vendredi 2 août 2013 - par Gasty

« La Question » (Henri Alleg)

Henri Alleg, auteur de l'ouvrage "La Question" (1958) est décédé le 17 Juillet 2013 à Paris à l'âge de 91 ans.

En 1951 à Alger, il fut le directeur du quotidien Alger républicain. Après le déclenchement de la lutte armée, le 1er novembre 1954, Henri Alleg est entré dans la clandestinité lorsque son journal fut interdit de publication par les autorités coloniales françaises. Il continuera à transmettre des articles en France dont certains seront publiés par L’Humanité. Il sera arrêté le 12 juin 1957 par les parachutistes de la 10e D.P, au domicile de Maurice Audin, son ami mathématicien âgé de 25 ans qui sera torturé à mort.

Henri Alleg est séquestré un mois à El-Biar où il est torturé, il subira un interrogatoire mené après une injection de penthotal et également par des séances de « gégène ».

Il est ensuite transféré au camp de Lodi où il reste un mois puis à Barberousse, la prison civile d'Alger. C'est là qu'il écrira « La Question », dissimulant les pages écrites et les transmettant à ses avocats.

Ce livre-témoignage, qui sera publié en mars 1958 aux Éditions de Minuit sera immédiatement interdit. Aussitôt après son interdiction Nils Andersson le réédite en Suisse. Ce livre va contribuer à révéler le phénomène de la torture en Algérie. Sa diffusion clandestine s'élèvera à 150 000 exemplaires.

"La première édition de La Question d'Henri Alleg fut achevée d'imprimer le 12 février 1958. Des journaux qui avaient signalé l'importance du texte furent saisis. Quatre semaines plus tard, le jeudi 27 mars 1958 dans l'après-midi, les hommes du commissaire divisionnaire Mathieu, agissant sur commission rogatoire du commandant Giraud, juge d'instruction auprès du tribunal des forces armées de Paris, saisirent une partie de la septième réédition de La Question. Le récit d'Alleg a été perçu aussitôt comme emblématique par sa brièveté même, son style nu, sa sécheresse de procès-verbal qui dénonçait nommément les tortionnaires sous des initiales qui ne trompaient personne. Sa tension interne de cri maîtrisé a rendu celui-ci d'autant plus insupportable : l'horreur était dite sur le ton des classiques. La Question fut une météorite dont l'impact fit tressaillir des consciences bien au-delà des " chers professeurs ", des intellectuels et des militants. A l'instar de J'accuse, ce livre minuscule a cheminé longtemps."

Trois ans après son arrestation, considéré comme traite à la nation, il est inculpé d'« atteinte à la sûreté extérieure de l'État » de « reconstitution de ligue dissoute » et condamné à 10 ans de prison. Transféré en France, il est incarcéré à la prison de Rennes.

Profitant d'un séjour dans un hôpital, il s'évade. Aidé par des militants communistes, il rejoint la Tchécoslovaquie.

Il reviendra en France après les accords d'Évian, puis en Algérie où il participera à la renaissance du journal Alger Républicain. Suite à la chute du président Ben Bella, après un coup d'État mené en 1965 par son vice-Premier ministre, le colonel Houari Boumediene, il se réinstalle en France.

Le film documentaire, (1er Prix du film documentaire Montréal en 2004) de Jean-Pierre Lledo « Un rêve algérien » retrace son retour, 40 ans plus tard dans une Algérie qui l'accueille à bras ouverts et où il retrouve avec bonheur ses anciens compagnons.

En 2005, il cosigne une lettre au Président de la République, demandant à l'État français de reconnaître l'abandon des harkis en 1962.

Le film de Laurent Heynemann sorti sur les écrans en 1977, " La Question " est une adaptation du livre. Le film ne reprendra pas à l'écran toutes les descriptions terribles d'Alleg, mais malgré tout il sera interdit aux moins de 18 ans.

Très bon film que je vous recommande de voir. Mais il vous faudra le trouver (en DVD)…tout comme son livre d'ailleurs (en ligne sur internet).

Gasty



14 réactions


  • Senatus populusque (Courouve) Senatus populusque (Courouve) 2 août 2013 10:54

    Albert CAMUS : « J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément, dans les rues d’Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère (1) ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice. » Cette déclaration fut ponctuée d’ovations.

    1. La mère d’Albert Camus n’était pas l’épouse d’un gros colon, mais la veuve d’un ouvrier agricole ; elle travaillait comme femme de ménage.

    Propos recueillis par Dominique Birmann, Le Monde, 14 décembre 1957 [À l’occasion de la remise à Albert Camus de son Prix Nobel de littérature].

    • LADY75 LADY75 2 août 2013 13:25

      Lady Panam’ demande :

      « He M’sieur Courouve, quel rapport avec la choucroute ?

      Une justification de la torture, au motif éculé que :
       »il est parfois essentiel d’obtenir des renseignements le plus rapidement possible quand une bombe peut exploser d’un moment à l’autre..« , tout ceci enluminé par une citation d’auteur ?

      Même la Gestapo n’osa même pas s’abriter derrière de si foireux arguments.

      Des attentats aveugles ? Il y en eut, tout autant du côté FLN que du côté OAS... Quant à la torture »aveugle« , ce fut la règle, des types raflés lors de nettoyage, et passés à la gégène au cas où..

      Conséquence du grand nombre d’ex Waffen SS dans la Légion ? D’un mépris »colonial« pour les »Indigènes«  ? d’une dérive de militaires grisés par les »pleins pouvoirs«  ? Vengeance face aux exactions des Fellaghas ?

      En tous les cas, une honte pour un gouvernement »démocratique" d’une nation civilisée d’avoir couvert de telles errements..


    • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 2 août 2013 18:48

      Toute l’armée et tous les acteurs militaires de la Guerre d’Algérie ne se sont pas conduits en assassins et en tortionnaires. Penser au Général Paris de la Bollardière pour ne citer que le plus connu ...

      On pourrait de la même façon considérer que les combattants de l’ALN étaient tous des barbares égorgeant les colons même les plus humbles et les plus honnêtes et coupant les couilles des soldats français tués en embuscade pour les leur fourrer dans la bouche.

      Cette guerre n’aurait pas dû avoir lieu et l’Algérie aurait dû pouvoir devenir algérienne sans les horreurs perpétrées par les deux camps. Hélas, il y avait l’égoïsme et l’inconscience de trop de « Pieds noirs », la lâcheté des gouvernements français et peut-être la volonté de ne pas lâcher le pétrole algérien.

  • JP94 2 août 2013 15:22

    Intéressant de voir qu’aujourd’hui encore , même mort , Henri Alleg dérange et certains s’ingénient , en citant Camus - quel culot ! - à le salir . 

    Evidemment , citer les officiers tortionnaires ou de l’OAS aurait été un peu énorme .
    Le faire passer pour un terroriste est un argument digne de Lepen !

    Henri Alleg est honoré par tous ceux qui aiment la justice et la liberté pour les peuples , contre toute forme d’aliénation et de colonisation .

    • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 2 août 2013 19:08

      @Aladeen

      « A l’époque presque tout le monde a contribué à l’issue finale. »
      Le pourcentage des métropolitains qui ont combattu dans la 1ère armée française ou aux côtés des anglo-américains est bien faible ! De même que le nombre des résistants ou des collabos. La plupart se sont contentés de survivre !

  • plexus plexus 2 août 2013 16:29

    « Il faut gagner les coeurs », encore une théorie farfelue, totalement déconnectée de la réalité.
    Vous aurez beau être sympa, et tout et tout avec un afghan, s’il vous lâche un renseignement, il sait qu’il va se faire trancher la gorge, et toute sa famille avec lui.
    ça donne à réfléchir, et, sans renseignements, on est impuissants face à l’ennemi, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin.
    Quant à madame lady 75, il faut qu’elle sache qu’il y a une sérieuse différence entre SS et Waffen SS, unité militaire.
    La Légion Etrangère n’était qu’une petite partie du « Corps expéditionnaire », elle comportait des autrichiens et des allemands (il n’y avait pas de travail en Allemagne), et aussi des français, des anciens « collabos », qui étaient partis se refaire une virginité dans les rizières et les djebels pour échapper aux procès.
    D’où tenez vous la certitude de comportements tortionnaires à la Légion, j’aimerais savoir......
    Enfin, je souhaiterais que l’on cesse de s’intéresser aux acteurs, envoyés, malgré eux, de l’autre côté de la méditerranée, pour parler un peu plus des RESPONSABLES.
    Qui, non seulement ont déclenché cette guerre, mais qui ont couvert ce qu’il se passait , sur leur ordre, au moins avec leur permission, et leur silence en tout cas, tout en continuant à guillotiner des fells (plus de 75 !!).
    A Nüremberg, les chefs responsables des crimes contre l’humanité ont été pendus.


  • plexus plexus 2 août 2013 21:19

    @omar
    « ne te fais pas de bile, car entre français et algériens, nous arriverons à nous entendre ».
    Mais c’est magnifique, vraiment une grande joie !!
    Quand ???
    J’en pince pour Omar !!
    ça ira mieux, effectivement, quand le pouvoir algérien cessera de mettre sur le dos du « colonisateur » ses insuffisances et ses incapacités.
    Pour prendre les réalités à bras le corps et agir de façon constructive.
    Tout le reste, c’est de la tchatche.
    Normal, d’ailleurs, pour un peuple de tradition orale !!


  • plexus plexus 2 août 2013 21:36

    @lady75
    Pour être sûr, je suis allé vérifier quand même.
    En AFN, la Légion était composée de
    . 5 régiments étrangers d’infanterie
    . 1 régiment étranger de cavalerie
    . 1 «  de Génie
    . 2 régiments paras et la demi-brigade de la Légion.
    Au maximum 10 à 15 000 hommes sur 400 000.
    Leur mission, c’était d’intervenir au secours des unités engagées, de participer aux coups de poing des grandes opérations.
    Des unités combattantes, de choc, de passage, rien à voir avec les unités de secteur tissant leur trame sur le territoire, et pouvant, et voulant acquérir »du renseignement« , ce qui était le boulot des »DOP« 
    Votre insinuation sur les anciens SS me semble infondée, mais vous pourrez nous en dire plus ?
    Maintenant, si vous avez été une »porteuse de valise" ou assimilée, je vous assure de ma vindicte : vous n’avez pas tenu, dans vos bras, un jeune gars de 21 ans en train de mourir d’une balle dans le ventre.
    Balle que vous auriez permis d’acheter pour vos copains ?
    Camus l’a dit, sa famille d’abord.
    Mais on rencontre de tout !!


  • Gasty Gasty 3 août 2013 11:23

    Bonjour à tous et merci de votre participation.

    Voici la bande annonce du film « La question » pour ceux qui ne l’on pas vu ou que cela pourrait intéresser :
    http://www.allocine.fr/_video/iblogvision.aspx?cmedia=18666263

    Je pense qu’une guerre ne se justifie pas, c’est une catastrophe non éviter et par conséquent ne justifie ou n’excuse pas la torture... sauf bien entendu si l’on accepte l’idée de guerre.


  • plexus plexus 3 août 2013 15:43

    Cocorico, Omar 33, cocorico !!
    C’est ben vrai...et l’épaisseur de purin augmente à toute vitesse, même pas le temps d’analyser pourquoi, encore moins de passer un gilet de sauvetage, c’est trop tard !!
    Fluctuat, nec mergitur, qu’ils disaient, mais c’était avant l’invention du pédalo.


  • Agafia Agafia 4 août 2013 16:01

    C’était une très sale guerre et la torture n’a épargné aucun des camps.
    Je vous épargne les détails mais renseignez-vous de quelle façon abominable le FLN a mis à mort les harki, ou encore les colons enlevés qui servaient de donneurs de sang aux combattants FLN jusqu’à ce que mort s’en suive. Ainsi que les mutilations faciales sur leur propre peuple...
    Bref, la liste est longue des horreurs perpétrées mais comme d’habitude on s’en tient a taper et à se souvenir que des actes de certaines unités de l’armée française.

    Devoir de mémoire unilatéral pour pas changer


  • plexus plexus 8 août 2013 21:42

    @agafia
    Bien d’accord, c’est le mythe de « la guerre propre ».
    La guerre est une horreur, mais ceux qui l’ont déclenchée s’en tirent « les couilles propres » !!
    Ce n’est pas normal....mais, pour ce que j’en dis ........ !!!


  • plexus plexus 11 août 2013 19:15

    @aladeen
    Hi !! c’est facile, c’est toujours de la faute des autres, et on bâtit une prétendue « république » là dessus, dont les problèmes ont, forcément, les « maudits français » pour origine.
    La recette est éculée, mais elle « marche » toujours !!!!
    Mais il n’y a pas d’issue, je ne vois aucun politicard, maghrébin ou pas, déclarer :
    « Oui, nous sommes des incapables, oui, nous sommes des corrompus, oui, nous nous foutons de la gueule de notre peuple, oui, nous expédions nos »surplus" en France !!!!
    Et les kabyles, qui sont des gens sensés, ne vous en faites pas, on va leur taper sur la gueule jusqu’à ne plus les entendre !!
    Aleikoum...salam !!


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