eu une forte hémorragie durant l’intervention, la tumeur étant cernée de vaisseaux. De ce fait, l’intervention éveillée avait duré trois heures au lieu de deux.

La tumeur ayant infiltré des zones impliquées dans le langage et la sensori-motricité, il cherchait comme attendu un peu ses mots, et il n’avait pas complètement recouvré sa dextérité manuelle pour les objets fins. Mais il était serein et souriant sur son lit, sans aucun bandage sur la tête ni perfusion au bras, avec tous ses cheveux et une cicatrice bien nette à l’endroit de la trépanation. Sa femme était à côté de lui, heureuse et pressée de rentrer sur son île et de retrouver leurs deux enfants.

Il m’a redit toute la force que lui avait donnée sa foi et il m’a offert (à moi qui suis résolument agnostique) une Bible, qu’il a demandé à sa femme de me dédicacer en copiant le psaume 139-6 : « Une science aussi merveilleuse est au-dessus de ma portée, elle est trop élevée pour que je puisse la saisir ». Elle avait ajouté devant le psaume : « A notre psychologue. Merci pour votre soutien. Que Dieu vous bénisse et bonne continuation ».

Il m’a demandé de chercher les causes des tumeurs dans les blessures de l’âme. Je lui ai dit que, quoiqu’il en soit des causes de cette maladie, l’important était le sens que chaque personne lui donnait, et la force qu’elle pouvait en tirer. Il a acquiescé.

Sa profonde foi religieuse l’a-t-elle protégé d’une aggravation qui eût été logique ? Nul ne peut dire comment chaque être se défend contre la maladie. La prière n’est-elle pas un équivalent de la méditation des moines tibétains, dont l’activité cérébrale est très particulière ? Comment savoir si la sérénité travaillée et acquise n’a pas partiellement protégé le cerveau des effets délétères de la tumeur ? [*]

Merveilleuses capacités du cerveau, mystérieuses capacités de résilience des personnes.

[*] Ces tumeurs repoussent en général, occupant de nouveau la cavité. Les patients doivent donc toujours envisager la possibilité de devoir se confronter, un jour ou l’autre, à la même épreuve.



46 réactions


  • jps jps 11 novembre 2009 09:28

    Très intéressant et très dure à lire à la fois, par la charge d’émotions que votre article suscite


    • Monica Monica 11 novembre 2009 11:15

      Merci de votre lecture, jps.

      Nous sommes ici effectivement aux confins de la science et de l’émotion.

      - De la science, car ces tumeurs, qui évoluent lentement, permettent au cerveau de faire appel à de magnifiques capacité de plasticité et de connectivité.... au point que le chirurgien peut enlever des zones que l’on pensait indispensables. Cela met en cause beaucoup de schémas rigides et fixistes du cerveau.

      - De l’émotion, car l’être opéré n’est pas un corps immobile et endormi, mais une personne éveillée qui participe très activement à son intervention.


  • Ovide Ovide 11 novembre 2009 09:41

    Non seulement vous faites un beau métier, mais également vous écrivez formidablement bien ! Beau témoignage, bon courage pour la suite : de nombreuses vies comptent sur vous !


    • Monica Monica 11 novembre 2009 11:20

      Merci, Ovide.

      Pour vous répondre avec réalisme, je dois signaler que ce Service ne dispose pas de beaucoup de moyens. Je donne de mon temps de recherche pour réaliser ce travail, qui requiert pourtant une prise en charge humaine très intense !

      Mais l’état du service public étant ce qu’il est, de plus en plus, il nous faut assurer avec les moyens du bord.


  • Brocéliande 11 novembre 2009 09:50

    Bonjour Monica. Un article intéressant effectivement. J’aimerais savoir comment l’équipe médicale arrive à endiguer la panique sur la table d’opération ? Aucun patient ne s’affole ? Ou la légère anesthésie suffit-elle à neutraliser la peur ? Merci à vous.


  • Monica Monica 11 novembre 2009 10:54

    Chère Brocéliande,

    Il n’y a jamais eu de panique sur la table d’opération, dans mon expérience. Parfois, il y a des découragements, des inconforts physiques, des moments d’anxiété, ou des instants de grande émotion avec des pleurs lorsque, par exemple, le patient se rend compte qu’il ne peut plus parler. Nous sommes là pour le réconforter, par des gestes, des petites caresses, des massages, des mots.

    Mais l’une des choses les plus surprenantes de ces interventions est l’absence de panique, ce qui ne rend pas nécessaire l’administration de tranquillisants.

    Lorsque le patient accepte le processus de la chirurgie éveillée, il se prépare mentalement à affronter l’épreuve, en étant convaincu que sa participation va permettre au chirurgien de supprimer le maximum de tumeur en faisant le moins de dégâts possibles. Il est un agent très actif de sa propre guérison.

    Le plus souvent , le patient se motive en ayant le sentiment d’accomplir un exploit sur et avec lui-même. Certains patients m’ont exprimé un sentiment de curiosité au sens fort du terme, et ils n’ont pas été déçus. Chacun a en ce domaine son système propre de représentations.

    Le patient est informé par le menu, avant l’intervention, de tout le processus, et il n’est, à aucun moment, seul. Le ressort de son adhésion est la confiance qu’il fait à l’équipe qui s’occupe de lui. Cette confiance est un élément fondamental.


    • Melchior Griset-Labûche 11 novembre 2009 11:15

      Je relève : « agent très actif » et « confiance, élément fondamental ». L’opéré fait partie de l’équipe, et la confiance circule...


    • Monica Monica 11 novembre 2009 11:24

      Cher Melchior,

      Oui, les patients opérés éveillés, contrairement aux patients opérés endormis, font partie de l’équipe.

      Durant toute la phase d’éveil, le chirurgien, le patient et l’accompagnant constituent un trinôme pour escalader la montagne et extirper la tumeur.


  • stephanie stephanie 11 novembre 2009 13:07

    Merci Monica pour ce magnifique témoignage !

    Vous faites un métier très difficile et très beau, qui demande un grande générosité, et une grande disponibilité pendant les interventions.

    Merci pour tous les malades que vous avez aidés à guérir.


  • Monica Monica 11 novembre 2009 13:28

    Chère Stéphanie,

    Il suffit de si peu de chose : être attentif aux gens qui sont dans la détresse, en s’identifiant à eux tout en intégrant leur propre façon de fonctionner.

    Ces personnes, je les trouve admirables de courage. Toutes, sans exception.
    Je ne suis pas certaine que j’aurais leur courage, pour dire le vrai.
    Quoique, disent-elles, je n’ai pas le choix. Puisqu’il faut y aller, allons-y.

    Elles nous apprennent, chacune à sa façon, toutes les façons dont on se confronte à la maladie et à la mort, à notre finitude.... alors qu’est touché un organe si essentiel et si mystérieux : le cerveau.


  • jack mandon jack mandon 11 novembre 2009 16:02

    @ Monica

    Bien sur votre article est émouvant et didactique.
    Agir avec habileté et conviction, à coeur ouvert,
    pour une intervention à « cerveau ouvert »
    Communiquer tout cela avec tact, sensibilité et délicatesse.
    Le meilleur de la femme...« partage dans l’humanité féminine »
    Merci


    • Monica Monica 11 novembre 2009 16:15

      Merci, Jack Mandon, de cette lecture bienveillante.

      Vous avez raison de parler de « cerveau ouvert ».

      Il suffit de passer le champ du drap chirurgical pour voir le cerveau palpitant, mis à nu et « travaillé » par l’outil que le chirurgien appelle pour rire « le vroum vroum ».

      J’essaie toujours, avant l’intervention, de réconcilier les patients avec leur cerveau en leur disant à quel point il est beau et à quel point il est ingénieux....


  • ddacoudre ddacoudre 11 novembre 2009 17:59

    bonjour monica

    "Il m’a demandé de chercher les causes des tumeurs dans les blessures de l’âme. Je lui ai dit que, quoiqu’il en soit des causes de cette maladie, l’important était le sens que chaque personne lui donnait, et la force qu’elle pouvait en tirer. Il a acquiescé."

    la vie est dans cette phrase, merci de nous avoir fait partager cette tranche d’existence.

    cordialement.


  • Monica Monica 11 novembre 2009 18:18

    Bonjour ddacoudre,

    Merci de votre commentaire.

    Je suis convaincue que le sens prêté par les personnes à leur maladie est un facteur très important dans la résistance contre la maladie, et toutes ses conséquences.

    Les personnes doivent pouvoir sapproprier  la maladie dans leur propre univers mental (imaginaire et symbolique), afin de se « familiariser » avec elle, de ne pas la ressentir comme un corps étranger hostile face auquel elles seraient démunies. D’ailleurs, le gliome est un tumeur infiltrante : c’est donc une partie du cerveau, mais qui devient peu à peu silencieuse sous l’effet du dérèglement du tissu.

    Le patient doit faire un travail de tissage imaginaire et symbolique pour vivre avec, et malgré, la maladie.... de la même façon que l’a fait son cerveau en utilisant ses connexions internes pour pallier les déficits potentiels engendrés par l’invasion tumorale.


  • Martin Joël 11 novembre 2009 19:12

    Merveilleux récit d’une opération hors norme où le patient fait partie de l’équipe, comme le souligne Melchior.
    C’est une véritable prouesse de distinguer les zones éloquentes des zones silencieuses. Cela suppose une symbiose absolue avec la personne opérée. Et c’est là où votre rôle, Monica, est crucial. Avant l’opération avec tout votre patient dialogue avec la personne, et pendant l’intervention. Merveilleux triangle patient-psychologue-chirurgien...
    Votre récit soupe le souffle et fait jaillir l’émotion.
    Il serait intéressant de faire l’IRM de quelqu’un en train de lire votre article.
    Bravo, et merci.
    Joël Martin


  • Monica Monica 11 novembre 2009 19:26

    Cher Joël,

    Il faut souligner la fantastique connaissance que le chirurgien a du cerveau de chaque patient, puisque les zones éloquentes sont différentes chez chacun d’eux, en fonction des aires et réseaux recrutés par ce cerveau particulier. Le chirurgien doit associer ce qu’il a vu de l’IRM du patient avant l’intervention, l’échographie qu’il réalise en début d’exérèse, et les réactions aux stimulations électriques constantes pendant l’intervention.

     Le chirurgien doit également avoir lui-même un état d’esprit particulier, une capacité de dialogue, puisqu’il va travailler non avec un corps inerte, mais avec une personne éveillée qui lui parle et qu’il entend. Le triangle est un dispositif indispensable pour que les informations circulent d’un côté du champ à l’autre, dans ce qui est un travail encordé.


  • Stupeur Stupeur 11 novembre 2009 22:40


    Bonjour Monica
    C’est tellement bien décrit qu’on s’y croirait. A tel point qu’on s’imagine un peu trop facilement à la place de la personne opérée... Et les détails sur le déroulement de l’opération n’en deviennent que plus difficiles à encaisser. J’ai survolé les passages « un coup de scalpel par là, un autre par ici », un peu trop explicite pour moi...
    Je te souhaite bon courage dans tes prochaines interventions « à cerveau ouvert ». En espérant que la résilience soit au rendez-vous pour chaque personne opérée.


    • Monica Monica 12 novembre 2009 09:31

      Merci, Stupeur.

      Oui, c’est surtout le point de vue de la personne opérée que j’ai pris en compte. Donc, si tu as détourné ton regard du scalpel et autres passages concernant l’autre côté du drap chirurgical, eh bien tu t’es vraiment mise à la place du patient qui n’entend que des bruits et ne voit rien....

      La prochaine intervention sera avec une jeune femme qui a deux petites filles, dont l’une de cinq mois. Il a fallu beaucoup l’aider à surmonter le traumatisme de l’annonce qui avait été fait sans ménagements. Ah ! la douceur subtilement psychologique de certains praticiens smiley


    • Stupeur Stupeur 12 novembre 2009 11:38


      Monica,
      Peut-être que des praticiens qui vont opérer un patient avec toute la froideur et la maîtrise technique nécessaires, se protègent en évitant toute empathie lorsqu’ils sont en tête-à-tête avec leurs patients.
      Tu nous raconteras ce qu’il adviendra de cette jeune femme ? Si ça se passe bien... sinon je préfère ne pas savoir.


    • Monica Monica 12 novembre 2009 12:02
      Coucou Stupeur,

      L’annonce traumatisante n’avait pas été faite par le chirurgien, qui ménage beaucoup les gens et s’intéresse à la psychologie, mais par les premiers médecins, qui lui ont tout de suite parlé de « durée de vie ».... Elle a 32 ans !

      Je pense que tout ira bien aussi avec et pour elle. Car elle n’a accepté l’intervention qu’après une longue réflexion, un travail avec une psychologue, et nous monterons ensemble la montagne, en confiance, main dans la main.

    • Stupeur Stupeur 12 novembre 2009 22:37


      Monica, je suis persuadée que la montagne est plus facile à gravir quand tu es là pour guider l’ascension.

      Tu as raison il faut être optimiste malgré l’épreuve qui attend cette maman de deux petites filles.
      Son âge me fait néanmoins penser à cette autre maman de 32 ans, qui a été emportée par un cancer foudroyant : Caroline Aigle...


    • Monica Monica 13 novembre 2009 09:11

      Chère Stupeur, cette jeune femme n’a pas un gliome de haut grade, il n’est donc pas en train d’évaluer vers la malignité. C’est pourquoi il fallait qu’elle soit convaincue que l’opération était nécessaire pour empêcher sa dégénérescence.

      Il reste maintenant au chirurgien à déterminer, en fonction de l’évolution de la tumeur en quelques mois, si on l’opère très bientôt ou si on lui laisse passer les fêtes de fin d’année tranquille...


  • MICHEL GERMAIN jacques Roux 12 novembre 2009 08:13

    Ma fille a eu, il y a peu, une « alerte » dont les symptomes se sont traduits par une douleur au cou, à la poitrine et des fourmillements dans le bras, sensations toutes ressenties côté gauche. Deux heures de route (elle fait des études à 150Kms de chez nous) et les urgences où, aprés divers examens rien de grave n’apparaît. sinon, éventuellement, un « coinçage » vertébral du à une mauvaise position durant la nuit. Je reste néanmoins inquiet malgré le passage le lendemain chez un « ostéo » qui semble avoir eu un effet bénéfique. Pourquoi je dis celà ? simplement parce lisant votre belle « histoire » je ressens le besoin de la faire parcourir à mes deux garçons, l’un faisant des études de psycho, l’autre se préparant au beau mètier d’infirmier.
    Ensuite parce que les votes et réponses à ce texte, unanimes, font preuves, s’il le fallait, que certaines choses font le lien entre les hommes bien au dessus et au dela de l’insipide et nuisible « actualité ».
    Merci.


    • Monica Monica 12 novembre 2009 09:38

      Cher Jacques,

      Merci de votre commentaire. Il est vrai que l’actualité et ses « buzz » multiples, incessants, captent l’attention à tel point que la réflexion sur ce que nous sommes, faisons, pensons, devenons... passe à la trappe, hélas. Comme si la bêtise d’un Raoult, connu pour ses saillies absurdes, méritait autre chose qu’un éclat de rire moqueur ! L’importance prise par ce lourdaud est effarante...Un commentaire suffisait pour pointer la bêtise.

      Les symptômes de votre petite fille relèvent d’une simple compression mécanique, apparemment.

      Merci d’avoir fait lire ce texte à vos fils.

      Bien cordialement.


    • MICHEL GERMAIN jacques Roux 12 novembre 2009 10:28

      vous ètes très réactive...je suis en congés aujourd’hui, je suis habituellement plus lent à m’exprimer. Pardonnez moi à l’avenir. Je suis allé faire un tour sur le blog que vous signalez dans votre rédaction, j’y reviendrai je vous l’assure. Vos commentaires, sur des sujets portés par d’autres, me procurent plaisir et questionnements. Mais vous êtes ici sur un site soumis à l’actualité, n’espérez pas un très grand nombre de lecteurs pour vos prochaines contributions. La soumission est une forme d’anesthésie générale ; du cerveau.
      Seul, un titre provocateur, peut être ? Mais doit on plier la philosophie au marketing ? En sachant rester maître de soi, peut être, oui.

      Au plaisir et bien cordialement.


    • Monica Monica 12 novembre 2009 12:08

      Vous pardonner, mais de quoi dites-moi ? smiley


      J’ai eu notification des arrivées de commentaires sur mon mail, hop, j’y ai répondu entre deux tâches. J’aime bien répondre à chaque personne, dialoguer. 

      Je suis très éclectique dans les sujets que je traite. Il est fort possible que mon prochain article soit plus polémique et que les réactions soient moins unanimes. Mais je privilégie toujours la qualité des échanges sur la quantité de réactions. 

      Bien cordialement.

  • Melchior Griset-Labûche 12 novembre 2009 17:27

    Que sait-on des processus par lesquels le cerveau s’adapte à l’expansion du gliome ? Sont-ils uniquement locaux et spontanés, ou bien peut-on supposer qu’il y a intervention d’une instance spécialisée, qui veille à la réparation ? (ou plusieurs, plus ou moins coordonnées)


    • Monica Monica 12 novembre 2009 20:13

      Cher Melchior,

      Les processus permettant l’adaptation du cerveau à l’invasion tumorale relèvent de la plasticité et de la connectivité, qui mettent en jeu des activités biochimiques très complexes.

      Au fur et à mesure que la tumeur grossit dans la zone, la fonction qui y était activée et qui y devient silencieuse se déplace : soit dans les zones adjacentes (déplacement périlésionnel), soit carrément dans les zones équivalentes de l’autre hémisphère (déplacement inter-hémisphérique). Pour le cerveau, le déplacement vers l’autre hémisphère est plus coûteux.

      Pour réaliser ce déplacement, le cerveau utilise les faisceaux qui existent, reliant telle et telle zone. Ces faisceaux ont été mis en évidence dernièrement grâce à une technique d’imagerie qui s’appelle « le tracking de fibres ». On peut en mesurer concrètement l’existence au cours de l’intervention, lorsque, à la faveur de l’exérèse qui libère le cerveau, le chirurgien observe online une réorganisation.


  • Monica Monica 12 novembre 2009 21:46

    Cher Melchior,

    Pour répondre plus précisément à votre question : c’est la modification des synapses qui permet à la plasticité de se réaliser. Elle agit tout au long de la vie, le cerveau se modelant en fonction de notre expérience. C’est pourquoi chaque cerveau est singulier.

    Au niveau biochimique, ce sont des protéines voyageuses qui assureraient la plasticité, en passant d’une cellule à une autre. C’est le transfert de ces protéines, produites au niveau sous-cortical, qui permettrait à la plasticité de se réaliser.

    S’il y a une instance spécialisée ? Je ne sais pas vous répondre, car cela dépasse la compétence d’une psychologue. J’imagine que les processus de la vie sont ici très actifs.

    Je dirais volontiers comme le patient Une science aussi merveilleuse est au-dessus de ma portée, elle est trop élevée pour que je puisse la saisir ... Et cela n’est pas une pirouette smiley







  • Paul Cosquer 12 novembre 2009 21:54

    « C’est pourquoi chaque cerveau est singulier. »

    Pourriez-vous l’expliquer à Nicolas Sarkozy, il croit qu’ils sont tous pareils, d’où son obsession de l’identité dans le sens « caractère de ce qui est identique », qu’il veut établir au plan national.


    • Monica Monica 12 novembre 2009 22:09

      Vous savez, Paul Cosquer, pour faire comprendre déjà à certains scientifiques que chaque individu est singulier, ce n’est pas une sinécure. Ils préfèrent croire qu’ils établissent des règles générales, et ils ne tiennent guère compte des différences entre les individus, pourtant si évidentes !

      On préfère parler DU cerveau que DES cerveaux, qui sont de fait modelés par notre expérience (sur des bases communes, évidemment). Un violoniste a des zones cérébrales plus développées que moi, qui ne tiens pas l’archet. C’est la pratique du violon qui a modifié la morphologie de son cerveau. Et arrête-t-il de jouer un long temps, ces zones régressent...

      Alors, pour faire comprendre à Sarkozy (doté de 7 ? 8 ?) cerveaux que chacun de nous a une trajectoire de vie qui le rend unique, ce qui nous empêche pas de partager de multiples choses... Waouh , quel boulot !


    • Paul Cosquer 12 novembre 2009 22:22

      Six cerveaux sans six boulots.


    • Monica Monica 13 novembre 2009 09:16

      Sans ciboulot c’est fort possible. D’ailleurs, on ne peut avoir autant de cerveaux impunément : comment seraient-ils connectés entre eux ? Mais de façon systématique, j’évite les diagnostics psychopathologiques en dehors du champ clinique smiley

      Cela dit, je ne pense pas que le président de la république ait un gliome et, somme toute, je préfère protéger les patients, et ma réflexion sur leur épreuve, de l’évocation de cette personne.dont on entend parler partout, à un point qui excède les seuils de saturation.


  • eugène wermelinger eugène wermelinger 14 novembre 2009 20:17

    Merci Monica pour votre témoignage ..... réconfortant.
    Vous méritez respect et admiration.

    Belle vous l’êtes physiquement qui est le reflet de la belle âme qui vous habite.
    Moi aussi je dis : soyez bénie.

    • Monica Monica 14 novembre 2009 20:39

      Merci, cher Eugène, de ce gentil message.

      Ce sont les patients qui méritent l’admiration.


  • Salsabil 14 novembre 2009 21:49

    Re-bonsoir Monica,

    L’émotion me submerge ! C’est un récit, tout simple, (et oui ! encore !), qui fait mouche.

    Je ne savais rien, rien du tout de ce type d’intervention. Whahh Ouh ! Que pourrait-on dire d’autre ? Je suis sur mon cul plus encore que d’habitude !

    Je voudrais dire des milliers de choses et rien ne sort. Je ne sais comment votre empathie fonctionne pour exercer cet extraordinaire rôle que vous avez. En tous cas, vous êtes riche, de tout ce que contient votre expérience, ça c’est un truc sûr.

    Une question : Lorsque les personnes opérées sont « emmurées » comme vous dites (Quelle angoisse !!), elles ne peuvent s’exprimer oralement si je comprends bien, qu’est-ce qui implique qu’elles ne puissent pas transcrire par écrit ce qu’elles ressentent. Je veux dire : Est-ce que c’est la fonction de « construction de la pensée et donc de la parole » qui est touchée ou est-ce seulement l’activation « moteur » du langage ? Et combien de temps peut durer ce blocage ?

    Enfin, vous soulevez une question d’ordre métaphysique. Quelle est donc la part « extérieure » dans l’appréhension, le vécu et le futur d’une telle intervention. Quels sont les facteurs psychologiques, au-delà des connaissances scientifiques avérées jusqu’à présent, qui peuvent jouer, positivement ou négativement, dans ce type d’interventions ?

    En tous cas, votre article est absolument passionnant au-delà de l’émotion naturelle qu’il implique.

    Pour cela, mille mercis et j’espère vous lire encore.

    Bien amicalement.


    • Monica Monica 14 novembre 2009 22:24

      Cher Salsabil,

      Merci de ce commentaire.

      Les personnes sont parfois transitoirement « emmurées » dans un mutisme total lorsqu’on leur a enlevé l’aire motrice supplémentaire, qui permet la production articulée de la parole.

      Pendant quelques jours (cela peut aller jusqu’à 10 ou 15 jours), elles peuvent penser, comprendre, écrire (plus ou moins), mais elles ne peuvent pas articuler les mots. C’est difficile à vivre, cela induit une frustration et une dépendance à l’égard des autres (« je me retrouvais comme un bébé » disait une patiente). Puis, aidées par une orthophonie et grâce aux processus de plasticité du cerveau, elles récupèrent assez vite leurs capacités.

      Pour votre deuxième question, nous en sommes aux balbutiements car ces opérations existent en France depuis environ 10 ans, et que la dimension psychologique a été très peu étudiée. On s’est surtout focalisé sur les aspects fonctionnels (langage, motricité). Or, comme j’ai tenté de l’illustrer avec la situaiton du patient, il est évident que les rapports du patient avec sa maladie, les représentations qu’il s’en fait, sont fondamentales dans la récupération et la reprise d’une vie quasiment normale.

      Bien amicalement


    • Salsabil 14 novembre 2009 22:45

      Oui Monica,

      J’ai bien compris que ces personnes ne peuvent plus « articuler » comme vous dites et que la fonction langage est temporairement (Dieu, merci !) inopérante. Ce que je voulais savoir en fait : est-ce que les dispositions pratiques du langage en tant que tel, sont liées à la capacité de s’exprimer ? Est-ce que ces personnes opérées ont les capacités physiques ET psychiques (depuis leur cerveau je ne sais pas comment dire cela !) de s’exprimer clairement ? En bref, est-ce qu’en écrivant, par exemple, elles sont à même de communiquer comme tout un chacun ?.
      .
      Pour la prospective, je souhaite vivement que vous puissiez nous éclairer davantage. Je découvre, ainsi que je vous l’ai dit, et je trouve cela tellement extraordinaire, tellement fabuleux et tellement plein d’espoir que mon intérêt va croissant face à ce type d’expérience (si vous me permettez le terme).

      Il va de soi qu’il sera plus que passionnant de savoir si l« état d’esprit » dans lequel se trouve le patient (foi, amour, projet,....tout peut s’imaginer) jour sur sa faculté à supporter l’opération mais aussi ses suites.

      Si vous avez des indices fiables sur ce point, ce serait particulièrement pertinent.

      Amicalement.


    • Monica Monica 15 novembre 2009 09:59

      Cher Salsabil,

      Votre question est complexe, et je crois que je devrais y consacrer un Billet smiley

      En fait, la faculté de penser n’est pas entravée pendant la période de mutisme, ni celle de comprendre. MAIS la résection de l’aire motrice supplémentaire, qui était infiltrée et rendue silencieuse par la tumeur, amène la personne à ne plus retrouver les gestes moteurs qui permettent d’articuler le langage, et cela peut également affecter, durant un temps, l’écriture. En effet, la motricité du bras et la capacité à traduire en gestes graphiques la pensée peuvent également être touchées car il existe des liens entre penser, parler, écrire, lire.

      Une jeune patiente de 28 ans, qui avait totalement perdu le langage suite à la résection de cette zone, n’avait pu dire qu’un seul mot : « Merde ! » au chirurgien à la fin de l’intervention, ce qu’il avait jugé de bonne augure ! Et lorsque j’étais allée la voir après l’intervention, elle était sur son lit avec son pyjama à nounours, elle me parlait avec des gestes, et quand je lui ai demandé si elle se souvenait de ce qu’elle avait dit au chirurgien, son œil s’est éclairé et elle a sorti un vigoureux « Merde ! ». Toute sa merveilleuse force de caractère était là, se traduisant dans ce seul mot articulé !

      L’une des patientes qui a subi cette période de mutisme est en train d’écrire un livre sur son expérience. Son écriture est d’une grande fluidité.

      Un autre patient, qui a subi la résection de cette même zone, n’a eu qu’un léger trouble d’accès au lexique : il peinait un peu à retrouver la forme des mots pour les formuler

      Merci de vos questions et bien amicalement. A suivre...


    • Salsabil 15 novembre 2009 21:39

      Merci de cette réponse, Monica. C’est donc bien un véritable enfermement au regard de la communication et ce doit être une étape particulièrement pénible.

      Le seul aspect positif de ce difficile moment ne pourrait être que l’idée que l’on ne peut sortir que plus fort d’une telle expérience. Plus fort face à la vie et à ses difficultés, un peu comme si il fallait aller au bout du parcours de la douleur pour mieux appréhender la jouissance de ce qui vient ensuite.

      Merci encore de ce merveilleux témoignage, j’ai hâte de vous lire de nouveau.

      Amicalement.


  • sisyphe sisyphe 15 novembre 2009 15:04

    Superbe témoignage d’une grande humanité.

    De quoi réconcilier avec la médecine et ses praticiens, s’il en était besoin..
    Bravo pour votre empathie et votre précieux soutien.

    Plus humain, tu meurs (si j’ose....)


    • Monica Monica 15 novembre 2009 15:15

      Merci, Sisyphe.

      Oui, osez jouer avec les mots... qui se jouent de la mort.
      Comme la patiente mutique qui ne pouvait dire que Merde.

      Merde à la maladie, merde au chirurgien qui l’avait opérée et qui lui avait provisoirement ôté la parole, merde à l’enfermement mutique et merde à la mort...


  • Stupeur Stupeur 15 novembre 2009 19:09


    Salut Monica
    Je passe juste pour dire qu’il y a un documentaire ce soir sur ARTE qui traite de la plasticité du cerveau : Les étonnants pouvoirs de transformation du cerveau.
    Je ne sais pas si j’arriverai à rester éveillée pour le voir, mon cerveau n’ayant pas une plasticité satisfaisante pour résister au sommeil devant la télé, quand il n’a pas eu sa dose de repos nocturne la veille.


  • jack mandon jack mandon 6 janvier 2010 10:16

    @ Chère Monica,

    Merci de votre bienveillance...coutumière et de votre esprit de synthèse.
    Certes, Agoravox ne reflète pas tout à fait la mentalité française, mais
    ce débordement de violence me parait tout de même inquiétant.
    Quand je pense que la plupart de ces gens avancent voilés...la burqa intellectuelle.
    Le fondement même de la « pensée » agoravoxienne est coranique.

    Tendrement
    jack


    • Monica Monica 6 janvier 2010 19:10

      Cher Jack,

      Oui, ce débordement de violence inquiète un grand nombre d’entre nous.

      La France se voue une haine de soi absolument mortifère.

      Elle est prête à renier, à écorner ses valeurs, sous des prétextes de lutte contre le « racisme », le « fascisme », qui sont évidemment en grande partie des rationalisations, des voiles occultant des processus régressifs sous-jacents.

       Les premières à en pâtir sont les femmes, et c’est d’autant plus terrible que les tenantes « volontaires » de la burqa sont les chevaux de Troie de la logique salafiste dans notre système social.

      Les droits des femmes sont encore si fragiles et, à peine esquissés, ils sont mis en cause violemment « de l’extérieur », avec des appuis de l’intérieur. Avec une symbolique d’une grande violence : des femmes devenant des fantômes noirs...

      Si ce que vous dites dans votre dernière phrase est vraie, j’en tirerai les leçons...

      Bien amicalement à vous,
      Monica


  • Cyrille999 18 juillet 2010 12:16

    Je lis cet article avec quelque peu de décalage temporel.

    Ouaooouh --- ce ne sont pas le manque de vocabulaire, mais parfois les onomatopées sont bien plus révélatrices de mon être que mon goût pour l’écriture smiley

    Excellemment écrit, pédagogique, fluide, avec une humanité sans pareille. Ca fait plaisir que tu sois psychologue, ça permet de transformer les représentations mentales sur la profession.

    Très beau accompagnement de ce patient.

    Merci à toi d’être là.
    Cyrille


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