lundi 10 août 2009 - par Wunsch

La rationalité de la science est-elle inversement proportionnelle à l’importance émotionnelle du sujet étudié ?

Le XXIe siècle sera, dit-on, le siècle de la technologie et de la connaissance.
Un peu partout dans le monde existent des centres de recherches d’excellence, travaillant sur la biologie moléculaire, l’ingénierie génétique, le cancer, les maladies neurodégénératives, les sciences cognitives, la psychologie, la physique quantique, les nanotechnologies ou l’aérospatiale.
Il semble qu’aujourd’hui, la raison, la science et la connaissance éclairent les progrès de l’humanité.

Pourtant, on remarque que certains sujets ne font guère l’objet de recherches scientifiques.
Par exemple, quels sont les laboratoires spécialisés dans l’étude du rire ? Moins de dix articles scientifiques par an concernent ce sujet.
Quels sont les instituts spécialisés dans l’étude pluridisciplinaire du comportement parental chez l’être humain ?
Quelles sont les structures dédiées à l’étude de la sexualité ? Il en existe quelques-unes, comme le Kinsey Institute ou l’Université du Québec. Mais leurs recherches sont plutôt focalisées sur les aspects médicaux ou sociaux de la sexualité (SIDA, MST, violences sexuelles …).
Quelles sont les équipes spécialisées dans la recherche sur la joie, qui est pourtant une des émotions primaires de l’être humain ? Et le bonheur ? Quelles sont les organismes institutionnels en charge de comprendre et de promouvoir un des états les plus positifs de la psyché humaine ?
Et surtout, quelles sont les grandes institutions scientifiques, constituées de centaines de chercheurs et de moyens technologiques conséquents, dont l’objectif est de rassembler toutes les recherches et toutes les connaissances pluridisciplinaires qui concernent l’être humain, afin d’élaborer des modèles de compréhension globaux et généraux ?
Ensuite, au niveau social, où sont les écoles expérimentales, où des équipes pluridisciplinaires recherchent et expérimentent, avec le meilleur de nos connaissances et de nos technologies, les structures et les organisations pédagogiques de demain ? Bien qu’il existe des laboratoires de sciences de l’éducation, leurs thèmes de recherche sont essentiellement axés sur l’étude du fonctionnement actuel de l’école, les effets des politiques publiques, ou la comparaison inter-pays des systèmes scolaires existants.
Où sont les centres d’expérimentation sociale, où l’on expérimente concrètement des nouvelles formes d’organisation de la vie sociale ?
Quelles sont les entreprises expérimentales, où sont menées des recherches concrètes sur les différents types d’entreprise, les modes d’organisation du travail, le management, l’ergomotricité, en fonction du nombre d’employés, de la technologie ou du type de production ?
Quels sont les centres de recherche dont l’objectif est, à partir de l’étude des économies marchandes, non marchandes, domestiques ou solidaires, de trouver pour demain de meilleurs types d’organisation économique ? Certes, il existe des sciences économiques, mais elles étudient essentiellement les systèmes et les structures économiques du passé et contemporains.
Où se trouvent les centres d’étude politique dont l’objectif est d’améliorer les moyens d’organisation et de fonctionnement des groupes sociaux ou des sociétés ? La démocratie serait-elle la meilleure (ou la moins mauvaise) forme de gouvernance ? Serait-elle, comme le soutient Fukuyama, la fin de l’Histoire ?
Où sont les Institut d’axiologie, qui étudient les différents systèmes de valeurs des sociétés humaines ? Quels sont les instituts de recherche pluridisciplinaire sur les religions et le phénomène spirituel ?
De surcroît, on observe que lorsqu’il existe des études ou des expériences sur ces sujets, elles proviennent rarement d’une institution, mais résultent d’initiatives personnelles. Pour exemple, on peut citer Provine pour l’étude du rire, Csikszentmihalyi pour la recherche sur le bonheur, Seligman pour la psychologie positive, Freinet ou Montessori pour des pédagogies nouvelles, Godin pour l’expérience sociale du familistère, ou Soleri pour la ville expérimentale d’Arcosanti.

Pour quelles raisons ces sujets ne font-ils que rarement l’objet d’études scientifiques ?
Même si certains de ces thèmes peuvent être considérés comme d’importance mineure ou trop complexes pour être soumis à l’investigation scientifique, on remarque pourtant que la plupart sont fondamentaux.
Le rire et la joie sont des caractéristiques basiques de l’être humain. Les comportements sexuel et parental sont essentiels à la reproduction de l’espèce. Le bien-être et le bonheur sont des facteurs déterminant de la santé psychique. L’école et l’éducation ont une influence déterminante sur le devenir des personnes. La forme de l’organisation sociale influence de manière déterminante le quotidien de toutes les personnes. Les formes d’organisation du travail ont des conséquences majeures sur la vie des travailleurs. Le type d’organisation économique et politique influence la dynamique sociétale, tandis que les valeurs et les pratiques spirituelles peuvent modifier les choix de vie de populations entières.

Cette analyse met en évidence un paradoxe : au siècle de la technologie et de la connaissance, les sujets qui apparaissent comme les plus importants ne semblent pas être des thèmes privilégiés de recherche.

Alors, pour quelles raisons ces sujets fondamentaux ne sont-ils pas étudiés avec des moyens comparables à ceux mis en place, par exemple, pour la recherche aéronautique, spatiale ou militaire ? Est-ce dû au fait que l’élaboration du savoir scientifique est une activité récente, qui n’est pas encore arrivée à maturité ? Ou bien pour éviter les dérives scientistes, symbolisées par l’archétype du "meilleur des mondes" ? Ou encore parce que ces recherches sont irréalisables et relèvent des utopies sociétales ?
Mais la principale raison est peut-être que la plupart de ces sujets importants sont en relation directe avec des aspects "existentiels" de l’être humain : sa manière de vivre, ses habitudes, ses intérêts, son identité, ses croyances et ses valeurs. Parler de ces sujets "sensibles", les remettre en question, les étudier rigoureusement, n’implique-t-il pas de prendre des risques ?
Par exemple, ne risque-t-on pas en étudiant l’agression de mettre en évidence qu’elle est peut-être, d’après les travaux de Conrad Lorenz (1), une tendance naturelle et spontanée des mammifères ? Et qu’ainsi toute personne, même sans être antisociale ou psychopathe, peut être à l’origine de violences et de cruauté ?
Ne risque-t-on pas en étudiant le comportement parental de découvrir que ce comportement ne serait peut-être pas inné, qu’il n’existerait que quelques réflexes élaborés ne permettant que la survie physiologique, et que la quasi-totalité des actes éducatifs sont à apprendre ? Ne risque-t-on pas de découvrir, comme le suggère l’étude récente d’Anne Tursz (2), que ce sont les parents, et surtout la mère, qui sont les principaux auteurs de violences sur les enfants ?
Ne risque-t-on pas en étudiant le comportement sexuel de découvrir, comme semble l’indiquer les recherches d’Anders Agmo (3), que l’hétérosexualité serait peut-être davantage une construction culturelle qu’une réalité biologique ?
Ne risque-t-on pas en étudiant l’être humain de s’apercevoir qu’il n’a peut-être pas été optimisé par la sélection naturelle, mais, comme le suggère François Jacob (4), qu’il est seulement un organisme imparfait, résultat du "bricolage de l’évolution" ?
Ne risque-t-on pas en étudiant les formes d’organisation sociale, d’observer que peut-être certaines combinaisons d’organisation communautaire et/ou collective, tel par exemple le cohousing (5), pourraient avoir un intérêt économique, social et éducatif peut-être supérieur à l’organisation familiale ?
Ne risque-t-on pas en étudiant la structure scolaire de mettre en évidence que l’enseignement est peut-être trop axée sur les savoirs et les savoir-faire, et que tout ce qui concerne l’être (état de santé, de bien-être, de satisfaction des besoins psychiques primordiaux ...) et le savoir-être (contrôle émotionnel et comportemental, gestion des conflits, responsabilisation, actions prosociales...), n’est pas suffisamment abordé ?
Ne risque-t-on pas en étudiant les modes de production économique de mettre en évidence que peut-être l’ultralibéralisme a des coûts écologiques et humains majeurs, tandis que des économies coopératives et solidaires seraient plus en accord avec les valeurs humanistes revendiquées par nos sociétés ?
Ne risque-t-on pas en étudiant les valeurs de découvrir que certaines pourraient être ethnocentrées, telle par exemple la propriété privée dont le concept même n’existe pas dans certaines sociétés ? Ne risque-t-on pas de prendre conscience que peut-être les déterminismes biologiques, psychobiologiques, expérientiels, sociaux et culturels rendent illusoire le concept de "liberté" ? Ou de découvrir, comme le suggère l’exemple récent du changement social relatif à l’avortement, que des valeurs fondamentales relatives à la vie humaine peuvent changer radicalement en l’espace de quelques années. N’est-il de plus grand risque que de découvrir que ce qui est considéré comme le plus fondamental serait en fait arbitraire ou versatile ?
Enfin, ne risque-t-on pas en étudiant les grandes religions de découvrir que peut-être nous n’avons aucune certitude sur l’existence d’entités supranaturelles, et que le phénomène du vivant ne correspond peut-être qu’à un assemblage transitoire et sans but de molécules ?

En conclusion de cette rapide analyse, il semblerait que tous ces sujets fondamentaux seraient directement liés aux aspects les plus affectifs du psychisme humain : la peur, le renoncement aux habitudes, l’incertitude du changement, la recherche du pouvoir, la défense des intérêts personnels, le besoin de certitudes, l’idéal du soi, les valeurs qui donnent sens à sa propre existence, ainsi que la confrontation avec le néant et la mort.
On peut donc supposer que le peu d’études consacrées à ces sujets majeurs soit dû aux risques encourus. En effet, qui engagerait des recherches pouvant remettre en cause ce qui constitue l’essence même de nos intérêts, de notre identité psychologique et de notre univers social et culturel ?
Mais quel est le coût de l’absence de recherches sur des sujets si fondamentaux ?

Serge Wunsch, Docteur en neurosciences cognitives et comportementales.

(1) L’agression : une histoire naturelle du mal. Konrad Lorenz, Flammarion 1993
(2) Enfants maltraités : Les chiffres et leur base juridique en France. Anne Tursz et Pascale Gerbouin-Rérolle, INSERM Lavoisier 2008
(3) Functional and Dysfunctional sexual behavior : A synthesis of neuroscience and comparative psychology. Anders Agmo, Elsevier Academic Press 2007
(4) Le jeu des possibles. François Jacob, LGF - Livre de Poche 1986
(5) http://www.habiter-autrement.org/04_co-housing/coh_ca.htm

 


32 réactions


  • Lachésis 10 août 2009 10:33

    Waouh, que de bonnes questions... Et quelle difficulté pour y répondre.

    En même temps, par votre poste je suppose que vous avez déjà en partie des réponses non citées, n’est ce pas ? En partie parce que la recherche est souvent financée par des groupes privés qui ne sont pas forcément intéressé par ces questions (et on ne peut pas vraiment les en blâmer je suppose, un industriel de la chicorée ne va pas payer des gens pour ce genre de recherche). ça serait le rôle de l’état alors, mais d’ici à ce que le gouvernement s’intéresse à question...

    Par contre un domaine sur lequel je serais peut-être en désaccord avec vous, c’est la remise en question de certains fondamentaux : En éthologie, il y a quand même eu pas mal de bouleversement ces dernière années sur ce qui est propre à l’humain ou non n’est ce pas ?


  • tonton raoul 10 août 2009 10:34

    le constat de départ est complètement faux

    la plupart des études évoquées existent en abondance
    informez-vous un peu avant d’écrire des conneries


    • pada pada 10 août 2009 14:43

      Lesquelles ?, ça serait plus convainquant de nous en pointer quelques unes crédibles (c’est-à-dire reconnues comme telles par la communauté scientifique à laquelle l’auteur appartient).


    • tonton raoul 10 août 2009 15:19

      googelez, vous en trouverez des camions

      de + je ne crois pas au cv de cet auteur
      car quand on écrit :

      Ne risque-t-on pas en étudiant le comportement sexuel de découvrir, comme semble l’indiquer les recherches d’Anders Agmo (3), que l’hétérosexualité serait peut-être davantage une construction culturelle qu’une réalité biologique ?

      on est tout ce qu’on veut, sauf un scientifique ... et je dirais même qu’on est un affabulateur de baraque foraine, car expliquez-moi donc quelles sont les bases culturelles nécessaires aux animaux pour se reproduire ?
      c’est tout simplement absurde



    • Wunsch 10 août 2009 17:17

      1) Pour la reproduction. En simplifiant, chez les mammifères les plus simples (rongeurs) la reproduction dépend surtout des hormones (qui activent le comportement sexuel à la bonne saison), des phéromones (qui déclanchent l’excitation sexuelle et permettent de reconnaître le partenaire de sexe opposé) et des réflexes sexuels (lordose, érection, poussées pelviennes, éjaculation). Chez l’être humain, les hormones n’ont plus qu’un rôle secondaire et les phéromones n’ont quasiment plus d’effets (d’où l’être humain n’est plus sexuellement excité de manière INNÉE par le partenaire du sexe opposé). Ce sont les renforcements, associés aux zones érogènes, qui induisent la recherche du plaisir érotique. Chez l’être humain, la reproduction est une conséquence secondaire de la recherche des plaisirs du corps. Chez tous les primates hominoïdes (orang-outang, chimpanzés, homme) la sexualité est majoritairement « bisexuelle ». C’est pour cette raison que l’organisation sociale actuelle, le couple hétérosexuel, serait le résultat de l’influence culturelle (vous trouverez toutes les explications détaillés et les références dans le livre D’Anders Agmo, dans Biological exuberance de B. Bagemihl et dans ma thèse (telecharger)

      2) Pour les laboratoires et les recherches scientifiques. En recherchant dans Google ou Google scholar on trouve effectivement un grand nombre de recherches sur les différents sujets que j’ai évoqué dans l’article. Mais ce sont quasiment toutes des recherches sur des sujets extrêmement précis. Sait-on ce qu’est le comportement maternel juste avec une étude qui montre que le raton trouve la mamelle grâce à une phéromone ? Sait-on ce qu’est le comportement d’agression juste avec une étude qui indique que les hommes sont majoritairement les auteurs de violences conjugales ? Combien d’études faut-il synthétiser pour commencer à avoir une bonne connaissance de la dynamique d’un comportement humain ? Quelques scientifiques peuvent-ils seuls et sans moyens particuliers faire la synthèse de milliers de recherches élémentaires ? Pouvez-vous me citer UN SEUL laboratoire dont les moyens et l’objectif sont d’avoir une connaissance synthétique et globale du comportement maternel (ou sexuel, ou d’agression) chez l’être humain ?

      3) Au niveau social. L’éducation est un des premiers budgets de la plupart des pays développés. Donc a priori, c’est reconnu comme important et prioritaire. Pourtant, pouvez-vous me citer UNE SEULE école expérimentale, où, avec le meilleur de nos moyens technologiques et de nos connaissances (au minimum une cinquantaine de chercheurs pluridisciplinaires), on fait de la recherche éducative et pédagogique globale (concernant les savoirs, savoir-faire, savoir-être, l’apprentissage, les structures immobilières, les rythmes, les modes de fonctionnement, etc.) ?

      4) Et on peut poser les mêmes questions pour tous les autres sujets que j’ai abordé dans l’article.

      Cordialement, Serge Wunsch.


    • tonton raoul 10 août 2009 17:59

      Chez l’être humain, les hormones n’ont plus qu’un rôle secondaire


      c’est complètement faux ... leur rôle est toujours aussi resté basique et vital
      faute d’instinct reproducteur basé sur l’attirance sexuelle hétéro, les hominidés auraient disparu depuis longtemps
      pour moi vous êtes un affabulateur pur et simple
      normal, on est sur avox-cybion... c’est fait pour ...
      et dire que je suis encore assez con que pour encore répondre à toutes ces foutaises
      pffffffff .....

    • LeLionDeJudas LeLionDeJudas 10 août 2009 21:20

      Par Fernand Naudin pour tonton raoul

      « Les cons, ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît »


    • crfoy crfoy 12 août 2009 12:31

      Vous avez le mérite d’être con _cis et votre puissance de raisonnement et votre rhétorique sont à la hauteur de vos connaissances et références scientifiques.
      Je vous trouve très con_vaincant.
      Je crois vous avoir vu dans les tontons flingueurs !!!


  • christian 10 août 2009 10:38

    bonjour,

    Votre interrogation est légitime, elle rejoint un livre déjà ancien 1998 que j’ai redécouvert récemment, « Conversation sur l’invisible » : conversations à 3 avec Jean Audouze, Michel Cassé et jean Claude Carrière.
    Si vous n’avez pas lu ce livre, je pense que sa lecture ou relecture, apporte quelques réponses, à une interrogation somme toute assez ancienne dans l’humanité, (quelques milliers d’années), mais la réponse n’est pas simple et effectivement va fluctuer selon le paradigme de l’époque.


  • Céline Ertalif Céline Ertalif 10 août 2009 11:02

    Bonjour,

    Je conseille à l’auteur et à ses lecteurs de prendre l’heure qu’il faut pour regarder la vidéo d’une conférence de Patrick Viveret à l’UTLS, tenue en juin dernier. Il essaie d’expliquer pourquoi l’étude du bonheur est tabou et qu’il y a une irrationalité à accorder, par exemple, si peu d’intérêt à l’étude du sommeil, alors que nous passons obligatoirement plus de temps à dormir qu’à travailler et que la qualité du sommeil joue un rôle important dans la créativité. C’est ici.

    Par ailleurs, je veux souligner le mécanisme central et dissimulé du mot technologie(s), utilisé dans cet article. Ce mot n’est pas seulement une version plus frimeuse que le terme technique pour décrire la même chose. C’est un terme de confusion et de propagande. De formidable propagande. Celle-ci est d’autant plus efficace que personne ne peut plus maintenant l’identifier sans un petit effort intellectuel. L’usage du terme a inoculé le non-dit qui nous répète inlassablement l’affirmation du dogme de la fusion de la science avec la technique. Et nous croyons y voir la réalité, la preuve toujours renouvelée de l’horizon fuyant mais indépassable du progrès traduit en renouvellement perpétuel des objets et en croissance économique ininterrompue. Sur le fond, je pense que ce que je dis là est très en phase avec ce qui l’article.

    La technologie au sens originelle et logique du terme, c’est un discours sur la technique. Cet article se présente comme abordant la rationalité de la science. Il porte en fait plus précisément sur l’usage des moyens pour développer la science. C’est un article technologique, dans ce sens originel et oublié du terme. Et, en l’occurrence, un bon article. Merci.


    • Walden Walden 10 août 2009 11:18

      « L’usage du terme a inoculé le non-dit qui nous répète inlassablement l’affirmation du dogme de la fusion de la science avec la technique. »

      Vous avez raison, mais le terme de technologie est souvent employé (à tort) pour distinguer la science « pure » de la science appliquée qui vise à perfectionner la technique : c’est pourquoi on pourrait employer, plus adéquatement, le néologisme : « technoscience » ?

      Mais à ce compte là, remarquons que la notion très subjective de « bonheur » relève tout autant de la propagande... Il n’existe aucune définition consensuelle de cette idée qui n’est même pas un concept : c’est pourquoi faire une étude scientifique sur ce sujet apparaît peu crédible. Pour que la science intervienne, il lui faut a minima un objet, or ce n’est pas le cas ici :- )



    • Philou017 Philou017 10 août 2009 12:15

      "Mais à ce compte là, remarquons que la notion très subjective de « bonheur » relève tout autant de la propagande... Il n’existe aucune définition consensuelle de cette idée qui n’est même pas un concept« 
      Il y a des tas d’études psychologiques sur des concepts indéfinis, y compris sur »les troubles de l’humeur".
      Si la notion de bonheur peut paraitre subjective, on peut néanmoins demander aux gens pourquoi ils sont heureux ou pas, sur quels criteres ou quels motifs. Et ensuite étudier quelles seraient les vraies raisons. Votre raisonnement ne tient pas.

      La vérité me parait plus prosaïque : il n’y a pas de molécule à créer et permettant des profits, pour créer le bonheur (quoique..).
      Il est vrai aussi que l’on n’apprend guère dans nos écoles et universités à s’intéresser au bonheur et au bien-être. Ni de façon personnelle, ni comme sujet d’étude.
      L’école qui enseignera l’aptitude au bonheur n’est pas encore née dans notre monde hypnotisé par la technologie, la compétition et le fric. Pourtant, c’est la vraie révolution à venir.


    • Walden Walden 10 août 2009 13:05

      « Le bonheur » est une notion culturelle, d’ailleurs liée à l’idée de « Progrès ». Elle se rattache à une conception linéaire du temps, auquel se surajoute l’idée qu’on doit aller vers le mieux : à partir d’un état ressenti comme insatisfaisant, tendre vers un optimum. Or tant la forme que peut revêtir cet optimum que les moyens pour y parvenir ressortent du registre personnel (le bonheur de l’un n’est pas forcément le bonheur de l’autre, il paraît même qu’il fait parfois son malheur :- ). C’est en quelque sorte une transposition, au sein de l’idéologie laïque, de la croyance en le cheminement individuel vers le Paradis. Dans d’autres cultures, cette idée n’existe pas. A part dans le domaine ethno-anthropologique, difficile donc de faire une étude sur une pure abstraction culturelle.

      En revanche, les troubles de l’humeur sont des phénomènes psychiques observables, qui ne concernent pas que le sujet, mais ses relations avec les tiers.


    • Céline Ertalif Céline Ertalif 10 août 2009 13:36

      Désolée d’avoir introduit le mot bonheur sans plus de précaution. L’auteur a plutôt parlé de joie ou d’autres éléments de bien-être. Quant à P Viveret, dans sa conférence sur « la sobriété heureuse », il dit que le bonheur relève de la délibération démocratique (pas de la science !).


  • Philou017 Philou017 10 août 2009 11:24

    « La rationalité de la science est-elle inversement proportionnelle à l’importance émotionnelle du sujet étudié ? »
    Je ne saurais mieux dire. La subjectivité, les intérêts et les positions purement dogmatiques abondent dans le monde scientifique d’aujourd’hui.

    J’ajouterai qu’il y a un autre facteur à prendre en compte : l’intérêt des puissants et son corolaire : le fric.
    Pour faire des recherches, il faut un budget. Est-ce que ca intéresse nos pontes, privés ou publics, de subventionner des études sur la joie ou le bien-être ? certainement pas. Par contre sur les armements ou les engrais chimiques, là, il y a du profit à faire.

    De plus, notre société est articulée sur des systèmes hiérarchiques, basés sur le conservatisme des attitudes et valeurs mises en place. Ne comptez pas sur ces systèmes pour faire des recherches sur le bonheur humain ou sur comment être plus joyeux. Ca risquerait de remettre trop de choses en question.
    Les pouvoirs apprécient tres peu ce genre de remise en question. Et puis le bonheur des autres n’est pas leur préoccupation.


  • Gyalwa 10 août 2009 11:30

    "On peut donc supposer que le peu d’études consacrées à ces sujets majeurs soit dû aux risques encourus. En effet, qui engagerait des recherches pouvant remettre en cause ce qui constitue l’essence même de nos intérêts, de notre identité psychologique et de notre univers social et culturel ?« 

    Votre expose est un peu caricatural mais en partie juste ;
    Reste que l’importance de ses sujets que vous dites  »majeurs" est toute relative :
    demandez a un individu lambda : Voulez preferez (1) comprendre le rire, la joie, l l’agressivite, vous-meme, le relativisme culturel, les structures sociales (2) avoir une pilule de prozac, un ecran plat, une greffe sur mesure, un Iphone de la taille d’un pouce, un super-vaccin etc...

    Il semblerait que la science est a l’image de l’homme, dans sa fuite en avant vers un progres qui sert (pas uniquement) de bequille a ses nevroses, plutot que chercher a resoudre ses nevroses. (C’est un scientifique qui parle)


  • Lisa SION 2 Lisa SION 2 10 août 2009 11:33

    Intéressantes questions,

    les risques de ce genre d’études et de recherches est contenu dans leurs résultats. Par exemple, " Quelles sont les équipes spécialisées dans la recherche sur la joie, qui est pourtant une des émotions primaires de l’être humain ? Et le bonheur ? " La joie et le bonheur sont des valeurs qui peuvent très bien être facilement atteintes en l’absence de toutes considérations matérielles. De cette manière, ce résultat peut remettre en cause tout le système consumériste qui promet ( ou promeut ) le bonheur, qui a lui par contre, été établi sur des recherches soutenues économiquement par des budgets importants. Ainsi, vous ne pouvez pas impunément engager de budgets pour une recherche qui viendrait réduire à néant les efforts d’une autre recherche contradictoire et prioritaire.

    La fête, par exemple, ne tombe pas du ciel toute cuite, sauf pour celui qui s’invite et repars sans faire la vaisselle. La meilleure fête est programmée depuis longtemps, organisée avec attention et des dizaines de petites mains ont participé à son déroulement afin d’assurer le spectacle pour le bien être de tous. Et pourtant, un seul pépin peut tout réduire à néant en quelques secondes, et aucune étude ni recherche ne peut fixer de règle générale sur le sujet.

    Mais la fête peut aussi être toute simple comme une rencontre de deux groupes en haut d’un sommet ou au bout d’une randonnée, et se dérouler autour d’un bon feu de bois avec des chants unanimes de toute une assemblée de gens totalement inconnus voire même qui ne parlent pas la même langue. Pour cela, il est quand même essentiel que quelques morceaux de musique aient franchi des frontières et soient commun à tous les participants qui doivent pour cela s’être ouvert à des cultures indigènes, et posséder un don pour le chant.

    Il n’y a pas besoin d’études pour prouver que la rencontre d’une sirène magnifique échouée sur une plage abandonnée et l’ombre d’un palmier au pied duquel l’on trouve une noix de coco ouverte, peuvent être le théâtre du plus puissant des souvenirs à qui l’a connu. Et c’est au lendemain d’un moment pareil que l’on peut réaliser devant tant de bonheur pur... que tout le reste n’est qu’enfer métallique et superflu. Le vrai bonheur ne s’achète pas, aucune étude ne vous le dira.

    Par contre, les études savent que c’est cette sirène que l’on achète pas avec le produit qu’elle promeut qui attire le regard et fait bien rêver l’acheteur potentiel qui a cru un instant qu’elle était livrée avec.

    Bien à vous. L.S.


  • Francis, agnotologue JL 10 août 2009 11:47

    Les rapports de la science et de la technique sont complêxes.

    Si l’on aimerait penser que la technique serait à la science ce que la tactique est à la stratégie, en revanche dans notre monde marchand, la technique comme la science sont tributaires de la finance. Et c’est pourquoi tout cela est absurde, sauf pour ceux qui en tirent profit. Mais au bout du compte, leur victoire sera au mieux, une victoire à la Pyrrhus.


    • Francis, agnotologue JL 10 août 2009 11:48

      « L’histoire nous a inlassablement appris que le pouvoir n’a jamais rien cédé et ne cèdera jamais rien si ce n’est par la force. » (Normand Baillargeon, professeur en sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), essayiste, ...)


  • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed 10 août 2009 12:04

    La science n’est plus dans les « centres de recherches d’excellence » et d’ailleurs elle a toujours été le produit des esprits libres !

    Il y’a des pays comme la France qui ont peur de « L’EPISTEMOLOGIE », qui font tout pour entraver une véritable « RECHERCHE SCIENTIFIQUE » ! Voilà pourquoi nous sommes pollués par le foisonnement des théories et leurs inutiles applications dans les innombrables industries de gadgets ! 

    Depuis 2001 la France a changé de cap, elle a peur de la Lumière et contourne la Vérité scientifique, s’engage consciemment dans les tortueux sentiers de l’obscurité, se drape hypocritement de la Burka de l’gnorance pour accabler les « autres » et s’evertue désormais à développer les techniques de propagande et de désinformation que les experts appellent honteusement « la communication’ ! Le langage politique et scientififique de la France s’articule autour du seul mot de la pourriture de »l’argent«  !

    Pour l’ensemble de l’Univers, pour »le rire« ou pour le plus sérieux sujet »la démocratie« ce vieux projet détourné et qui reste mettre en oeuvre, nous avons les réponses à vos questions : LA SCIENCE FONDAMENTALE AU SENS FONDAMENTAL DU TERME, C’EST NOTRE AFFAIRE ! La france est un pays fatigué, jaloux, égoïste et par conséquent improductif !

    La crise humaine y a ses racines bien ancrées et le misérable virus de la grippe cochonne se sent en toute sécurité dans tous »les centre de recherche d’excellence« ... Même »un peu partout dans le monde" !

    Mohammed - AgoraVox le média citoyen

    Mohammed.



  • COLRE COLRE 10 août 2009 16:50

    Bonjour,

    Merci pour votre article qui fait réfléchir, même si l’on ne vous suit pas en tout.

    Vos interrogations sont légitimes et me rappellent certains alter-économistes critiquant le fait que les économistes classiques ne prennent jamais en compte dans une société les richesses non mesurables… en fait : non mesurables avec les outils classiques de la mesure économique (il faudrait donc changer de paradigme).

    Dans votre cas : même réflexion, pourquoi ces aspects aussi cruciaux concernant l’humanité ne sont pas étudiés scientifiquement comme ils le devraient ?

    Toutefois, je ne suis pas convaincue sur les causes que vous avancez (avec des « peut-être », bien sûr), qui toutes ont pour principe la peur, peur de découvrir ce que la société n’a pas intérêt à découvrir (comme pour les économistes que j’évoquais, allant à l’encontre des intérêts « supérieurs »).

    Or, j’ai l’impression que les processus que vous décrivez ne sont pas si inconnus que cela (la violence en tout un chacun, les failles du comportement parental, le rôle de la mère, la variabilité sexuelle, et puis finalement : l’imperfection de l’homme…). Donc, ces processus sont connus : mais que peut-on en faire ?!

    D’ailleurs, j’agrée tout à fait à cela, et je suis la première à dire et à répéter qu’il nous manque encore une ou deux bonnes mutations, nous, humains, pour espérer compenser l’archaïsme comportemental de notre cerveau (mais, pourrons-nous attendre encore 100.000 ans ?).

    Non, c’est votre conclusion qui me dérange : j’aurais tendance à dire que ces études insuffisantes sont le fruit d’un certain aveuglement de l’humain sur lui-même, et il n’est pas mûr, ou plutôt pas capable, ni culturellement ni cognitivement, de changer les choses drastiquement : la société moderne est un système complexe trop complexe, pas maîtrisable avec nos capacités neuronales. Les humains ne connaissent que le chaos ou le grand soir comme espoir de changement ! d’où, les fantasmes qui s’étalent partout sur les complots, les extra-terrestres, les religions, les crises millénaristes… Le déni de réalité règne en maître dans notre approche idéologique et existentielle du monde.

    Désolée, mais pour moi il ne suffirait pas de vouloir pour pouvoir.

    Je dirais même que l’humain, en se nommant sapiens, l’a cru ! regardez le temps qu’il a fallu aux sciences cognitives pour prendre le pas sur l’approche psychologique, psychanalythique et purement culturelle des déterminismes comportementaux (il y a à peine 30 à 40 ans !).

    (bref ! il y a tant de choses à dire et sur lesquelles réfléchir, après la lecture de votre article, merci encore).



  • Franck 10 août 2009 20:22

    Je me permets de réagir à ce long texte qui a du te demander bien du temps. A sa lecture je présume que tu maitrise mal les postulats des sciences humaines/sociales dites molles.

    Etre scientifique c’est serte faire des découvertes, mais c’est surtout proposer une nouvelle lecture d’une réalité elle inchangée. Décrire le système économique « ultralibéral » comme un instrument de domination et de pollution (marxisme pour faire court) est tout aussi scientifique que d’en faire, un système optimal dans le sens qu’il permet au capacité entrepreneuriales de se développer (néolibéralisme pour faire court).

    Après, il me semble que tu confonds science et jugement normatif, un chercheur peut avoir des ambitions avouées/conscientes/refoulées ; son rôle n’est pas non plus d’être un prophète ni un prescripteur de bonnes solutions.

    Son rôle est de réfléchir, et rarement de révolutionner des modes de penser ; mais il ne change jamais la réalité, par définition hors de l’entendement.

    En première année une explication m’a fait comprendre l’idée : regarde un match de foot : y a des règles (des lois, des tabous....), des individu (tous différent et isolable), mais entre les sifflets de l’arbitre se produit des choses qui ne sont pas anticipable, et je ne croit pas que le rôle de la science soit de prévoir le score, et encore moins de décider de qui sera/doit être vainqueur ; mais seulement de comprendre comment le match se passe.

    Amicalement.


  • Ecométa Ecométa 11 août 2009 12:03

    « La rationalité de la science est-elle inversement proportionnelle à l’importance émotionnelle du sujet étudié ? »

    - Premier point :

    Vaste question, déjà, que celle de la « rationalité de la science », et que dire de celle des pseudo sciences que la science, ou plus exactement les scientifiques qui les étudient, veulent, pour leur crédibilité, considérer comme des sciences pures et dures ? Il en va ainsi de l’économie ou encore de la politique, qui, avant tout sont des pratiques humains qui existaient bien avant ces sciences - modernes au modernisme paroxysme de modernité et plus simple modernité - qui prétendent les étudier ; plus exactement : qui entendent manipuler ces pratiques humaines au nom d’une approche exclusivement scientifique totalement incomplète, surfaite, dogmatique, sophiste, cynique, spécieuse et fallacieuse ! Ce qui n’est pas le cas des machines qui ne sont pas préexistantes, qui ne sont pas des pratiques, mais conséquentes aux sciences et techniques qui les fondent.

    Rationalité
     : caractère de ce qui est rationnel ; rationnel : fondé sur la raison, sur le raisonnement ... qui peut être expliqué par la raison ! En ce qui concerne la science il s’agit d’une « raison qualifiée », précisément de « scientifique » et non de raison raisonnable liée à l’humain qui implique une complexité humaine immense qui ne satisfait pas au simplisme de la rationalité scientifique ! Imposer la rationalité scientifique et technique à l’humain relève d’une impossibilité car l’humain à une rationalité propre extrêmement complexe au regard de la rationalité scientifique exclusivement mécaniste : au regard d’un rationalisme scientifique jugé pour le coup simplificateur et simpliste !

    La science est tout sauf rationnelle : elle est rationaliste paroxysme de rationalité et plus simple rationalité humaine ! Le rationalisme scientifique ou technique, technoscientifique en fait, s’il s’applique sans difficulté aux machines, à ce qui est mécanique, ne peut s’appliquer à l’humain qui possède une rationalité très particulière tout comme celui de la « Nature » extrêmement complexe car indéterministe !

    - Deuxième point :

    C’est simple, on pourrait même dire simpliste, mais pour notre époque moderne au modernisme, celle du changement pour le changement, véritable paroxysme de modernité et plus simple modernité, la science est devenue générique de savoir et du « SAVOIR » et, il n’y aurait plus de « valeurs », comme d’ailleurs de « PRINCIPES », que de nature scientifique et technique ! Au diable l’ontologie, la déontologie, l’éthique et l’altruisme : tous ces acquits intellectuels humains. Renvoyée aux calendes grecques et aux oubliettes de l’histoire la « métaphysique », cette « épistémologie » première, cette première philosophie et interrogation sensée qui sortait l’humain de l’état de pure croyance. Une question se pose : sommes-nous plus intelligent avec notre pléthore de savoirs scientifiques et techniques ? Non, il semblerait que non ; il semblerait même que nous soyons toujours au fond de la caverne avec les ombres qui s’agitent car toujours aussi ignorant de l’humain ; voire même de plus en plus ignorant de l’humain et des principes d’humanité !

    Qu’est-ce réellement que la science ? Est-ce un savoir ou une méthode ? La réponse est claire : c’est avant tout une méthode ; une simple méthode qui plus est spécifiquement scientifique ! Une méthode qui consiste à « diviser » dans le but de soi-disant comprendre, quant au savoir qui résulte de cette méthode, il faut le qualifier « particulièrement » et parler de « savoir scientifique » : un savoir parmi d’autre savoir et non le « Savoir » !

    -Troisième point :

    Le dictionnaire donne le terme de « sujet » dans les synonymes d’« objet » et inversement ; c’est donc normal qu’il y ait confusion entre les deux termes ! Cependant c’est une confusion qui peut être lourde de sens, même de contresens, et faire qu’un discours devient alors difficilement compréhensible !

    N’y a-t-il pas dans ce discours une confusion entre sujet et objet : entre sujet étudié, objet étudié, et sujet étudiant ? Etudier le sujet étudiant devenant un sujet étudiant étudié : un sujet étudié et un objet étudié !

    Le scientisme, travers de la science pour la science, une science du moyen pour le moyen, de l’efficacité pour l’efficacité, de la chose pour la chose, essentiellement objective, purement objective, comme l’économie pour l’économie et l’économisme, la politique pour la politique et le politisme, l’individu pour l’individu et l’individualisme ; nous avons sans aucun doute élaboré un savoir scientifique de la chose pour la chose : un savoir du sujet sans objet et de l‘objet sans sujet !

    En somme nous avons élaboré un savoir qui peut être qualifié d’épiphénoménologique dans ses approches et de paroxysmique dans ses applications ! Nous pouvons sans problème, encore que, abuser, même jusqu’à sa destruction, ce qui est de nature mécanique, ce que nous construisons mécaniquement ; mais pas la nature humaine : sauf à être stupides nous ne pouvons pas nous autodétruire !

    Le danger vient avec le savoir lorsque celui-ci, en totale négation de l’existant, de la nature, des états de nature, du « tel quel » de la nature et des états de nature, d’une réalité quasi immuable ; le danger vient lorsque ce savoir spécieux et fallacieux, car appliqué à ce qui ne convient pas, au purement métaphysique humain, et non au purement physique, entend imposer sa propre rationalité : sa propre réalité rationaliste !

     
    Quelle est alors la bonne question ?

    La rationalité de la science est-elle inversement proportionnelle à l’importance émotionnelle du sujet étudié ?

    La rationalité de la science est-elle inversement proportionnelle à l’importance émotionnelle du sujet étudiant ?

    La rationalité de la science est-elle inversement proportionnelle à l’importance émotionnelle de l’objet étudié par le sujet étudiant ?

    La rationalité de la science est-elle inversement proportionnelle à l’importance émotionnelle de l’objet étudié pour le sujet étudiant ?

    En réalité, et plus généralement, nous avons un sérieux problème avec une science qui est devenu générique de savoir et du savoir : tout simplement un vrai problème de savoir !


  • Wunsch 11 août 2009 12:12


    Merci aux lecteurs pour leurs remarques et leurs informations.

    Quelques précisions :
    Sur la forme : le sujet est vaste et l’article est court. Forcément, il m’a fallu simplifier et schématiser. Un article plus long aurait été moins réducteur, mais j’ai choisi la brièveté pour exposer rapidement ce sujet, quite à renvoyer à des livres complémentaires les lecteurs souhaitant plus de consistance et de références dans les analyses.

    Sur le fond :
    1) Le peu de recherche sur des sujets concernant l’être humain.
    C’est ce qui m’a le plus interpellé durant mes recherches. Pourtant, nous sommes régulièrement confrontés à des phénomènes sociaux important ou majeurs : la crise économique, les mutations de la structure familiale (autorisation du divorce, adoption du PACS, familles recomposées), la libéralisation sexuelle et la légalisation de l’homosexualité, la légalisation et les débats concernant l’avortement, les différentes formes de violences (conjugales, harcèlement moral …), etc., etc.
    Ce qui est notable, c’est que ces sujets entraînent souvent des débats et des réactions individuelles ou sociales intenses, mais les recherches objectives sont bien rares. Ce qui amène la question finale de l’article : quel est le coût de l’absence de recherches sur des sujets si fondamentaux ?
    Pour donner un exemple basé directement sur les remarques des lecteurs, je vais prendre l’affirmation de tonton raoul : « faute d’instinct reproducteur basé sur l’attirance sexuelle hétéro, les hominidés auraient disparu depuis longtemps. » Cela apparaît comme extrêmement logique, c’est une évidence frappée de bon sens. Et elle est exprimée avec beaucoup d’émotion (c’est un euphémisme !).
    C’est déjà ce raisonnement qui existait au XVIIe, XVIIe et XIXe siècle. On le retrouve décrit en détail dans l’œuvre de Kraft Ebing, qui était la référence médicale du XIXe siècle. Il existe évidemment un instinct sexuel et toute activité qui ne permet pas la reproduction est donc forcément une maladie, un acte contre la « nature ». Sur la base de ce raisonnement, on a brûlé les « sodomites », incarcéré les homosexuels, et soigné les masturbateurs (entre autres avec le fouet, en excisant les filles et en brûlant le gland des garçons, etc.).
    Et ce n’est que récemment que des études plus rigoureuses ont montré que la reproduction chez les primates hominoïdes est un phénomène indirect (voir la courte explication et surtout les références dans la réponse que j’ai donnée directement à tonton raoul).
    C’est d’ailleurs simple à vérifier. En cherchant sur Internet, on trouve de nombreux textes faisant référence à l’instinct sexuel. Mais trouve-t-on un seul texte qui décrit précisément les mécanismes biologiques de cet instinct ? Et pourtant, aujourd’hui on est loin de manquer de données et de connaissances (cf. en particulier Anders Agmo et les autres références, basées sur des milliers d’études élémentaires). Seulement leur synthèse montre une réalité moins intuitive.
    Et ce problème décrit dans les 4 paragraphes précédents est valable pour tous les autres sujets présentés dans l’article.
    Juste pour donner rapidement un autre exemple, au risque de provoquer des réactions émotionnelles passionnelles et de me fâcher avec le million de personnes qui travaillent dans l’éducation et l’enseignement, des études sur l’enseignement à domicile suggèrent que les jeunes ayant fait leur scolarité dans leur famille ont des résultats équivalent et parfois meilleurs que ceux qui vont dans une école traditionnelle (cf. les études, entre autres dans la revue Home School Researcher). Ce qui évidemment questionne le système scolaire (premier budget de l’état), et l’absence d’école expérimentale. Mais pour rappel, les réactions (émotionnelles) provoquées par les différentes tentatives de réformes de l’éducation nationale et les « guerres » scolaires entre le public et le privé, ne sont-elles pas des raisons qui incitent au statu quo ?

    2) Le problème de l’étude scientifique du bonheur. Ou plus généralement le problème de l’étude « objective » de l’affectivité et de la subjectivité humaine.
    Plusieurs lecteurs ont bien noté que le « bonheur » est une notion très subjective, et que son étude scientifique est donc problématique.
    On peut néanmoins apporter les éléments de réflexions suivants :
    a) Il y a une dizaine d’années, on tenait un discours similaire concernant l’étude de la conscience. Depuis, et en particulier grâce à la technique de l’imagerie cérébrale, c’est un objet d’étude reconnu et des résultats objectifs sont disponibles. Par exemple, on sait que la conscience de soi n’existe que chez les primates hominoïdes, et que pour qu’un objet visuel soit consciemment perçu, il faut que les aires cognitives « carrefours » et les aires de la vision soient simultanément actives durant au moins 250 ms. Certes, les résultats actuels sont encore partiels, beaucoup reste encore à découvrir, mais l’étude objective de la conscience apparaît actuellement comme possible.
    b) Dans un premier temps, avant d’étudier le bonheur, on peut étudier un état proche et plus simple, l’état de bien-être. On peut aujourd’hui mettre en évidence des caractéristiques objectives et mesurables qui favorisent cet état : au niveau physiologique, la santé ; la satisfaction des besoins ; la socialisation ; les émotions positives ; l’absence d’émotions négatives aiguës ou chroniques (les méfaits du stress chronique sont maintenant bien connus) ; etc. Ces études et connaissances permettraient de bien préparer l’étude du bonheur.
    c) Ensuite, vous pouvez juger par vous-mêmes de la valeur et de l’intérêt des premières études sur le bonheur, en particulier celles de Mihaly Csikszentmihalyi et de Martin Seligman. En synthèse, il apparaîtrait actuellement que les caractéristiques suivantes seraient importante pour accéder à un état de bonheur : une caractéristique corporelle : la santé ; une caractéristique émotionnelle : le bien-être ; et une caractéristique cognitive : l’évaluation globale du sens de son existence. Cette évaluation cognitive du sens de son existence correspondrait : i) Dans le présent : à une évaluation positive de soi-même (ce que je suis), et à l’implication dans des actions ou des causes de portées universelles (ce que je fais). ii) Dans le passé : à la satisfaction d’une vie bien vécue. iii) Dans le futur : à la prévision et la probabilité d’une vie bien vécue, et à l’anticipation de la santé, du bien-être et du bonheur futur.
    d) Les techniques scientifiques progressent régulièrement. De nouvelles techniques permettront vraisemblablement dans quelques années de mieux étudier cet état.
    e) Enfin, éventualité à ne pas écarter, peut-être qu’on s’apercevra après plusieurs années d’investigations que l’étude du bonheur est impossible. Mais comment peut-on aujourd’hui faire cette affirmation a priori ?

    4) L’état des connaissances actuelles
    (suite à la remarque de Colre : j’ai l’impression que les processus que vous décrivez ne sont pas si inconnus que cela (la violence en tout un chacun, les failles du comportement parental, le rôle de la mère, la variabilité sexuelle, et puis finalement : l’imperfection de l’homme…)
    En effet, certaines données sont connues. Néanmoins, même si on sait depuis longtemps que la mère peut être à l’origine de violences envers ses enfants, la représentation culturelle dominante actuelle est que c’est surtout majoritairement les hommes qui sont les auteurs de violences envers les femmes et les enfants. Mais les études récentes montrent que les femmes sont en fait aussi violente que les hommes. (Cf. Bodenmann, Guy et Gabriel, Barbara « Le bien-être des couples suisse » dans Questions familiales, Office fédérale des affaires sociales (Berne) volume 4 numéro 2 page 50. (2004). Et Statistique Canada, La violence familiale au Canada : un profil statistique, Gouvernement du Canada, 2000. Et Laroche Denis, La violence conjugale envers les hommes et les femmes au Québec et au Canada, 1999, Gouvernement du Québec, 2003. Et également Sophie Torrent, E. Badinter).
    Mais surtout, si on continue les recherches, on arrive rapidement à des questions incontournables mais qui provoqueront des réactions passionnelles. Par exemple, dans l’éducation des enfants, faut-il utiliser des sanctions physiques ? Et dans l’affirmative, quel type ? Car il faut quand même savoir que les conditionnements, tant appétitifs qu’aversifs, sont un facteur majeur du développement et de la dynamique des comportements humains.
    Vous connaissez des études rigoureuses concernant cette question ? Pensez-vous qu’il soit imaginale actuellement d’en réaliser ? Même si les journaux sont pleins d’affirmations sur l’absence d’éducation et de repères de la jeunesse, même si les parents utilisent les sanctions physiques, les représentations culturelles dominantes de l’enfant (un être pur, fragile et innocent) interdisent toutes formes d’actions officielles ou institutionnelles qui puissent être assimilées à de la maltraitance infantile (je ne suis pas juriste, mais il me semble que légalement il est interdit aux enseignants/éducatuers d’employer des sanctions physiques).
    Comment alors faire de la recherche objective sur ces questions ?

    4) L’implication sociale du chercheur (suite à la remarque de Franck).
    On peut schématiquement distinguer 3 cas :
    – Avoir des a priori ou des intérêts (scientifiques, idéologiques, économiques …) et mener des recherches pour les valider (c’est anti-scientifique, mais c’est pratiqué. Cf. par exemple les « études » sur l’absence de nocivité du tabac).
    – Faire de la recherche en essayant d’être objectif et de ne pas intervenir dans l’action sociale (c’est l’attitude recommandée). Avec le problème que les connaissances publiées dans des revues scientifiques ne se diffusent guère auprès du grand public. Il faut alors espérer que des personnes ou des organisations les trouvent, les comprennent et les utilisent de manière constructive pour la société.
    – Faire de la recherche en essayant d’être objectif, tout en étant un acteur de la vie sociale, en associant ses compétences aux compétences complémentaires d’autres personnes, pour faire avancer des projets. Avec le risque dans le feu de l’action de se retrouver dans le premier cas. (C’est mon choix, et je l’assume.)

    5) Beaucoup d’autres points intéressants (et passionnels), exprimé dans les commentaires, pourraient encore être abordés, mais cela dépasse le cadre d’un article. J’espère que les lecteurs intéressés trouveront dans les références complémentaires des informations utiles.
    Mais surtout, j’espère avoir favorisé (même un peu) la réflexion pour une recherche importante et de qualité sur des sujets qui concernent directement l’être humain. Mais je reste lucide. Les progrès sociaux ont quasiment toujours été conquis après de longues luttes. Et comme l’indiquent bien vos remarques, les obstacles restent nombreux.


  • Michel THYS Michel THYS 11 août 2009 18:56

    Bonjour Monsieur WUNSCH.

     

    Vous écrivez : « la plupart des sujets importants sont en relation directe avec des aspects « existentiels » de l’être humain : (….) ses croyances et ses valeurs ».

    Et : (…) « Nous n’avons aucune certitude sur l’existence d’entités supranaturelles ».

     

    De fait, si l’on excepte certains neurophysiologistes canadiens croyants, tels que Mario BEAUREGARD, financé par la Fondation Templeton, pour chercher dans le lobe temporal droit l’antenne que « Dieu » y aurait placée pour recevoir sa « Révélation » ( !), ce qui « prouverait » ( !) son existence, les scientifiques s’abstiennent ou hésitent à s’engager dans une domaine aussi complexe et personnel que la sensibilité religieuse, à la limite du subjectif et de l’objectif et dont, malgré l’IRM fonctionnelle, l’essentiel est encore à découvrir.

    Au mieux, ils se limitent à étudier par exemple la sensibilité musicale ou érotique, etc … qui relèvent du même cerveau émotionnel.

     

    Que pensez-vous d’une approche neuroscientifique du phénomène religieux ?

    N’est-il pas temps de compléter son approche traditionnelle (philosophique, métaphysique, théologique, anthropologique, sociologique, etc…) par une approche holistique (psycho-neuro-physio-génético-éducative), aussi complexe soit-elle ?

    Bien qu’encore très partielle, elle me paraît déjà susceptible de faire mieux comprendre l’origine de la foi et sa fréquente persistance.

    Je me permets d’émettre quelques considérations personnelles à cet égard.

    .

    Comme vous l’écrivez, « il se pourrait que « les déterminismes biologiques, psychobiologiques, expérientiels, sociaux et culturels rendent illusoires le concept de « liberté » ». La plupart des gens étant convaincus d’être libres, on risque de les heurter !

    Il n’est pourtant pas question de vouloir simplifier ou réduire l’extraordinaire complexité du psychisme humain, et en particulier le phénomène religieux, à des « mécanismes » neurobiologiques, ni bien sûr de prouver l’inexistence de « Dieu » (aucune inexistence ne pouvant être prouvée). Mais il est vrai que les observations actuelles incitent déjà certains, me semble-t-il, à conclure à son existence imaginaire et donc illusoire …

     

    La relativité de la liberté individuelle ne me semble plus contestable : le neurobiologiste Henri LABORIT disait, à la fin du film d’Alain RESNAIS « Mon oncle d’Amérique » :

     « (…), Je suis effrayé par les automatismes qu’il est possible de créer à son insu dans le système nerveux d’un enfant. Il lui faudra, dans sa vie d’adulte, une chance exceptionnelle pour s’en détacher, s’il y parvient jamais.(...) Vous n’êtes pas libre du milieu où vous êtes né, ni de tous les automatismes qu’on a introduits dans votre cerveau, et, finalement, c’est une illusion, la liberté  ! ».

     

    J’observe que, statistiquement, la liberté de croire ou de ne pas croire est souvent compromise, à des degrés divers, par l’imprégnation de l’éducation religieuse familiale, forcément affective puisque fondée sur l’exemple et la confiance envers les parents, et confortée par l’influence d’un milieu culturel unilatéral puisqu’il exclut toute alternative laïque non aliénante.

    L’éducation coranique (islam = soumission) en témoigne hélas à 99,99 % …

     

    Comme l’avait déjà compris  Desmond MORRIS, en 1968, dans « Le Singe Nu », Richard DAWKINS estime, dans « Pour en finir avec dieu », que du temps des premiers hominidés, le petit de l’homme n’a pu survivre que parce que l’évolution animale avait pourvu son cerveau tout à fait immature de gènes le rendant dépendant, et totalement soumis à ses parents (et donc plus tard à un dieu …). Or notre cerveau émotionnel (reptilien et limbique) n’a quasi pas évolué depuis 10.000 ans au moins, et il influence toujours le néocortex …

    Cela expliquerait que toutes les religions aient réussi aussi longtemps (mais de moins en moins sous nos latitudes) à imposer la soumission à un dieu et à des textes « sacrés », et que les sectes réussissent à exploiter la « quête de sens », etc …

     

    Dès 1966, le psychologue-chanoine Antoine VERGOTE, alors professeur à l’Université catholique de Louvain, avait montré, sans doute à son grand dam, qu’en l’absence d’éducation religieuse, la foi n’apparaît pas spontanément, et que la religiosité à l’âge adulte en dépend (et donc aussi, depuis toujours comme mécanisme de défense, la capacité évolutive du seul cortex préfrontal humain à imaginer un « Père » protecteur, substitutif et anthropomorphique, fût-il rationnellement qualifié d’ « authentique, épuré, présence Opérante du Tout-Autre », etc …

     

    Par ailleurs, j’ai lu que, chez le petit enfant, alors que les hippocampes (centres de la mémoire explicite) sont encore immatures, les amygdales (centres de la peur, dans le cerveau émotionnel) sont déjà capables, dès l’âge de 2 ou 3 ans, de stocker des souvenirs inconscients (donc notamment ceux des prières, des cérémonies, des comportements religieux des parents, …, sans doute reproduits via les neurones-miroirs du cortex pariétal inférieur.

    Ces « traces » neuronales, renforcées par la « plasticité synaptique », sont indélébiles …

     L’ IRM fonctionnelle tend, me semble-t-il, à confirmer que le cortex préfrontal et donc aussi bien l’esprit critique que le libre arbitre ultérieurs s’en trouvent anesthésiés à des degrés divers, indépendamment de l’intelligence et de l’intellect, du moins dès qu’il est question de religion.

    Cela expliquerait la difficulté, voire l’impossibilité, pour bien des croyants de plus de 25 ans environ, fussent-ils d’éminents scientifiques, de remettre leur foi en question, sans doute pour ne pas se déstabiliser (cf les créationnistes).

     

    On comprend que, dans ces conditions, certains athées comme Richard DAWKINS, ou certains agnostiques, comme Henri LABORIT, au risque de paraître intolérants, aient perçu l’éducation religieuse précoce, bien qu’a priori sincère et de « bonne foi », comme une malhonnêteté intellectuelle et morale. Bien que les religions, et a fortiori leurs dérives (inégalité des femmes, excisions, …) soient plus nocives que bénéfiques, à tous points de vue, il va de soi que la foi restera toujours un droit élémentaire, d’autant plus respectable qu’elle aura été choisie en connaissance de cause, plutôt qu’imposée.

     

    Même si, pour s’adapter à l’évolution des mentalités, l’enseignement confessionnel

    a récupéré certaines valeurs laïques, il n’a pas renoncé à maintenir sa mainmise sur les consciences ... Son « projet éducatif » en témoigne. Il reste élitiste et inégalitaire, il favorise le repli identitaire, le communautarisme, et est donc obsolète. Dans un souci de neutralité et de qualité, n’est-il pas grand temps, en France et en Belgique, qu’il fusionne avec l’enseignement officiel, à tous les niveaux (et d’ailleurs pour d’évidentes raisons économiques) ?

     

    Mieux : dans un souci de réduire les inégalités socioculturelles, l’école - enfin devenue pluraliste - devrait compenser l’influence des parents, certes légitime et constitutionnelle mais unilatérale,
    - ne leur en déplaise ! - par une double information minimale, objective et non prosélyte : d’une part, au cours d’histoire, sur le « fait religieux » (certes « l’amour du prochain », mais aussi la soumission inhérente à toutes les religions, la part de responsabilité des trois religions monothéistes dans l’origine de l’intolérance, de la violence et des guerres, …), ET d’autre part, sur le « fait laïque » (l’humanisme laïque, ses principes de libre examen, d’esprit critique, d’autonomie et de responsabilité individuelle, ses valeurs universalisables - puisque bénéfiques à tous, telles que le respect de la dignité humaine -, ses options, ses objectifs, la spiritualité laïque, …, actuellement occultés).

     

    Cela permettrait enfin à chacun de choisir, en connaissance de cause et aussi librement que possible, ses convictions philosophiques OU religieuses, d’améliorer l’adaptation des jeunes à l’actuelle pluralité des cultures et des convictions et de tendre ainsi vers un meilleur « vivre ensemble » et vers une citoyenneté responsable.

     

    Je lirai votre commentaire avec le plus vif intérêt ! Je vous en remercie déjà.

    Cordialement,

    Michel THYS, à Waterloo,

    http://michel.thys.over-blog.org

     

     

     

     

     


    • Wunsch 11 août 2009 23:49

      J’ai récupéré l’article principal de Beauregard.
      Le temps de l’analyser, je répondrais demain.


    • Wunsch 12 août 2009 19:24

      Le phénomène religieux, au sens large, dépend de nombreux facteurs, et sa compréhension nécessite une approche pluridisciplinaire : neurosciences, psychologie, psychosociologie, sociologie, et histoire au minimum.

      Mais comme il n’existe pas de structures de recherches spécialisés dans l’étude de la spiritualité, et qui soient pluridisciplinaires, indépendantes et dotées de moyens conséquents, il est aujourd’hui difficile d’identifier tous les facteurs et plus encore d’évaluer l’importance de chacun.

      Sous toutes réserves, les principaux facteurs seraient le besoin de donner du sens, les états de consciences modifiés, la mort, le conditionnement et l’environnement culturel, et parfois plus prosaïquement la reconnaissance sociale, le pouvoir.

      – Le facteur qui est sans doute le plus neurobiologique est l’état de conscience modifié (extase, transe, hallucination sensorielle …). On constate dans beaucoup de pratiques spirituelles, en particulier dans les sociétés non industrielles, l’importance d’activités spécifiques (méditation, musique, danses, hyperventilation …), généralement collectives, et avec parfois l’usage de substances psychotropes (comme les hallucinogènes). Dans certains de ces états de conscience modifié, la personne ressent des sensations intenses et particulières (division ou multiplication de personnalité, autonomie de l’âme, incorporation d’un esprit, fusion avec la nature ou l’humanité ...). De plus, ces états de conscience modifié sont souvent accompagnés d’émotions positives qui peuvent être très intenses (euphorie, exaltation, extase …), ce qui procure une puissante récompense (Reward pour les psychologues ou Renforcement pour les neurobiologistes) qui incite à revivre ces états. Ces expériences émotionnelles positives ont une grande influence sur les personnes (à peu près du même ordre qu’un traumatisme ; les exemples ne manquent pas de personnes qui après une « révélation » de la sorte changent de vie).

      – Un autre facteur à prendre en compte sont les besoins, et ici les besoins psychologiques lié à l’accomplissement de soi, au besoin de donner du sens (voir les travaux d’Abraham Maslow). Beaucoup de pratiques spirituelles s’accompagnent de récits cosmogoniques, qui décrivent la genèse de l’Univers et de l’Homme, et expliquent les raisons du Bien, et ce que devrait être la « bonne vie ».

      – La mort, surtout pour les plus âgés, quand elle se fait ressentir dans le corps, est un puissant facteur qui incite à la nier, et à se convaincre de l’existence éternelle d’autres vies (résurrection, principe vital (âme), réincarnation …).

      – Le fait de naître et de vivre dans un environnement religieux est un puissant facteur de continuité à reproduire les pratiques culturelles du groupe de vie (conditionnement culturel durant l’enfance, puis à l’âge adulte grandes difficultés à quitter son groupe social d’appartenance).

      – …

      – Puis plus prosaïquement, la recherche de la reconnaissance sociale et/ou de la richesse et/ou du pouvoir, en particulier pour les leaders spirituels, est également un facteur du prosélytisme et de l’intolérance des mouvements spirituels.

      C’est sans doute d’une combinaison de ces facteurs, et d’autres encore à préciser, qu’émergerait au niveau individuel et social le phénomène spirituel et religieux.

      En tout cas, ce qui semble indéniable, c’est qu’existe chez l’être humain un besoin d’une certaine spiritualité. Et il serait souhaitable de chercher comment le satisfaire de la manière la plus constructive, pour faire obstacle aux phénomènes spirituels omnipotents et intolérants. (Pour l’histoire, la révolution française avait essayé de promouvoir le Culte de la Raison pour remplacer le christianisme.)

      Et là encore, où sont les structures dont l’objectif serait d’étudier toutes ces problématiques, d’informer sur les aspects positifs et négatifs des mouvements spirituels existants, et de proposer des alternatives spirituelles constructives ?


    • mithys 13 août 2009 17:16

      Merci, Serge WUNSH, d’avoir si bien résumé la difficulté d’appréhender les principaux facteurs, éminemment complexes, qui sous-tendent le phénomène religieux.

      Je comprends que vous ne soyez quand même pas entré dans le détail des mécanismes biochimiques, encore très peu connus, qui concrétisent l’imprégnation affective du cerveau émotionnel, notamment  à la suite d’une éducation religieuse, et qui influencent la rationalité.

      J’ai apprécié que vous écriviez, in fine : « En tout cas, ce qui semble indéniable, c’est qu’existe chez l’être humain un besoin d’une certaine spiritualité. Et il serait souhaitable de chercher comment le satisfaire de la manière la plus constructive, pour faire obstacle aux phénomènes spirituels omnipotents et intolérants. (Pour l’histoire, la révolution française avait essayé de promouvoir le Culte de la Raison pour remplacer le christianisme.). Et là encore, où sont les structures dont l’objectif serait d’étudier toutes ces problématiques, d’informer sur les aspects positifs et négatifs des mouvements spirituels existants, et de proposer des alternatives spirituelles constructives ? ».

      « Des alternatives spirituelles constructives » : c’est bien la question !  Certes, la spiritualité religieuse, les repères religieux sécurisants sont en perte de vitesse, sauf dans l’islam, mais ils  n’ont pas été remplacés par une spiritualité laïque. Au contraire, comme l’écrit André COMTE-SPONVILLE (dans « L’esprit de l’athéisme. Introduction à une spiritualité sans Dieu » Albin Michel 2006), « le dogmatisme revient, avec, trop souvent, et l’obscurantisme, et l’intégrisme, et le fanatisme parfois. On aurait tort de leur abandonner le terrain. Le combat pour les Lumières continue, il a rarement été aussi urgent, et c’est un combat pour la liberté. Un combat contre la religion ? Ce serait se tromper d’adversaire. Mais pour la tolérance, pour la laïcité, pour la liberté de croyance et d’incroyance ».

      Michel ONFRAY, dans son Traité d’athéologie, estime qu’ « en mettant à égalité toutes les religions et leur négation, comme y invite la laïcité qui triomphe aujourd’hui, on avalise le relativisme ». Selon ce philosophe, « il faut promouvoir une laïcité post-chrétienne , à savoir athée, militante et radicalement opposée à tout choix de société entre le judéo-christianisme occidental et l’islam qui le combat. Ni la Bible, ni le Coran ». Mais cela revient à prôner une pensée laïque unique, aussi critiquable que celle des dogmatismes religieux !

      Quant à André COMTE-SPONVILLE, il ne propose aucune solution concrète pour parvenir à une alternative laïque. Je constate qu’il en est apparemment resté aux notions de Sigmund FREUD, donc d’avant 1939, et qu’il semble donc tout ignorer des observations psycho-neuro-physiologiques actuelles, relatives par exemple à  l’influence de l’éducation sur le cerveau émotionnel, de son influence sur le cerveau rationnel et donc sur la réflexion philosophique. A propos de l’expérience mystique, il cite seulement Michel HULIN : « l’intellect est mis hors circuit » …

      J’aurais au contraire souhaité voir ces deux philosophe adopter une saine conception de la neutralité et faire la promotion de la « laïcité philosophique », celle qui, tout en refusant toute référence à un absolu transcendantal, n’est pas pour autant antireligieuse puisqu’elle prône, par simple honnêteté intellectuelle, une information minimale, objective et non prosélyte, permettant de choisir, aussi librement que possible, de croire OU de ne pas croire.

      Mais André COMTE-SPONVILLE (non pas « athée fidèle », mais, à mon sens, agnostique regrettant de ne plus être croyant …) semble obnubilé par la dimension poétique de son expérience mystique (= limbique … ! ) : « vivre ensemble le mystère et l’évidence, la plénitude et la simplicité, l’unité et l’éternité, le silence et la sérénité, l’acceptation et l’indépendance … C’est le sommet de vivre, qu’on n’atteint qu’exceptionnellement ». Pour lui, la spiritualité, « c’est notre rapport fini à l’infini ou à l’immensité, notre expérience temporelle de l’éternité, notre accès relatif à l’absolu ». (…). Le véritable esprit de l’athéisme : non l’Esprit qui descend, mais l’esprit qui s’ouvre (au monde, aux autres, à l’éternité disponible) et qui se réjouit. Ce n’est pas l’absolu qui est amour ; c’est l’amour, parfois qui ouvre à l’absolu. (…) C’est l’amour, non l’espérance, qui fait vivre ; c’est la vérité, non la foi, qui libère. Nous sommes déjà dans le Royaume : l’éternité, c’est maintenant ».

      A mes yeux, tout être humain, en présence une circonstance qui le dépasse, ou dans un épisode heureux ou malheureux de son existence, devient sensible à une forme ou l’autre de spiritualité, soit  religieuse, soit laïque : elle se découvre aussi bien par la méditation zen, le bouddhisme, la Musique de Mozart, voire lors d’un orgasme simultané. André COMTE-SPONVILLE y fait allusion.

      Mais j’aurais apprécié que son « introduction à une spiritualité sans Dieu » soit plus « laïque » ! Ce philosophe semble ignorer que la spiritualité laïque a aussi une forme active et engagée dans tous les aspects de l’existence :

      Ce qui, pour l’athée, est « sacré », dans le sens d’inviolable, c’est d’abord le respect de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant, (ce qui implique l’interdiction de l’excision par exemple), et celui de leurs droits et libertés, à commencer par celle de ne pas se voir imposer unilatéralement une éducation religieuse.

      La spiritualité laïque consiste à se sentir sur la même longueur d’onde que celle d’hommes et de femmes animés par un idéal commun d’émancipation, de perfectionnement humain, individuel et collectif, par la promotion et le respect de certaines valeurs, principes et objectifs communs. Il en résulte une confiance mutuelle a priori, rare de nos jours.

      La spiritualité laïque, à mes yeux, c’est finalement tout ce qui concourt à l’harmonisation de l’individu par lui-même, au cheminement qui consiste à se construire soi-même et à édifier sa vie, à la fois par le dialogue, la tolérance et le respect mutuel.

      Bien amicalement,

      Michel THYS http://michel.thys.over-blog.org


       

       

       

       

       

       

       

       

       

       

       


  • Isaac Abraham 12 août 2009 15:50

    Les sujets que vous évoquez comme le rire ou le bonheur ou d’autres à forme de complexité similaire ont été étudiés depuis belle lurette mais différemment de la méthodologie scientifico-technologique, je veux dire par les théosophes, les spiritualistes, les sages et les philosophes.

    Ces sujets étant beaucoup plus au point de vue organisation disciplinaire à contenu disparate et complexe puisqu’il y intervient dans leur manifestation beaucoup de composants enchevêtrés comme les phénomènes physico-chimiques de la physiologie humaine, les interactions biologiques avec l’écosystème , les faits de culture qui sont eux- mêmes difficilement appréhendables, etc. ; les chercheurs ou les thésards utilisant le canon de la méthodologie scientifique même la plus ouverte hésitent à s’engager dans de telles pistes à souffle temporel long et à résultats très incertains comparativement  à d’autres sujets plus ou moins faiblement circonscrits par exemple en matière de neuro-biologie, de neuro-psychologie, de science de la cognition, etc .

     

    A contrario en matière économique, des centaines de thèses ainsi que des livres et articles ont traité d’un sujet difficilement cernable scientifiquement pour ne pas dire quasi scientifiquement et concernant ce qu’on appelle la théorie des cycles économiques, continue jusqu’à aujourd’hui à susciter une activité fébrile de publication, surtout en ces 2 siècles de récurrence de certaines crises économiques et financières.

    Il n’y avait aucune retenue à étudier le problème bien qu’à première vue, il s’agissait d’un sujet  proche de notre quotidienneté, à savoir la crise. Et en même temps en le traitait à la manière beaucoup plus du pronostic même assis sur une statistique abondante elle même sujette à caution, que d’une étude économétrique vous divulguant dés le départ ses limites et ses hypothèses de départ pour permettre à quiconque versé dans la question de former lui-même son jugement en dernier ressort.

     

    Pour être pertinente, votre question mérite selon mon opinion personnelle la rectification suivante :

    La rationalité de la science est-elle inversement proportionnelle à l’importance de la complexité intrinsèque du sujet étudié ?

     

    La sociologie aussi proche du vécu de la personne humaine pêche par ses lacunes scientifiques de par la complexité intrinsèque de son objet ; cela n’a pas pour autant tempéré le foisonnement de ses productions académiques et d’intervention dans les organisations de toutes natures.  


    • Wunsch 12 août 2009 19:26

      Si le problème se situe essentiellement au niveau de la complexité, pour quelles raisons existe-t-il dans le monde plus d’un millier de laboratoires dont l’objectif est de comprendre ce qu’est la mémoire et à peine 2 ou 3 dont l’objectif est de comprendre la sexualité ?


  • Céline Ertalif Céline Ertalif 12 août 2009 23:41

    J’ai bien fait de revenir sur cet article, ce que vous répondez sur l’absence d’études scientifiques sur les sanctions physiques à l’école est très intéressant. Vous avez raison, c’est évident. Il y a certainement un vrai problème d’absence de débat public sur l’orientation des recherches. C’est peut être finalement l’absence de délibération démocratique qui affaiblit la science. Je viens d’écouter JC Milner dans les rencontres de Pétrarque critiquer le « n’importe qui qui décide n’importe quoi », j’espère revenir sur cette question par un nouvel article si j’ai un peu de temps...

    Michel Thys cite Laborit. C’est un scientifique que j’ai lu, il y a longtemps, avec beaucoup d’intérêt. Le concept de servo-mécanisme développé par H Laborit me paraît toujours d’un grand intérêt.

    Cordialement.


    • Wunsch 13 août 2009 10:10


      J’ai également beaucoup d’estime pour Laborit et ses travaux.

       

      J’ai regardé la vidéo de la conférence de Patrick Viveret à l’UTLS. C’est intéressant, en particulier les graphiques donnés en début d’exposé.

      Sans aucunement dénigrer la qualité de son intervention, on remarque là encore l’importance d’une recherche globale en équipe pluridisciplinaire, car une ou quelques personnes ne peuvent maîtriser tous les aspects d’un phénomène complexe.

      Par exemple, il dit vers la fin de l’exposé que les sociétés pré-industrielles avaient un meilleur rapport à la nature que le nôtre.

      Or des études récentes, basées sur des données historiques et archéologiques dans de nombreuses régions du monde, suggèrent que la majorité des sociétés n’ont jamais maîtrisé les problèmes d’environnement et de ressources. Seulement, comme ils étaient peu nombreux et dépourvu de techniques sophistiquées, leur impact sur l’environnement est resté relativement négligeable.

      Le meilleur exemple, typique, est les habitants de l’ile de Pâques, qui après la déforestation complète de leur ile, n’ont plus eu de bois pour l’énergie et pour fabriquer des outils et des bateaux pour la pêche, ce qui a entraîné famine, conflits et les a décimés.

      Voir : Constant Battles, (the myth of the noble savage), Steven Le Blanc, St. Martin’s Griffin, 2004

      Sick Societies : Challenging the Myth of Primitive Harmony, Robert B. Edgerton, Free Press, 1992


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