jeudi 19 janvier 2006 - par Argoul

De la bêtise

Manif Les manifestations d’adultes insérés dans le milieu professionnel et syndiqués ne sont pas cette expression de « démocratie » dont on les loue. A Strasbourg, selon un témoin, régnaient plutôt « la bêtise et la bière ». Je ne sais si l’excès de houblon rend brute ou si l’alcool abêtit, mais il s’agit toujours du déni d’humanité. Une consommation excessive, tout comme une conduite excessive, rendent non-humains, « bêtes ».

La bête, en latin, désigne l’animal, tout ce qui n’est pas homme. L’accent est mis sur la férocité et sur l’inintelligence, donnant « belluaire », ce gladiateur tout en muscles, particulièrement peu pourvu de matière grise. Les juristes médiévaux réservent d’ailleurs le plus souvent le mot « beste » aux animaux féroces. La Bête avec majuscule, est l’autre nom du Diable, cet Inhumain absolu de la religion, antithèse de l’homme, puisque ce dernier a été façonné « à l’image de Dieu ».

Dès le XXIIIe siècle, lorsque la démographie engendre une population nombreuse et optimiste, les têtes pensantes prennent bien soin d’opposer l’humain au bestial. « Être bête » apparaît dans la langue vers 1220, si l’on en croit le Robert historique de la langue française, dans le sens de « stupide », autre mot pour désigner la paralysie mentale, cet engourdissement de l’esprit épais, apparu en 1377. Il faut attendre le pétillant et progressiste Diderot pour que le mot « bête » revienne dans la pensée écrite, devenant si courant que chaque auteur lui rajoute une caractéristique particulière : bête comme un âne (qui se contente de bouffer et de braire), comme une oie (qui se dandine en cacardant, sans rien faire), comme une cruche (dont l’anse se laisse prendre) ou comme un pot pour Flaubert. Lequel s’empresse de noter, dans son Dictionnaire des idées reçues, cette immédiate opinion : « Bêtes ? Ah ! si les bêtes pouvaient parler ! Il y en a qui sont plus intelligentes que des hommes. » Comme il s’agit de l’idée reçue, le sel de la remarque n’en est que plus vif. C’est d’ailleurs le même qui, dans la même œuvre, met en garde contre la bière, toujours selon la sagesse des nations : « Il ne faut pas en boire, ça enrhume. »Bte_gvaudan

La bêtise représente donc le summum du manque d’intelligence, cette qualité propre à l’être humain que la démocratie grecque puis le libéralisme politique des Lumières ont encensée. Nous en pensions le socialisme le successeur ; il semble n’en être rien, tant le culte de la manif’, avec ses débordements casseurs, est ancré dans la « pensée » de gôche. Mais peut-on encore parler de cette faculté proprement humaine qu’est la « pensée » lorsqu’on assiste à ces comportements de foule grégaires, panurgiques, communiant dans le « slogan », terme qui semble devenu l’oméga de la réflexion politique ? Tout notre système politique est pourtant fondé sur cette intelligence, lueur qui permet de discerner. C’est pourquoi les « bêtes à concours » ne feront pas de bons politiques, mais des techniciens secs et bornés. Zolabete_humaine Et c’est pourquoi le travail en miettes, qui produit de zolaïques « bêtes humaines », n’est pas tolérable dans une société digne. Encore que la démagogie du « toujours plus » et autres « yakas » de ceux qui veulent faire l’ange ne réussit qu’à les rendre de pascaliennes « bêtes ». Enfin c’est pourquoi ces bureaucraties, où nul n’est jamais responsable (les administratifs de l’Éducation nationale de ce lycée d’Etampes, les magistrats et les journalistes d’Outreau) ne font que « chercher la petite bête », de façon si limitée, si juridique, si machinale. C’est toute une société qui se vautre dans l’abêtissement systémique, qui vante le « collectif » moutonnier, qui, adulte et responsable, donne en exemple à la jeunesse et aux simples cette « expression » d’un haut niveau politique propre à la France : la manif’.Bete_naze

La bêtise n’est bonne qu’en ville de Cambrai, où le génie pâtissier en a fait une chose sans importance, à base de sucre et de lait, d’un peu de menthe parfois. Pour le reste, je souhaite n’être pas le seul à considérer que l’abêtissement déshonore la démocratie, et que la politique doit se faire autrement que par des comportements de bête.

Mais peut-être suis-je bien le seul, dans l’émotionnel requis et la démagogie ambiante ?



39 réactions


  • coucou (---.---.103.51) 19 janvier 2006 13:10

    Bien sûr, il y a les gens bêtes, les ignares, les boeufs, les moutons ! qui ne comprennent rien à rien , qui ne pensent qu’à manger , boire, procréer, regarder TF1 ,la Star’ac et le foot, et qui se mettent bêtement en colère dès qu’une menace se fait jour ! Et il y a les grands fauves, les aigles royaux, qui plannent au-dessus de la mélée, qui ont de la culture, de la Distinction, qui citent Flaubert, Tocqueville, qui parlent de peinture, de musique (classique ou jazz bien sûr),qui ont « faits » les « States », la Chine, le Mexique ; qui ont tout compris, car ils sont tellement plus intelligents et cultivés et distingués que les autres cancrelats et cafards d’en bas ! Quelle misère de la pensée ! quelle grisaille que cette conception caricaturale du monde ! quelle tristesse de voir ce genre d’apologie du mépris, de voir cette médiocrité cachée derrière les atours d’une soi-disant culture , du blabla des beaux salons et des beaux quartiers, tout ça s’étaler, se répandre , se vautrer dans un fumier d’idées reçues, de préjugés (qui n’ont que des centaines d’années d’existence) comme un cochon sur son lisier ! Alors, Argoul, je veux bien parier que tu n’as jamais eu à partager ne serait-ce que quelques minutes le sort des moutons et des boeufs, que la violence te fait « horrrreûre » , je vois que tu ne comprends en fait RIEN à ce pauvre monde, parce que tu n’apprends pas ou tu n’apprens plus ! Tu vis avec cette idée que tu es un grand « fauve » un « aigle royal », parce qu’on te l’a dit, et si Papa le dit... Et ta réflexion consiste à chercher les preuves que « papa » avait raison ! Qui est le mouton ? Qui suit l’animal devant lui ? Qui se révolte ? Qui vit ? mots-clés : orgueil, orgueil, médiocrité, suffisance

    autres mots-clés proposés : recherche, Platon, Bourdieu, Lahire, , Derrida, Deconstruction, philosophie, modestie, travail, travail...


    • (---.---.94.104) 20 janvier 2006 10:44

      bravo coucou ! tout a fait d’accord, je rajouterai que l’onanisme intellectuel cela rend gourd.... (et en plus il ne fait pas dans le bref ! )


  • M’barek (---.---.131.23) 19 janvier 2006 15:44

    Dans son livre “le zoo des philosophes : de la bestialisation à l’exclusion”, Armelle Le Bras-Chopard montre que les assassinats de masse ont souvent nécessité d’en passer par la déshumanisation des futures victimes. Dans bien des cas, on a ainsi présenté l’autre comme un animal grégaire, sale et répugnant, comme une bête.

    Ainsi que ce soit dans l’Allemagne hitlérienne ou au Rwanda ce n’est pas des Hommes qu’on a exterminé mais de la vermine, des cancrelats, ... C’est à dire moins que des bêtes.

    Comme Hitler aimait les chiens, la maltraitance d’un animal pouvait être passible de la peine de mort. Les juifs ont donc été rétrogradé au rang de bacille, de virus, de microbe. L’utilisation d’un insecticide est dans cette logique. A ce moment, on ne tue plus, on extermine, on décontamine, on désinfecte, ...

    Alors môssieu peut toujours se targuer d’intelligence et de culture, cela ne l’empêche pas de dire des bêtises avec beaucoup de suffisance. En fin de compte, c’est peut être tout ce qui lui reste, transformer les autres en bêtes, pour continuer à se penser comme un descendant des Lumières. Laissons le à son auto-érotisme verbeux !


    • bêtehumaine (---.---.109.206) 8 mars 2006 12:27

      Je suis tout à fait d’accord avec vous. Plus proche de nous c’est par manque d’humanité concernant les « acquittés » que l’on a produit le drame d’Outreau. Tout homme est d’abord un être humain avant d’être un « animal ». Que penser des derniers propos de G. Frèche ?


    • Dalziel 23 mai 2008 21:55

      Test grandeur nature


  • Uwe Kiresky (---.---.19.40) 19 janvier 2006 15:58

    Bonjour,

    Syndicaliste moi-même, je ne puis que vous conseiller la lecture de « la distinction » de Bourdieu, aux éditions de minuit. J’ai renoncé à juger (du moins j’essaye) ce qu’une convention nomme l’individu. Cette notion, et les « choix » y affairant, doivent quand même beaucoup à des déterminismes tant sociologiques que biologiques. Savez-vous par exemple qu’un chaton isolé dans un espace exclusivement rayé verticalement, sera, plus tard, incapable de voir (son cerveau ne les ayant pas engrammées) des rayures horizontales (Le cerveau machine, de Marc Jeannerod, Diderot Editeur, Arts et Sciences) ? Evidement, si on pense la notion de faute et de responsabilité individuelle selon de tels critères, c’est un gouffre existentiel !

    Cdlt.

    Uwe.


  • Elegy (---.---.201.26) 19 janvier 2006 16:21

    Bien sur il ne faut pas generaliser. Mais ca marche egalement dans les deux sens. Il n’y a pas la France d’en bas, qui aurait forcement raison sur tout et qui serait constamment exploitee et la France d’en haut, qui aurait tout le pouvoir, tout l’argent, et l’aurait a chaque fois acquis de facon malhonnete.

    Chaque individu est riche dans certains domaines et pauvre dans d’autres. Intelligent dans certains domaines et ignorant dans d’autres.

    Je suis d’accord avec le fait que la betise est omni-presente en France, que beaucoup d’entre nous se font un devoir de tout critiquer, tout le temps, sans proposer de solution. Comme disait Coluche, en France on critique ceux qui font quelque chose, ou ceux qui tentent de faire quelque chose. On ne critique jamais ceux qui font rien. Et parfois, ne rien faire, ne rien proposer pour resoudre des problemes cruciaux, c’est beaucoup plus condamnable.

    Pire encore, empecher les autres de proposer des solutions, par des critiques rapides basees sur des cliches ideologiques, m’apparait comme criminel, et l’une des principales causes de la lenteur qu’a notre pays a s’adapter aux conditions dans lesquelles il vit (ces conditions portent un nom : le monde).

    Alors pour moi, le remede a la betise serait, que l’on se reclame de la France d’en haut ou d’en bas, que l’on reflechisse par soi-meme avant de raler en coeur sur un theme, en citant des slogans faciles, sans proposer d’alternative credible (car bien sur, proposer quelque chose serait s’exposer a la critique). Que les critiqueurs ( etudiants, syndicalistes ideologiques et parfois meme les patrons eux-meme) proposent des solutions realistes avant de s’empresser a empecher autres de proposer les leurs. Proceder autrement ne peut relever que de la betise ou du nombrilisme. Dans les deux cas, ca n’a rien a faire dans une democratie. Il faudrait que les journalistes aient l’intelligence d’ignorer des gens qui n’agissent que comme ca. Ca cancerise les actions qui pourraient avoir une chance d’aboutir a quelque chose d’utile.

    Pour l’instant gueuler, defiler dans la rue, est relaye par les medias comme etant une sorte de dialogue democratique, sinon sain, du moins courant, tout a fait normal. Le fier modele social francais fait parfois plutot honte.


    • Christophe (---.---.58.18) 19 janvier 2006 21:22

      La plus grosse difficulté, actuellement, dans la construction d’un dialogue consiste à trouver des interlocuteurs.

      Etant moi-même syndicaliste, je considère l’usage du Droit de Grève comme un avœu d’échec ; pas seulement imputable aux organisations syndicales, mais à l’ensemble des partenaires sociaux ayant participé au dialogue, à la recherche de consensus.

      Par ailleurs, il est dommage de constater qu’en ce domaine, les médias ne font pas leur ouvrage correctement. Ils donnent, par les images de mouvement sociaux, l’aspect exclusivement négatif des négociations. Souvent, lorsqu’une négociation se passe bien, qu’un consensus est trouvé, cela ne fait guère plus l’objet d’une petite phrase.

      Je rejoins tout à fait vos propos lorsque vous dîtes que proposer quelque chose de crédible expose à la critique ; surtout dans cette période, où, en France, l’opposition systématique est bien plus porteuse (surtout en terme électoral).

      Malheureusement, nous nous heurtons de plus en plus à des situations innextriquables qui opposent, sur le terrain purement dogmatique, des organisations syndicales et des organisations patronales.

      Il existe, il est vrai, une violence physique qui parfois reste à l’état latent mais qui parfois éclate. Mais il existe aussi d’autres types de violences qui ne font pas plus montre d’intelligence.

      L’Homme se dit intelligent car il a surmonté « la loi du plus fort » qui le différencie de l’animal, de la bête. Or, actuellement, si nous ne parlons plus de l’aspect physique de cette loi, nous la devinons parfois sur d’autres terrains ; ce qui met en évidence, à mon sens, un manque certain d’intelligence ; et peut-être même une forte régression dans notre évolution.


    • COUCOU (---.---.103.51) 20 janvier 2006 11:04

      Bonjour, alors qu’est-ce que penser par soi-même ? D’où nous vient notre « pensée » ? Comment se forme la pensée d’un individu ? Il y a actuellement une idée très en vogue chez beaucoup, l’idée comme quoi toute manif, toute grève relève d’un autre temps, est archaïque, inutile, BETE ! que les gens qui y participent n’ont que des réactions PRIMAIRES, sans réflexions, et qui passent leur temps à hurler à tout bout de champ dès qu’on touche à leur os ! Non, on nous dit qu’il faudrait que les gens aient de la retenue, posent calmement le problème, attendent qu’on leur donne la parole, poliment, réfléchissent, et surtout, SURTOUT, ne fassent pas de scandale dans la rue !

      Il ne vient à l’idée de personne de se dire que les gens qui manifestent, ont peut-être déja essayé tout ça avant, ont négocié des jours et des jours avec leurs employeurs, ont fait part de propositions nouvelles qui sont aller directement à la poubelle ! Alors quand, de toute façon, on ne vous écoute pas, parce qu’on vous pense trop « bètes », qu’on vous a fait mille promesses jamais tenues, qu’on vous explique qu’on n’y peut rien, « c’est comme ça, la faute à l’Europe, aux chinois, à l’état, aux syndicats, aux fonctionnaires, aux autres quoi ! » Alors, à la fin, on s’exprime dans la rue, on fait grêve, et tant pis si celà heurte votre bonne éducation ! Aussi parce que, la plupart des droits qui ont été conquis , en France, des droits fondamentaux (droits de l’Homme) aux droit du citoyens, du travail, etc... l’ont été par une irruption sur la voie publique : révolutions, manifestaions, conflits sociaux etc... Et pas par une conversation polie et policée autour d’une tasse de thé ! Parce que dans un conflit, il y a toujours au moins deux parties en présence ! et l’échec des négociations ne doit pas toujours systématiquement être imputé à la partie la plus bruyante, la plus visible ! Pourquoi pense-t-on celà ? Comment se forme notre « pensée » ? Quel rôle a joué notre éducation, nos lectures, nos expériences, notre télévision dans la formation de nos idées ? Je repose ma question.


    • (---.---.21.95) 24 janvier 2006 17:35

      Tout à fait d’accord ! C’est fou comme énormement de gens se permette de critiquer les grèves et les manifs en particulier, et le monde du syndicalisme en général, sans rien y connaître. Sans savoir que ce sont des hommes et des femmes qui y passe une grande partie de leur temps, au détriment du temps familial, pour faire des réunions, des AG, des négociations, des appels, des organisations, des tractages, des renégociations, etc. Sans savoir que les syndicats permettent tous les jours de conclure des accords avec les directions (plus souvent des petites entreprises qui sont beaucoup plus à l’écoute des travailleurs). Mais bien sûr les médias ne font que passer l’image de fainéants avinés qui passent leur temps à gueuler dans la rue ! Pauvre France ...


  • (---.---.146.185) 19 janvier 2006 18:08

    A Strasbourg, selon un témoin, régnaient plutôt « la bêtise et la bière ».

    Peux-tu préciser : quel témoin ?


  • debonsens (---.---.67.199) 28 janvier 2006 15:20

    bonjour tout nouveau sur le site , etant moi meme ouvrier,syndique et de gauche je me suis senti insulte par l’article degoulinant de haine et de mepris de monsieur argoul. de tels articles sont pour moi innaceptables c’est pourquoi je quitte definitivement ce site et j’invite ce qui sont ouvrier ,syndiques et de gauche a faire de meme. rendez vous sur « reseau voltaire » adieu


  • argoul (---.---.18.97) 1er février 2006 07:33

    L’intérêt d’Agoravox est de reprendre automatiqueùent des billets publiés sur blogs ; le désavantage de la formule est qu’elle n’assure pas de suivi. Le blog est un dialogue, pas un « bloc » figé de pensée. Je comprends les réactions épidermiques des premiers commentateurs mais, une fois de plus ils démontrent le défaut de l’époque : le superficiel, l’émotionnel, le groupisme, « ça dérange, donc c’est con ». Il est réconfortant de voir en revanche les commentaires plus mûrs des syndicalistes, ils « savent » qu’il y a un problème syndical en France et que les réactions « bêtes » sont sans doute une manifestation du blocage mental de la société tout entière sur le sujet. Voici le billet suivant du blog, non repris par Agoravox, qui poursuit le dialogue sur « la bêtise » :

    Les notes précédentes, pamphlétaires, ont donné lieu à des réactions intéressantes, montrant que le débat est possible et que la politique reste une passion française qu’il serait dommage d’étouffer.

    Mon propos concernait le fonctionnement d’une démocratie, l’inégalité créée par des statuts d’exemption, le syndicalisme français, le « libéralisme » et la confusion des mots, la manipulation, la hantise du changement, l’économie de marché. Revenons sur ces points.

    1/ La démocratie : je crois au vote et au débat, pas aux cris et au cassage, pour se faire entendre. Ou alors, cela devient de la démagogie ; Mussolini comme Hitler sont parvenus au pouvoir de cette façon. Jean-Marie Le Pen est arrivé au second tour de l’élection présidentielle en 2002 pour les mêmes raisons. Ne jouons pas avec la démocratie.

    2/ Les statuts d’exception (sans doute justifiés en leur temps), deviennent source de croissantes inégalités de conditions aujourd’hui. Le monopole des « avoués » et celui des « agents de change » ont bien été abolis parce qu’ils étaient devenus des freins. Celui des « ouvriers du Livre » est, pour une part (pas la seule, il ne s’agit pas de désigner un bouc émissaire commode), responsable de l’état lamentable de la presse quotidienne française - car pourquoi les Français liraient-ils moins les journaux que les pays voisins à modes de vie comparables ? Ces privilèges d’un autre temps, ces monopoles, ne sont pas justifiés aujourd’hui - ou alors, on en discute, avec des arguments. Pas plus les stocks options excessives des patrons d’ailleurs, ou certaines exemptions fiscales. Ces « domaines réservés » sont en contradiction avec un idéal de partage social et de fraternité républicaine auxquels je suis attaché, comme nombre de Français probablement. Un débat national et honnête s’impose, plutôt que la menace constante d’une guerre civile si on touche aux « privilèges ». C’est la méthode que je conteste, pas l’affrontement naturel des intérêts.

    3/ Le syndicalisme est singulièrement faible en France par rapport aux pays voisins. Il importe de savoir pourquoi. Or, seule l’intermédiation des intérêts permet d’éviter les débordements de passions et d’aborder les problèmes en recherchant une solution pratique (c’est le rôle par ex. de l’avocat devant la justice). Je suis pour des syndicats puissants qui donnent les arguments de la base selon un rapport de force permettant de les écouter : que fait la CGT (par exemple, elle n’est pas la seule) pour attirer des salariés en son sein ? Pourquoi la CFDT (bien que faible) attire plus ? Ne serait-ce pas parce qu’elle est plus pragmatique, plus réaliste, plus en phase avec le concret des gens ? Je n’ai pas la réponse. En revanche, ma conviction est que la principale question est la faiblesse des syndicats français. Entrenue à quelles fins ? Voulue par qui ? Résultant de quelles causes ? Quand les syndicats représenteront enfin quelque chose, l’intelligence de la négociation aura des chances de l’emporter sur la « bêtise » politique.

    4/ Oui, je suis libéral, mais avant tout politiquement libéral, dans la lignée des Lumières dont je crois que le socialisme moderne est la suite (voir la note sur Monique Canto-Sperber sur ce blog). Ce libéralisme-là (né en France, je vous le rappelle, avec Voltaire et Montesquieu, entre autres), place la politique avant l’économie, qui n’est qu’un outil de gestion (utile, mais à sa place). Je suis proche d’un Jacques Delors ou d’un Christian Blanc, si vous voulez. Ce n’est pas parce que j’écris des notes sur l’économie mondiale et sur le fonctionnement du capitalisme que j’accepte tout ce qui est. Mais avant de savoir quoi faire, il faut observer et analyser, à mon avis.

    5/ Il me semble que coller des étiquettes personnelles ne fasse pas avancer le débat, sauf à user de cette « intimidation » violente dont les années staliniennes (et la CGT d’alors) ont donné de tristes exemples. La manipulation à des fins politiciennes n’en est jamais exclue, nous en revienons par là au fonctionnement d’une démocratie adulte vu plus haut. C’est contre cet « abêtissement » de la violence et contre les manipulations des récupérateurs politiques que je m’élève.

    6/ Il faut regarder le monde tel qu’il devient, s’efforcer de réfléchir et de débattre pour s’y adapter avec pour objectif, toujours, le bien-être des hommes et l’intérêt général du pays. Ce n’est pas en se contentant de « défendre » des « zaquis-point-à-la-ligne » que l’on y parviendra. Regardez la sidérurgie des années 80 : tout le monde s’y est mis et les drames sociaux les plus criants ont été évités. Regardez Air France : en déficit permanent hier, l’emploi sans cesse menacé, aujourd’hui entreprise qui va bien. Regardez Renault, « vitrine sociale » durant 40 ans, puis en déficit abyssal dans les années 80, aujourd’hui modernisée, remotivée, dynamique à l’international. Posons-nous des questions : les protections sont utiles lorsqu’elles servent un objectif national (l’économie n’est qu’un outil d’un vouloir stratégique), est-ce que les exceptions d’hier sont encore justifiables ? Si oui, pas besoin de casser, il suffit de le montrer. Sinon, il faut aménager leur réforme, pas élever une digue à tout prix, qui sera balayée par la prochaine vague.

    7/ Car, sauf à s’isoler comme Cuba ou la Corée du nord, je ne vois pas comment la France seule pourrait échapper à l’économie de marché, donc à ses règles du jeu. Qu’il faille les aménager à notre sauce, bien sûr, mais commençons tout de suite car à dire sans arrêt NON à tout ce qui change, on se résigne fatalement à subir ce que les autres nous font. La gauche a une responsabilité dans cette absence de maturité politique des citoyens. A ne pas vouloir répudier l’attitude radicale (changeons le monde, tout de suite), inepte pour qui aspire à gouverner, à ne pas expliquer pourquoi il convient d’agir avec les autres européens unis, dans une économie qui est ce qu’elle est, la gauche entretient l’illusion qu’il suffit d’une « révolution » de rue, comme en 1789, 1848 ou 1968, pour que le paradis advienne en France. Dangereuse attitude qui la déconsidère face aux citoyens adultes (qui savent bien que le pragmatisme est indispensable quand on n’est pas maître du monde) comme face aux naïfs (pour qui elle ne fait pas ce qu’elle promet et ne répond pas aux désirs du peuple).

    Vous avez compris que je parle du système politique et médiatique français qui induit et encourage certains comportements particuliers, pas des hommes qui, un par un, sont sans doute parfaitement rationnels lorsqu’ils défendent leur intérêt particulier.

    J’ajoute les résultats d’une étude Dialogue/TNS Sofres qui vient justement de sortir sur l’image des syndicats en France. Ses principales conclusions : « Aux yeux de l’opinion comme des salariés, les syndicats sont très attentifs à défendre les salariés du secteur public, ceux des grands groupes, et ceux qui ont un emploi stable. Ils sont en revanche jugés majoritairement peu attentifs à la défense des travailleurs précaires, des salariés des petites entreprises, des chômeurs, et encore moins des retraités. Ainsi les syndicats sont-ils aujourd’hui beaucoup plus perçus comme les défenseurs d’un « ghetto » de salariés déjà bien protégés, que comme un soutien à l’ensemble de la population laborieuse. »


  • bêtehumaine (---.---.194.92) 1er mars 2006 01:58

    De l’amalgame

    Quand on veut faire la morale on doit au minimum essayer d’être objectif. Hors vous utilisez dans votre illustration un vieux procédé démagogique : l’amalgame. Vous partez d’un « on-dit », vous généralisez et affirmez ensuite pour terminer sur quelques définitions de la bêtise, choisies par vous-même et non exhaustives. A défaut de nous renseigner sur votre humeur, l’amalgame « un syndicaliste = une bête » ne m’a pas du tout convaincu et m’aurait fait rire si traité avec esprit. Une citation de Chesterton pour la route : « Parce que chaque homme est un bipède, cinquante hommes ne font pas un centipède ».


    • argoul (---.---.18.97) 1er mars 2006 10:58

      Le terme « amalgame » est devenu à la mode avec M. Sarkozy, dirait-on. Que voulez-vous prouver en me le renvoyant à la figure ? Que vous n’avez rien lu de la note ni des commentaires ? Si tel est le cas, rassurez-vous, c’est fait.

      Le syndicalisme est le CONTRAIRE de la bêtise, si vous me lisez. Mais, bien-sûr, vous préférez rester bête, ce qui veut dire « ne pas user de votre intelligence ». Vous n’êtes pas le seul mais, comme disait Coluche...


    • bêtehumaine (---.---.137.140) 2 mars 2006 18:33

      On est TOUS le con de quelqu’un et je continuerai de vous lire avec respect.


    • bêtehumaine (---.---.184.103) 5 mars 2006 16:48

      Et encore : « Qui veut faire l’ange fait la bête. »


    • bêtehumaine (---.---.184.103) 5 mars 2006 17:23

      On peut être à la fois intelligent et bête. Ne pas comprendre un sujet n’exclut pas d’en comprendre d’autres. La bêtise n’est pas le contraire de l’intelligence, c’est une incompréhension sur un sujet donné à l’instant « T ». Et qu’entendre par intelligence ? Conceptuelle, manuelle...animale même ? L’opposé radical et absolu à l’intelligence ce n’est pas la bêtise comme vous l’écrivez mais le lobotomisé par exemple ! La bêtise est consubstantielle à l’intelligence ne serait-ce qu’en nourrissant sa réflexion. Maintenant si penser différemment de vous c’est être bête ?!? Comprenez-vous mes borborygmes ? Merci de votre compréhension.


    • argoul (---.---.18.97) 6 mars 2006 21:48

      Mais non, cher Monsieur, la bêtise n’est pas l’intelligence suspendue, la bêtise est l’inverse de l’intelligence, si les mots gardent un sens. Oh, je sais que le politiquement correct veut que tout le monde soit beau gentil superintelligent aimé et j’en passe. je ne suis pas politiquement correct. Je dis, comme le gamin d’Andersen, que le roi est nu. Surtout s’il est « privilégié » à statut et qu’il braille après bière, comme si nous étions dans une brasserie munichoise en 1933. Je crois, en revanche, que les êtres humains sont perfectibles, ils peuvent apprendre. Et ce n’est certes pas en flattant leurs comportements stupides ou « irréfléchis » qu’on les encouragera !


    • bêtehumaine (---.---.196.116) 7 mars 2006 20:44

      Pour en avoir le cœur net à défaut d’intelligence, j’ai tout relu et je fais la réflexion suivante : Traiter sous l’angle de la « bêtise » des sujets sérieux et complexes comme ceux du syndicalisme en France et en Europe, à défaut d’être « bête » c’est somme toute « casse-gueule », sans vouloir être vulgaire. Et comble d’ironie vous nous avez tendu le bâton pour vous battre. Après donc cette relecture, je ne me suis pas senti ni plus intelligent ni moins bête mais j’ai réfléchi et je vous remercie donc pour votre travail qui peut mériter salaire (je ne sais pas s’il existe un syndicat de blogueurs pour éventuellement défendre vos intérêts). Méfiez-vous, il n’y a pas que la bière qui monte à la tête, il y a toujours les idées et c’est bien pire !


    • bêtehumaine (---.---.109.206) 8 mars 2006 12:40

      Cela va vous faire plaisir, le sénateur Mélanchon utilise la même terminologie que vous. Il vient de déclarer à la télé que le CPE est « bestial » à la différence près que le qualificatif s’applique à un projet de loi et non à un être humain.

      N.B. :

      Je vous cite :

      « Les manifestations d’adultes insérés dans le milieu professionnel et syndiqués ne sons pas cette expression de « démocratie » dont on les loue » (fin de citation).

      Faux, ils utilisent le droit de grève voté démocratiquement. Je ne mets jamais de guillemets au mot DEMOCRATIE.


  • kritik (---.---.40.130) 1er mars 2006 02:32

    La passion pour cet article n’est bien évidemment pas à attendre d’une Majorité « morveuse »... !D’où seulement 50% qui le trouvent « intéressant » ?


    • argoul (---.---.18.97) 1er mars 2006 10:53

      La bêtise (au front de taureau) était le grand combat de Flaubert. Il était aussi celui de tous les penseurs des Lumières. Nul mépris là-dedans, seulement le regret qu’un instrument donné à tous en naissant, la faculté de raison, ne soit pas utilisé par les êtres humains. La vérité est un combat, son arme est la raison, l’émotionnel seul est une facilité et s’agréger en foule une paresse.


    • bêtehumaine (---.---.116.75) 6 mars 2006 18:36

      Le problème avec les blogs, c’est de lire de plus en plus des messieurs Homais ; mais bon, dans toute entreprise il y a un risque même celui de la bêtise.


  • christophe (---.---.52.218) 9 mars 2006 16:50

    « Les juristes médiévaux réservent d’ailleurs le plus souvent le mot « beste » aux animaux féroces. La Bête avec majuscule, est l’autre nom du Diable, cet Inhumain absolu de la religion, antithèse de l’homme, puisque ce dernier a été façonné « à l’image de Dieu ». » (fin de citation).

    Bonjour,

    Cet argument d’autorité est obsolète et sans être un spécialiste de la théologie, l’Eglise ne pense plus comme cela, Dieu merci, c’est le cas de le dire. L’Eglise a pris en considération depuis très longtemps l’évolution de la pensée moderne et sait faire la différence entre un être humain et un « un « humain-animal » ?!? Voir et revoir ou lire et relire « La Conférence de Valladolid » le roman de J. -C. Carrière (cf. les liens). L’ennemi de l’homme c’est l’homme (pour être pédant : « L’homme est un loup pour l’homme »), c’est un tout avec son intelligence qui peut le rendre particulièrement cruel (à la différence des animaux), sa bêtise, ses tares, ses manquement, etc...Les êtres humains relevant de la psychiatrie on doit les soigner parce qu’ils demeurent des êtres humains. Il n’y a pas de « sous-homme », des « surhommes » et autres catégories, il n’y a que des êtres humains.

    Christophe

    Liens : http://www.alalettre.com/carriere-valladolid.htm

    http://www.tv5.org/TV5Site/upload_image/enseignants/lettres/89/li63.pdf

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Controverse_de_Valladolid


    • argoul (---.---.18.97) 9 mars 2006 17:26

      Je vous laisse le terme de « sous-omme », jamais employé, de même que celui « d’argument d’autorité » que vous semblez manier en expert. Vous n’avez pas lu ou, ce qui est pire déformé aussitôt, l’historique du terme « bête » que j’effectue dans l’article. Les arguments que vous présentez n’en sont donc pas.


    • Kevin Steevie (---.---.92.88) 9 mars 2006 18:15

      Il y a y a pire que la bêtise, il y a aussi la connerie.

      Bizarrement, c’est quelqu’un d’irréductible à toute rationnalité normative qui en a le mieux parlé... et c’est drôle.


    • argoul (---.---.18.97) 9 mars 2006 19:30

      Oui, le site est drôle et intéressant à lire. Je me plaçais dans l’optique du débat politique (utile à tous) dans cet article ; pour moi la démocratie n’est pas de brailler et de casser mais de s’exprimer de façon intelligible aux autres, pas avec des Yakas mais avec des arguments. L’incompréhension technocratique est une chose qui existe mais ce n’est pas en cassant de la préfecture que les choses changeront, au contraire. La « bêtise » n’est pas un mot politiquement correct mais il est adapté au cas précis de cette manifestation dont on voit, 2 mois plus tard, qu’elle n’a RIEN donné (d’ailleurs, la presse a zappé sur le Chik, le H5N1, Outreau, Ilam, le CPE, Oussel, le téléchargement...). Ne pas confondre ce jugement de valeur sur ce comportement PRECIS avec un jugement global abstrait du style « tous des »... Le syndicalisme est moribond en France, c’est LA le véritable problème ; il n’y a pas de dialogue social normal (comme dans les pays voisins). Faut-il pour cela cautionner le « n’importe quoi » des dockers ? Je réponds NON. Les lecteurs peuvent ne pas être d’accord mais, pour faire avancer un quelconque débat, il faut présenter des arguments, pas des anathèmes.


    • Christophe (---.---.94.70) 10 mars 2006 00:27

      Ma réflexion prolongeait celle de M’barek. Pourquoi ostraciser, début à des dérives ? Le paradigme de la bêtise que vous nous vendez me choque. J’ai droit de l’écrire à un orateur anonyme de l’AGORA.


    • argoul (---.---.18.97) 10 mars 2006 06:43

      Je ne « vends » rien, Agoravox est gratuit et pas obligatoire, y vient qui veut. Vous avez des termes qui « ostracisent », et curieusement, toujours à côté du débat. Comme si vous vouliez l’éviter tout en vous « exprimant ». Quand le débat démocratique se réduit à brailler et à casser, je dis qu’il n’est pas digne de l’homme. Mais bien sûr, ce n’est pas « politiquement correct », tout le monde il est beau et gentil, n’est-ce pas ? Laissons faire ! Ce qui est ainsi revendiqué pour le social, appliqué à l’économie, là vous êtes nombreux à ne plus être d’accord. Je trouve ça plutôt curieux, pas très cohérent. S’il faut réguler le libre-échange, régulons le libre échange des coups, je ne dis pas autre chose.


  • Lou Paysan (---.---.115.138) 10 mars 2006 08:24

    Dites-nous tout, Madame ou Mademoiselle ou Monsieur Argoul, dites-nous tout. Ainsi il y de vrais-faux syndicalistes qui boivent des chopines à Strasbourg ? Ils ont montré leur grosse bêtise à tous le monde ? Comme les maquignons aux Comices agricoles, testez les bestiaux et rendez nous compte, nous avons besoin d’en savoir plus.

    Merci.


  • bêtehumaine (---.---.185.92) 11 mars 2006 16:16

    En fustigeant par la « bêtise » vous lui enlevez sa dimension dramatique, car le défaut d’intelligence est un drame. Je lui préfère des mots plus modernes comme par exemple ignorance, confusion mentale, inculture, QI...En étant ainsi au plus près du mal il est plus facile d’en trouver les remèdes, je crois. Le jugement « sans appel » qu’évoque la bêtise dans votre billet ne me donne aucune solution, sinon de faire un constat d’impuissance sans remède possible. La bêtise existe, certes, mais que fait-on, que fait la police de l’intelligence, que puis-je faire ? Dire à quelqu’un : « vous commettez une erreur » est plus constructif que de lui dire : « vous êtes bête ». Dans le premier cas on ouvre une porte, dans le second on verrouille tout. Pour résumer : la bêtise est un drame et non une punition.


    • argoul (---.---.18.97) 13 mars 2006 21:57

      On peut toujours préferer les euphémismes à la réalité et voiler d’un pudique mouchoir « ces seins que je ne saurais voir ».

      Citons Jean-Jacques Rousseau (Du Contrat Social) : « Chapitre 1.8 De l’état civil - Ce passage de l’état de nature à l’état civil produit dans l’homme un changement très remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l’instinct, et donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant. C’est alors seulement que, la voix du devoir succédant à l’impulsion physique et le droit à l’appétit, l’homme, qui jusque-là n’avait regardé que lui-même, se voit forcé d’agir sur d’autres principes, et de consulter sa raison amant d’écoute, ses penchants. Quoiqu’il se prive dans cet état de plusieurs avantages qu’il tient de la nature, il en regagne de si grands, ses facultés s’exercent et se développent, ses. idées s’étendent, ses sentiments s’ennoblissent, son âme tout entière s’élève à tel point que, si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au-dessous de celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l’instant heureux qui l’en arracha pour jamais et qui, d’un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme. »

      C’est dit : le primaire n’est pas digne d’être citoyen. Qui veut participer à la démocratie se doit d’user de sa raison au lieu de rester ANIMAL STUPIDE ET BORNE." C’est Jean-Jacques Rousseau qui le dit, le père de la Révolution française, de la démocratie qui nous gouverne encore et même de l’écologie.


    • bêtehumaine (---.---.120.225) 14 mars 2006 12:40

      « C’est dit : le primaire n’est pas digne d’être citoyen. Qui veut participer à la démocratie se doit d’user de sa raison au lieu de rester ANIMAL STUPIDE ET BORNE." C’est Jean-Jacques Rousseau qui le dit, le père de la Révolution française, de la démocratie qui nous gouverne encore et même de l’écologie. »

      Non, une brute épaisse et sans culture a droit à la dignité de citoyen s’il respecte de la Loi, il n’est pas indigne de la République, même si c’est très difficile pour lui. L’état de citoyen n’est pas sanctionné par un diplôme. Le fait d’être stupide et borné n’est pas rédhibitoire et n’empêche nullement le citoyen qu’il est, de voter comme c’est son devoir. La République ne d’adresse pas exclusivement à ses élites et à ses « beaux esprits » (on a connu le vote censitaire dans le passé et peut-être le regrettez vous) mais à TOUS les citoyens, du moment qu’ils respectent la Loi. On peut ergoter sur « une France d’en bas et une France d’en haut », il n’y qu’une France pour TOUS les citoyens devant la Loi et s’ils respectent cette Loi. Maintenant sur le plan individuel on peut effectivement regretter avec J. -J. Rousseau de ne pas user de sa raison (on pourrait discuter sur la « déesse Raison » et ses têtes coupées à la Révolution, mais bon), mieux vaut la sagesse que la folie et on doit y tendre le plus possible, mais l’histoire nous rappelle que des sages peuvent aussi devenir fous et meurtriers ce qui est pire que la bêtise.


    • argoul (---.---.18.97) 14 mars 2006 12:58

      Mais oui, ne prenez pas les choses au premier degré : bien sûr que tous les citoyens ont les mêmes droits à la dignité et à l’égalité des chances aujourd’hui !

      Mais l’ensemble de mon propos (et notamment de l’article) est de dire que la démocratie ELEVE, elle rend HUMAIN dans toutes ses modalités, elle n’abaisse pas, elle ne fait agir comme un stupide animal. Qualifier DONC les manif’ casseuses d’expression de la démocrarie est pour moi une erreur. C’est confondre l’égoïsme de quelques-uns avec l’intérêt général. Et la référence à Rousseau, qui a inspiré largement nos constitutions, le montre bien. Raisonner « comme si » la bêtise et la bière étaient des expressions démocratiques, c’est ouvrir toutes grandes la porte à Hitler. Il officiait dans les brasseries munichoises, faut-il le rappeler ? Sa voix vociférante, ses délires mystico-nationalistes et son « magnétisme » personnel ont eu beaucoup de succès, vous savez. Dans les comportements de foule, c’est ce genre de chose qui arrive. Arrêtons-donc là la discussion stérile sur le tout le monde il est beau, gentil, propret et largement humaniste. Chaque instant nous montre qu’il n’en est rien. La démocratie, comme l’intelligence, c’est un EFFORT. Louer les manif’ dans ce qu’elles ont de stupidité bornée, c’est de la démagogie.


    • bêtehumaine (---.---.73.53) 17 mars 2006 23:15

      UNE PETITE PRECISION QUI A SON IMPORTANCE. Penser que le propre de l’homme réside dans le fait que seul l’homme possède la raison, est le fruit de thèses anciennes (Aristote par exemple) et ce n’est pas la thèse de Rousseau. Pour Rousseau le critère de différenciation entre l’humain et l’animal est ailleurs. « Le critère de différenciation entre l’humain et l’animal est ailleurs : il rejette les thèses cartésiennes — qui réduisent l’animal à une machine, à un automate dénué de sensibilité — que les thèses anciennes (Aristote), qui situent le propre de l’homme dans le fait qu’il posséderait seul la raison. » (« Apprendre à vivre », page 126). Pour Rousseau « l’homme se définit à la fois par sa LIBERTE, par sa capacité de s’arracher au programme de l’instinct naturel et, du coup aussi, par sa faculté d’avoir une histoire dont l’évolution est a priori indéfinie ». (AAV, page 126). « Rousseau va dépasser ces distinctions classiques pour en proposer une autre, jusqu’alors inédite sous cette forme (même si on trouve ici ou là, par exemple chez Pic de la Mirandole, au XVe siècle, les prémices). Or c’est cette nouvelle définition de l’humain qui va s’avérer proprement géniale en ce sens qu’elle va permettre d’identifier ce qui, en l’homme, permet de fonder une nouvelle morale, une nouvelle éthique non plus »cosmique« ou religieuse mais humaniste — voire, aussi étrange que cela puisse paraître, une pensée inédite du salut « a-cosmique » et »a-thée." (AAV, page 125). Coïncidence, hasard, je ne peux m’empêcher de citer un passage du discours de Rousseau cité in extenso par Luc Ferry (page 127 de AAV - L’humanisme) : "C’est ainsi que les hommes dissolus se livrent à des excès qui leur causent la fièvre et la mort parce que l’esprit déprave les sens, et que la volonté parle encore quand la nature se tait. » Page 129 de AAV, « il souligne le caractère antinaturel de la liberté humaine — de l’écart ou de l’excès, c’est-à-dire de la transcendance de la volonté par rapport aux « programmes naturels. »  »..Malheureusement, c’est un exemple paradoxal, qui ne plaide pas vraiment en faveur de l’humanité de l’homme puisqu’il s’agit du phénomène du mal dans ce qu’il a de plus effrayant. »

      « La volonté parle encore quand la nature se tait » (AAV, page 128).

      « Je ne vois dans tout animal qu’une machine ingénieuse, à qui la nature a donné des sens pour se remonter elle-même, et pour se garantir jusqu’à un certain point de tout ce qui tend à la détruire ou à la déranger. J’aperçois précisément les mêmes choses dans la machine humaine ; avec cette différence que la nature seule fait tout dans les opérations de la bête, au lieu que l’homme concourt aux siennes en qualité d’agent libre. L’une choisit ou rejette par instinct, et l’’autre par un acte de liberté : ce qui fait que la bête ne peut s’écarter de la règle qui lui est prescrite, même quand il lui serait avantageux de le faire, et que l’homme s’en écarte souvent à son préjudice. C’est ainsi qu’un pigeon mourrait de faim près d’un bassin rempli des meilleures viandes, et un chat sur des tas de fruits ou de grains, quoique l’un et l’autre pût très bien se nourrir de l’aliment qu’il dédaigne, s’il s’était avisé d’en essayer. C’est ainsi que les hommes dissolus se livrent à des excès qui leur causent la fièvre et la mort parce que l’esprit déprave les sens, et que la volonté parle encore quand la nature se tait...Mais, quand les difficultés qui environnent toutes ces questions laisseraient quelque lieu de disputer sur cette différence de l’homme et de l’animal, il y a une autre qualité très spécifique qui les distingue, et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation : c’est la faculté de se perfectionner, faculté qui, à l’aide des circonstances, développe successivement toutes les autres et réside parmi nous tant dans l’espèce que dans l’individu ; au lieu qu’un animal est au bout de quelques mois ce qu’il sera toute sa vie, et son espèce au bout de mille ans ce qu’elle était la première année de ces mille ans. Pourquoi l’homme est-il sujet à devenir imbécile ? N’est-ce point qu’il retourne ainsi dans son état primitif et que, tandis que la bête, qui n’a rien acquis et qui n’a rien non plus à perdre, reste toujours avec son instinct, l’homme reperdant par la vieillesse ou d’autres accidents tout ce que sa perfectibilité lui avait fait acquérir, retombe ainsi plus bas que la bête même ? » (Page 127).

      Toutes les citations sont extraites de l’excellent livre « Apprendre à vivre » écrit par le non moins très excellent philosophe et pédagogue Luc Ferry, aux éditions Plon, 2006.


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