vendredi 2 mars 2007 - par fredm

L’autre clivage

Quand on parle de clivage, on parle nécessairement du clivage gauche-droite. Et souvent pour dire qu’il disparaît. En réalité, ce clivage existe bel et bien mais il en occulte un autre, tout aussi intéressant, entre ceux qui veulent plus d’état et ceux qui veulent moins d’état. Il manque donc une voie libérale. Elle est non seulement légitime mais nécessaire.

Mais avant de discuter de cet autre clivage, il faut bien comprendre ce qu’est à mon sens le clivage droite-gauche et pourquoi le libéralisme est le grand absent du débat.

Qu’est-ce que le clivage gauche-droite ?

Pour répondre à cette question, je propose l’analyse suivante qui est nécessairement grossière (je ne prétend pas faire un traité politique ici) et caricaturale. Ca n’a pas d’importance dans la mesure où je ne prétend pas défendre un point de vue ou l’autre mais faire apparaître la légitimité d’un troisième axe libéral.

Le clivage vu des extrêmes

  • A l’extrême gauche, c’est le Communisme. C’est à dire, dans l’idéal, une société qui décide collectivement et démocratiquement de ce qui est bon et utile pour chacun et pour tous. Avec une phase intermédiaire qui passe par l’Etat collectiviste.

  • A l’extrême droite, c’est le gouvernement de la société-nation par une élite ou un despote éclairé et de droit naturel (droit divin, supériorité intellectuelle, physique ou raciale, etc...) qui décide de ce qui est bon utile pour chacun et pour tous.

Le clivage, vu des modérés

  • A gauche, l’Etat est l’expression de la Collectivité et fournit tous les services nécessaires au fonctionnement de la société. Il est le seul garant de la sécurité et de la préservation des libertés fondamentales. L’Etat s’attache aussi à équilibrer en permanence les rapports entre riches et pauvres puisque c’est à la Collectivité de veiller à ce que chacun y trouve son bonheur.
  • A droite, l’Etat est souverain et dirigiste. Il est l’arbitre suprême et doit intervenir dans tous les domaines par la voie réglementaire pour servir l’intérêt général. Il est le seul garant de la sécurité et de la préservation des libertés fondamentales. L’Etat doit veiller à ce que la société-nation toute entière prospère.

Bien évidemment, il s’agit ici de caricatures. Seulement, reconnaissons par exemple que le PS privilégie un discours collectiviste et égalitariste tandis que l’UMP privilégie un discours dirigiste et/ou autoritariste. Et encore, on s’aperçoit aujourd’hui que les discours de Mme Royal et de M. Sarkozy se télescopent sur de nombreux sujets et brouillent les cartes.

C’est d’ailleurs pourquoi la synthèse du « Centre » proposée par M. Bayrou est tout à fait viable. A condition d’avoir une assemblée nationale équilibrée où le parti du centre pourrait arbitrer entre la gauche et la droite. Ce qui, vu le scrutin actuel, est loin d’être gagné.

Mais peu importe, le fait est que dans tous les cas présentés ici, l’Etat joue systématiquement un rôle prépondérant et central. Il manque donc une voie pour défendre l’idée d’une société où ce serait l’Homme qui serait prépondérant et central. C’est la voie libérale.

L’absence sur la scène politique du clivage entre étatistes et libéraux

Aucun parti politique classique ne défend clairement une vision libérale de la société. Le clivage n’existe pas car il n’y a personne pour le défendre.

Pourquoi ? Trois grandes raisons :

  1. La messe est dite ! Le libéralisme, ça ne marche pas. C’est démontré par A+B, CQFD. Fin du débat. Au suivant ! En déniant aux libéraux toute possibilité de réussite de leurs idées, on les exclue de facto du débat, ce qui fait le jeu des extrémistes de tous bords : la bipolarité facilite les points de vue radicaux
  2. Le libéralisme est souvent réduit à une théorie économique et donc à un aspect de la droite. En se définissant antilibérale, l’extrême-gauche, associe le libéralisme à ses opposants et réduit donc ce courant de pensée à un simple outil de prospérité économique pour la droite.
  3. Le libéralisme n’est pas souhaitable pour ceux qui recherchent le Pouvoir. Il y a là clairement un conflit d’intérêt qui ne joue pas en faveur des libéraux.

L’absence d’un parti libéral restreint le débat démocratique

L’objet de cet article n’est pas, contrairement à ce que certains pourraient penser, de défendre le libéralisme. L’objet est de défendre la légitimité et même l’intérêt de ce courant dans le paysage politique.

Ce courant est d’autant plus légitime que le fameux clivage gauche-droite s’amenuise et que les extrêmes se renforcent. Le débat perd de son intérêt parce qu’on n’offre pas suffisamment de choix aux électeurs.

Il me paraît évident que la solution à nos divers problèmes ne se trouve pas chez les extrêmes, qu’ils soient communistes, fascistes ou anarchistes. Cependant, plus on offre de directions, plus on élargit le champs de la démocratie et des idées.

Il y a aujourd’hui une large place à prendre dans le paysage politique pour toute la « gamme » des libéraux : des extrémistes libertaires aux sociaux-libéraux ! Eh bien qu’on encourage ce courant à s’exprimer et le débat n’en sera que plus riche.



12 réactions


  • (---.---.62.50) 2 mars 2007 12:54

    Si je comprends bien votre propos, vous prenez le terme de libéralisme au sens le plus large (donc parfois synonyme de libertaire) et pas uniquement sous l’angle économique qu’on lui attribue en général en France. C’est bien cela, ou est-ce que j’ai raté une étape :) ?


    • fredm fredm 2 mars 2007 15:51

      En effet, je parle du libéralisme au sens large avec ses différentes tendances aussi bien extrémistes que modérées.

      Il est dommage et même néfaste que ce courant de pensée ne soit pas correctement représenté dans la politique française.

      Comme je le pointe dans l’article, le fait de réduire le libéralisme à son aspect économique, c’est le supprimer du paysage politique. Pour un vrai libéral, les aspects politiques, moraux et économiques sont indissociables.

      Si on ne considère que l’aspect économique alors effectivement c’est la loi de la jungle. Si on considère le libéralisme comme un tout politique, moral et économique, alors là on peut discuter et avoir un débat intéressant.

      Tout le monde est d’accord avec Ségolène pour faire du gagnant-gagnant. La divergence se fait sur l’aptitude des différentes solutions préconisées à réaliser cet objectif.

      Là où François Bayrou a raison, c’est que la vérité ne se trouve pas que dans un camp. Là où je considère qu’il y a un problème, c’est qu’il n’existe pas de « camp » libéral pour apporter sa propre contribution.


    • fredm fredm 4 mars 2007 19:48

      @Léon

      La Déclaration des Droits de l’Homme qui dit que certains droits sont naturels et inaliénables posent un certain nombres de principes moraux sur lesquels se base la pensée libérale. Egalité devant la Loi, liberté de pensée, liberté d’expression, droit à la propriété privée, ...

      Si vous préférez, disons que la morale libérale, c’est : chacun est libre de faire ce qu’il lui plaît tant qu’il n’entrave pas la liberté des autres.

      C’est un aspect moral, ce n’est ni un dogme, encore moins une loi. Mais c’est cette idée qui guide les libéraux lorsqu’il s’agit de faire des choix.

      Je l’ai déjà dit, le libéralisme est une façon d’envisager les choses. Ce n’est pas une doctrine avec un mode d’emploi précis qui indique comment construire une société libérale. L’aspect moral est donc fondamental.


    • fredm fredm 8 mars 2007 01:03

      Cher Léon, vous avez décidément un problème avec la sémantique...

      Le dictionnaire de l’académie française indique :

      MORALE. n. f. Doctrine relative aux moeurs.

      MOEURS. n. f. pl. Habitudes naturelles ou acquises, pour le bien ou pour le mal, dans tout ce qui regarde la conduite de la vie.

      Il ne s’agit donc pas de devoirs mais de règles. En cela, la déclaration des droits de l’homme constitue donc une référence morale. Relisez-là !


    • Senatus populusque (Courouve) Courouve 8 mars 2007 12:24

      La Déclaration qui pose comme premier droit de l’homme la liberté, et insiste sur la libre communication des idées et des opinions, pose aussi un principe intellectuel.

      C’est la liberté d’expression qui permet d’arriver à la connaissance (objective) par la confrontation des thèses.

      Ce principe intellectuel nous vient des Grecs.


  • Libre (---.---.121.219) 2 mars 2007 13:30

    Le libéralisme ne peut plus exister en France, dès lors que 50 ans de V république, trustée par les clans RPR / PS / PC ont fait des français un peuple de petits magouilleux, qui ont tous un moyen pour éviter, toute ou partie, des contraintes fiscales et/ou normatives que l’état leurs impose. Ces clans protègent donc leurs privilèges en diabolisant le libéralisme et en crétinisant les français. (Je reprends le terme crétinisant qui a été utilisé par Alain Duhamel lors de « Bibliothèque Médicis » sur la chaîne public sénat)

    Les français ont trouvé comment survivre dans le marigot, donc il ne faut pas changer de marigot.

    Les hommes de l’état se sont organisés en réseau pour assoir leur pouvoir, et profiter de leurs privilèges. Tous les 5 ans, le marigot est questionné pour savoir qui redéfinira les privilèges et quels hommes de l’état en seront les bénéficiaires. Des anthroplogues, qui dans quelques années analyseront la V République, trouveront sans conteste des similitudes avec les organisations mafieuses « canal historique ».

    Le libéralisme dans tout celà ; il lui faudra probablement attendre la fin de la « glasnost », en espérant que nous ne soyons pas obligé de passer par la case faillite. Il lui faudra reprendre les idéaux de 1789, et abattre les privilèges. Ce ne sera plus Versailles mais l’Elysée.

    Je recommande aux lecteurs une analyse publiée par la documentation française en 2006, relative aux poids des mafias et de la corruption dans le monde. Il suffit de faire un parallèle avec le poids des administrations dans ces pays pour devenir libéral, au sens des lumières.


    • Marc (---.---.202.226) 2 mars 2007 22:10

      Mr Bayrou n’a rien d’un liberal ! Social democrate peut etre, mais surement pas liberal !


  • Albert LI (---.---.25.51) 3 mars 2007 09:41

    Le site Le Champ Libre défend le libéralisme sur internet depuis le début de l’année 2000 :

    Le Champ Libre - http://cvincent.club.fr


  • Vincent Benard Vincent Benard 3 mars 2007 11:39

    @ fredm

    analyse dont je partage les grandes lignes, encore que selon moi les similitudes entre droite et gauche « mainstream » soient plus importantes que leurs différences : méthodes clientélistes, clientèles différentes à la marge...

    @ léon

    La meilleure page française d’explication des aspects éthiques du libéralisme est ici http://www.dantou.fr/liberalisme.htm

    Il existe un parti libéral, hélas trop récent pour peser sur le débat politique : http://www.alternative-liberale.fr

    Malheureusement, trop souvent, les opposants au libéralisme confondent « libéralisme » et « capitalisme de connivence », un système ou ceux qui sont « arrivés » cherchent à réduire les opportunités de réussite pour les autres, par peur de la concurrence. Un exemple typique de confusion nous est fourni par cet article (lien ci dessous), parfait étalage d’inculture libérale par un pourfendeur peu objectif de ce courant de pensée, et qui hélas est pris pour argent comptant par bien des personnes qui entendent à longueur de temps ce type de discours.

    http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=19864


    • personne (---.---.106.161) 24 mars 2007 15:02

      Récréation sémantique

      Avoir le droit de .. Avoir le devoir de ..

      Quelle différence a part le comptage de mot ?

      Exemple : Avoir le droit d’être respecté. OK Avoir le devoir de respecter. OK.

      Et alors la suite Léon ?


  • JL (---.---.73.200) 4 mars 2007 10:59

    Fredm, Vous auriez pu dire : « Gauche = redistribution positive / Droite = redistribution à l’envers ». Cette redistribution ’négative’ impose l’alternative « pas d’impôts » OU « emploi inique des impôts ».

    Vous auriez pu dire que « Gauche = respect de la démocratie / Droite = culte du chef charismatique »

    Enfin, qu’il y avait des Réformistes de gauche et des réactionnaires de droite. Il y a désormais et depuis les années 80 (la mondialisation) des Réformistes de droite et des réactionnaires de gauche. Le réformisme de droite consiste à détruire délibérément, méthodiquement le modèle de société solidaire élaboré depuis l’après guerre.

    La confusion entre libéralisme politique et libéralisme économique, c’est un pervers mélange des genres utilisé par les obscurantistes néo-conservateurs pour affirmer que le libéralisme serait de gauche.

    On le voit, le débat gauche droite a encore un sens pour peu qu’on y regarde de près. Mais je ne suis pas sûr que tous les cadres du PS en aient la volonté.

    Post scriptum : l’article de Philippe Renève et le débat qu’on y trouve valent bien le détour (pour ceux qui ne l’auraient pas encore lu).


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