A propos de la dissolution de Civitas...
C'est désormais officiel, à la demande du ministre de l'intérieur Gérald Darmanin (décret du 4 octobre 2023) l'association catholique traditionaliste Civitas va être dissoute. Le motif, comme toujours, est la menace grave envers l'ordre républicain. Auparavant, c'était Barraka city, organisation proche des frères musulmans, qui avait droit à cette démarche.
Il ne s'agit pas de défendre Civitas et son président Alain Escada. Mais de s'interroger sur la dangerosité et l'étrange nivellement entre les mouvances indexées par les services de renseignement. Civitas, fondée en 1999, se veut le porte-drapeau du catholicisme ultra, oeuvrant pour une cité idéale chrétienne. Le mouvement a été transformé en parti politique depuis, bien qu'il ne présente pas de candidats aux élections. Il a été de tous les combats conservateurs, anti-avortement, manif pour tous, avec quelques infiltrations dans les gilets jaunes.
C'est clair, ce n'est pas un mouvement républicain. J'ai rencontré une fois Alain Escada à l'église des Bernardins à Paris ; c'est un homme courtois, affable, qui dialogue volontiers. A des années-lumières d'Aboubakar Al Baghdadi et de Ben Laden. On ne voit pas cet homme paisible aux fines lunettes, bien habillé, sortir une mitraillette et prôner la lutte armée, d'ailleurs aucun acte violent n'est à reprocher à ces cathos-tradis. Ni aux autres mouvements chrétiens, juifs ou bouddhistes.
Mais alors, où est le litige ? Lors d'un colloque à Pontmain, dans la Mayenne, un certain Pierre Hillard aurait tenu des propos antisémites. Il aurait abordé l'assimilation des juifs en 1789, et peut-être le décret Crémieux en Algérie. Il est connu pour être l'auteur d'un atlas de géopolitique anti-atlantiste et il est pro-palestinien. Pour autant, on l'imagine mal appeler à l'agression des israélites, ou remettre en cause leur statut de citoyen de nos jours, surtout en public... A voir, mais les policiers en civil infiltrés ont vu les choses autrement. Si l'intervention litigieuse de ce monsieur est absente de Youtube, un agoraxien m'a signalé sa présence sur Odysee, désormais seule plate-forme qui ne pratique pas la censure :
Hillard parle des relations internationales. Il rappelle que la naturalisation des juifs date de la révolution, et selon lui elle aurait "ouvert les portes à l'immigration". Et alors ? Où sont les insultes envers les israélites ? Les policiers présents semblent confondre Civitas avec le Hamas, et Hillard avec un imam salafiste, ce qui montre le triste niveau culturel des gens chargés de nous protéger, sauf bien sûr s'il s'agit de trouver des prétexte pour interdire un mouvement. Mais toujours est-il que cela n'engage que lui, et pas l'ensemble des adhérents et sympathisants de Civitas, et qu'il n'y a pas d'appel à la violence dans ses propos. Hillard n'est pas responsable de l'embrasement de la bande de Gaza !
Notons par ailleurs que le jeune essayiste Youssef Hindi, auteur de L'autre Zemmour, est aussi conseiller en géopolitique d'Alain Escada, ce qui démontre la réalité du dialogue chrétiens/musulmans, loin des délires médiatiques sur l'islamophobie.
Après, si Civitas a fauté, Civitas doit rendre des comptes. Les extrémistes doivent être surveillés, démantelés. Mais comment mettre sur le même plan ceux qui luttent avec un chapelet et ceux qui brûlent des bagnoles, attaquent la police et pratiquent le terrorisme à la kalashnikov ? En quoi les mouvements d'ultra-gauche sont-ils moins dangereux ? Le parti de Mélenchon qui a tenu lui-aussi des propos doûteux envers les israélites (voir l'actualité !) devrait être aussi dissous, sachant que les islamistes anti-républicains ont infiltré LFI depuis des années. Sans parler des associations salafistes financées par le Qatar, les frères musulmans et autres sectes de frapadingues se revendiquant de l'islam. Et que dire du Betar, célèbre mouvement paramilitaire juif, qui est toujours légal en France ?
Deux poids deux mesures, comme toujours en France. Les véritables raisons de cette dissolution sont plutôt à rechercher sur le côté anti-woke de Civitas, son souverainisme, sa défense d'un catholicisme qui donne de l'urticaire aux loges maçonniques, sa défense de la famille traditionnelle, la femme au foyer, les enfants bien élevés etc. Une contestation droitiste du capitalisme international et de l'ultra-libéralisme, comme le sont les royalistes légitimistes de l'Action française (d'ailleurs aussi dans le collimateur de Darmanin).
Civitas dérange à gauche comme à droite. D'un côté, il est réactionnaire. De l'autre il détourne des électeurs du vote à droite. Escada rejette Pécresse et se méfie de Zemmour. Dans ce contexte, peu de personnages publics prennent sa défense. Certes, il existe le rassemblement national, ce parti annoncé au pouvoir en 2027 qui doit remettre les points nationalistes sur les "i" et permettre à la "droite culturelle" d'exister. Hélas, ce type de réaction (c'est la vice-présidente du RN qui parle !) laisse pantois :
Que reproche le RN à Civitas ? De lui prendre des militants ? Comment pourrait-on soutenir des gens qui partagent la censure de tout ce qui déplait à nos pouvoirs publics ? En quoi le RN serait un parti alternatif désormais ?
Le clou de ce débat n'est pas le côté réac' de Civitas, mais l'arbitraire en matière de répression. Quand vous serez en public, vous devrez peser vos mots, ne pas contredire, éviter les sujets sensibles, pour ne pas finir devant un juge. Ce qui n'a rien de républicain. Où est passée la liberté d'opinion ?
Nous voulons être libres d'assister ou non à la Gay pride ou aux offices religieux de St Nicolas du Chardonnet. Libres de penser ce que nous voulons tant que nous n'agressons pas autrui. D'être de "droite" ou de "gauche" dans le respect mutuel. Maurras et Jaurès ne buvaient-ils pas leur café ensemble à une autre époque ?
Quand une société va mal, tout le monde doit la mettre en veilleuse, c'est le message du ministère de l'intérieur et de ses espions infiltrés dans les réunions politiques, des gens qui seraient plus utiles en luttant contre les trafics de drogue par exemple. Mais l'état a une priorité : mettre au pas les dissidents, les adversaires, et tant pis pour les valeurs de la république, la tolérance et l'écoute des autres.