Le sens de la vie
Le sens de la vie dépend de notre mode de présence intelligente au monde. Il existe chez l'être humain trois modes de présence mentale au monde : 1 - Présence par l’intelligence "brute", "globale" ou "de base", 2 - Présence par la conscience, 3 - Présence par la pensée. L’intelligence de base est issue du réel et reste collée à ce réel. La pensée s’en détache totalement et, par son abstraction, constitue le troisième étage de la fusée de l’intelligence. Entre les deux, la conscience est ce qui nous a permis de passer du stade de l’intelligence de base à celui de la pensée.
La présence par l’intelligence « de base »
Elle est la première forme de l’intelligence , c'est celle qui colle au réel. Aujourd’hui encore, des individus (par choix, ou par appartenance à des sociétés primitives) privilégient les valeurs de l’intelligence de base, utiles et très proches de la réalité : procréation, mariage, rôles sociaux. Les valeurs sont le reflet de leur quotidien.
Présence par la conscience
- la conscience de soi : l’individu très conscient de lui-même aura un rapport détaché de la sociabilité, compte tenu de son ego plus développé et de son individualisme. Ses valeurs seront, par exemple, la réussite individuelle.
- Mais d’autres individus renforcent leur présence au monde par la conscience de leur Etre, voire de la présence en eux d'un Etre suprême. Les pratiques religieuses ou proches du fait religieux, en Asie par exemple, favorisent la méditation, le détachement des choses matérielles, les voies de la transcendance. La présence au monde par la conscience se comprend dans un sens très différent selon que l'on évoque l'individu à travers son Moi ou bien l'être.
Présence par la pensée
L’individu qui investit beaucoup le champ de la pensée aura des valeurs morales, métaphysiques, transcendantes, esthétiques, artistiques...
Nous pouvons choisir de privilégier l’une des trois modes de présence au monde. Cela influera sur le sens de notre vie.
Quoiqu'il en soit, le sens est indétachale de l'être humain. Ce qui accompagne notre présence au monde, c’est bien le sens.
I – LES COMPOSANTES DU SENS
Sans le temps, pas de sens possible.
Le sens est donné est la « flèche du temps », pour reprendre une expression de l’astrophysique (le Big Bang a créé le temps et lui a assigné une direction). S’il n’y avait pas de temps, il n’y aurait pas de vie possible.
Sans la vie, pas de sens possible.
Le premier sens créé apparaît avec l’apparition de la vie. Une fois le temps créé, et dès lors qu’une vie parvient à émerger dans un lieu, elle va s’adapter aux dimensions spatiotemporelles du lieu. La vie s’organise dans le temps en s’assurant qu’elle pourra se développer et aussi se reproduire, et dans l’espace en commençant par élaborer les mécanismes de survie de base (respiration ou photosynthèse, nutrition). La procréation est ainsi une adaptation de la vie à la dimension temporelle : elle est le sens primaire de la vie car nous vivons pour nous reproduire, pour transmettre. L’autre organisation temporelle est liée aux cycles : les jours, les saisons, les périodes mêmes (certains microorganismes peuvent hiberner des milliers voire des millions d’années dans l’attente d’un cycle climatique).
Sans action, pas de sens possible.
Le sens de l’action génère la pensée. Il émane de l’organisation vivante.
En synthèse, voici le schéma du sens de la vie :
Le temps > le sens > l’organisation > l’intelligence > la conscience > la pensée.
II – LES TROIS NIVEAUX DU SENS
L’intelligence est la forme qui englobe la conscience et la pensée, selon un système à trois ensembles imbriqués. Le plus grand ensemble étant l’intelligence, le plus central, la pensée.
I – intelligence / C – conscience / P - pensée
L’intelligence est de l’ordre du réel, la conscience est de l’ordre de la représentation du réel, et la pensée est de l’ordre de l’abstraction.
A / L’intelligence
Comprendre inclut nécessairement organiser. L’intelligence naît d’une structuration physique organisée et efficace ; elle ne peut comprendre sans s’organiser. La forme la plus évoluée de cette structuration physique est le cerveau humain, une organisation très complexe dont l’étude est loin d’être terminée.
L’intelligence est commune au Règne du Vivant
Des trois facultés - intelligence brute, intelligence consciente, Pensée - la première est de loin la plus répandue dans le monde vivant.
Elle inclut le règne animal. Mais nous n’avons trouvé aucune espèce végétale dotée d’intelligence, parce que le développement de l’intelligence est lié à la motricité. Les programmeurs informatiques savent qu’il facile de faire fonctionnaire un ordinateur posé sur une table et autrement plus compliqué de fabriquer un robot qui se déplace de façon autonome.
La motricité est à l’origine des modes de cognition qui nécessitent un système nerveux perfectionné, lequel prend une forme cervicale. Une plante a besoin de peu d’informations, un animal gère toutes formes de perception, ainsi que de nombreuses émotions (peur, pulsion sexuelle, rage…), et des sensations diverses (plaisir, douleur, fatigue, excitation…). A cela s’ajoute la motricité qui met en œuvre des qualités nombreuses et sophistiquées : équilibre, rapidité, agilité, réflexes, évitement des obstacles, des pièges, des prédateurs. Tout ceci explique que l’animal, avec sa motricité, possède l’intelligence que n’a pas la plante.
La course à l’intelligence
Après la course au gigantisme de l’ère des dinosaures, une course à l’intelligence entre les animaux a vu émerger les mammifères, parmi lesquels les mammifères sociaux et, au bout de la chaîne, les hommes. Les dinosaures redoutables n’avaient pas besoin d’un gros cerveau pour se faire respecter et conquérir leur nourriture. Pendant ce temps, les petits mammifères du genre mulot devaient développer tout un tas de capacités motrices pour préserver leur survie au milieu d’une faune épouvantable et cruelle.
L’instinct grégaire accroît encore l’intelligence
C’est ainsi que des expériences scientifiques ont, par exemple, montré que les grands singes, les dauphins, ou les éléphants, peuvent se reconnaître dans un miroir. Ils ont une certaine conscience d’eux-mêmes et de leurs congénères proches. Cette sociabilité crée un début de conscience, ce qui est une étape de plus de franchie dans la course à l’intelligence.
Certains animaux utilisent une certaine forme de langage : la communication aussi renforce l’intelligence.
Les éléments de l’intelligence apparaissent être ainsi :
- les capacités d’adaptation au réel et d’organisation du réel, particulièrement développées chez les mammifères qui ont dû développer leurs modes de cognition et les varier : multiplier les stratégies rend plus malin.
- les formes élaborées de cognition : les formes de perception par les sens, les sensations, les émotions, issues de la motricité.
- la sociabilité et la communication inter espèce qui induit des comportements avancés, fondés sur une certaine autonomie individuelle et non plus seulement des comportements instinctifs (début de conscience et d’autonomie). Il est possible que la compétition au sein des espèces humaines puis au sein de l’unique espèce humaine, ait également contribué à augmenter la contrainte d’intelligence.
Nous pouvons donner de l’intelligence la définition suivante :
L'intelligence est l’ensemble des capacités à organiser le réel grâce à des formes évoluées de cognition, à des comportements comportant une part d’autonomie individuelle (détachable du seul instinct), et à une communication réactive avec le milieu et appropriée aux circonstances.
Il s’agit là de la définition commune. Certaines espèces bénéficiant d’un bonus lié à la sociabilité et à des formes premières de langage et de conscience individuelle.
Chez l’homme, l’intelligence anticipe, projette, et conceptualise.
B / La conscience
Étymologiquement, la conscience est la connaissance. Elle implique la représentation. Elle est inférieure à l’intelligence dans sa définition basse (celle qui inclut le règne animal) mais supérieure à l’intelligence si l’on se réfère à la conscience exclusivement humaine.
- En position basse, la conscience se définit comme la « relation intériorisée immédiate ou médiate qu’un être est capable d’établir avec le monde dans lequel il vit ou avec lui-même ». Il s’agit d’une conscience existentielle minimale.
- En position supérieure, c’est la conscience de soi. Le sujet sait qu’il existe et qu’il perçoit. Cette conscience réflexive est celle du cogito cartésien. Cette forme de conscience est capable de rendre compte des états psychiques intérieurs. Ni l’animal ni le petit enfant n’accède à cette forme de conscience supérieure.
La conscience se crée par confrontation à l’extériorité et à l’altérité.
Nous pouvons donner de la conscience la définition suivante :
La conscience est l’ensemble des façons qu’a une entité, qui se sait pensante et autonome, de connaître le monde et la vie, et de se les représenter.
C / La Pensée
Dans Le Sophiste, Platon définit la pensée comme "discours intérieur que l'âme tient en silence avec elle-même". Et dans le Théétète, il l'avait déjà définie comme "discours que l'âme se tient à elle-même sur les objets qu'elle examine".
Des trois formes d’être dans le monde, la pensée est le nec plus ultra, la capacité d’abstraction, le jugement critique sur la réalité.
La pensée est élaboration (discours, concepts, symboles).
Il n’y a pas de pensée sans conscience de soi.
Pour aboutir à la pensée, qui est l’action de l’esprit, c’est-à-dire la forme la plus évoluée connue du cerveau, il faut un passage par la conscience (du temps, de soi et des autres, de la mort)
La pensée peut créer ses propres lois. C’est encore la pensée qui dit « moi », « je ». Elle porte aussi des jugements de valeurs, elle est conquérante. A tel point que Pascal a pu dire que « le moi est haïssable ».
C’est la pensée qui se pose la question du sens de l’existence, du sens métaphysique.
La conscience n’a pas ce recul.
Nous pouvons donner de la pensée la définition suivante :
La pensée est la libre capacité d’abstraction de l’esprit qui permet à celui-ci d’élaborer des images, des idées, des concepts, de raisonner et de concevoir des projets (définition perfectible ?)
Le sens de la vie se réfère ainsi aux significations vécues par l'individu et aux valeurs établies. Celles-ci dépendent de l'intelligence (domaine du réel), mais aussi de la conscience (domaine de l'image) et de la pensée (domaine du langage).