L’ennemi sans visage
"L'ennemi est con, il croit que c'est nous l'ennemi."
Pierre Desproges nous a donné une définition originale et toute personnelle de l'ennemi. Mais en plus de faire des bonnes blagues, il y a plein de choses à apprendre sur nous mêmes en réfléchissant à la façon dont nous considérons / fabriquons nos ennemis.
PS : si je dresse une liste, hélas non exaustive, des "ennemis" tels qu'ils nous sont parfois présentés par les politiques et les médias, je n'adhère justement pas du tout à ces descriptions que je tente de dénoncer. Personnellement, je n'ai pas d'ennemis.
L'ennemi générique
Appelé aussi "ennemi d'exercice et d'instruction" par nos stratèges, il représente l'ennemi que nos forces armées sont censées trouver et combattre sur le terrain.
Dans les années 80, il s'appelait Igor et venait en char, envahir nos belles contrées, violer nos femmes et bruler nos curés. Sur les organigrammes et dans nos salles d'état-major, il était toujours en rouge. Nous, nous étions les bleus.
Nous avons gardé le bleu, mais tout le reste a changé. L'ennemi générique s'appelle maintenant Ali ou Mahmoud. Quand il vient en france, il est déguisé en civil mais on le reconnait heureusement facilement grâce à sa barbe. En ravanche, on peut le trouver en uniforme sur son terrain (Irak, Afghanistan...) Attention cependant, même dans les pays où il peut assumer son statut de combattant, cet ennemi est parfois assez perfide pour continuer à se déguiser.
L'ennemi intérieur
Quand la menace massée de l'autre côté de la frontière n'est pas suffisante pour terroriser les citoyens, il faut recourir à un ennemi encore plus effrayant : l'ennemi intérieur.
Pour les racistes de tous bords, l'ennemi intérieur se reconnait à son teint basané et à ses coutumes étranges, mais l'extrème droite n'est pas la seule à devoir faire peur à ses sympathisants. Les Juifs ont souvent servi d'ennemis intérieurs quand il s'agissait de trouver des bouc-émissaires pendant les crises économiques. Après tout, ils ont la main mise sur la finance internationnale et n'hésitent pas à affamer les plus nécessiteux pour affirmer leur domination sur le monde.
C'est un peu pour les mêmes raisons que la gauche trouvera un ennemi intérieur idéal avec le patron / trader / riche qui, en plus d'être malhonnète, a l'avantage de ne représenter qu'une petite partie de la population. Il résiste et se défend en arguant que sans lui, il n'y aurait pas d'emplois, cela reste à prouver.
Le centre, quant à lui, puisqu'il s'adresse à des intellectuels, préférera dénoncer l'ennemi invisible, celui qu'on ne décèle qu'en réfléchissant sérieusement. Mais ne nous y trompons pas, franc-maçons, membres de sociétés secrètes, think-tanks et réseaux d'influence sont présents et actifs sur notre sol. Bref, même ceux qui disposent d'assez de jugeotte pour ne pas tomber dans le piège de l'ennemi qui ne nous ressemble pas, il reste celui de l'ennemi qui nous ressemble.
L'ennemi sans visage
Et pour les plus retors, ceux qui ne tolèrent pas qu'on les terrorise et qu'on les oblige à haïr leurs prochains, il reste l'ennemi conceptuel.
Guerre contre le terrorisme, contre la délinquence, contre l'insécurtié, contre le sentiment d'insécurité ! Tout est bon. Mais personnellement, je pense que quand l'ennemi n'a plus de visage, cela signifie que nous sommes devenus notre propre ennemi.