Les paradoxes de Jupiter
Les paradoxes de « Jupiter ».
L’habitude s’est prise, reprenant un mot utilisé par lui-même, d’affubler le chef de l’Etat du sobriquet de « Jupiter ». Sans doute en considération de certains aspect du comportement de l’intéressé. Et de la manière qu’il a de s’exprimer ou de s’adresser aux autres.
Certains de ses opposants, critiquant la politique mise en œuvre sur le mode … « jupitérien », rêvent de rédiger une constitution qui, s’ajoutant aux autres et revenant sur le contenu de la précédente, rognerait les prérogatives de la réincarnation du dieu romain. Et donnerait aux parlementaires les moyens qu’ils n’ont plus d’agir sur le cours de la vie politique. Il s’en suivrait un changement profond des choses.
Ce qui vient d’être relevé procède, de notre point de vue, d’une triple erreur d’analyse .
1.
L’actuel occupant du palais de l’Elysée, nous fait penser en réalité au président de la IIIème République. Auquel le texte constitutionnel octroyait de nombreuses et importantes compétences. Mais qui ne les utilisait que pour autant que l’autorisation lui en était donnée par les leaders des partis politiques.
Contrairement à ce qui s’est passé durant la période de Gaulle, lequel utilisait les compétences que lui octroyait la constitution pour faire aller le pays dans la direction qu’il avait choisie, lui, de Gaulle ( la politique de la France ne se fait pas à la corbeille, la survie de la France n’est pas subordonnée aux décisions de politique interne de l’ allié américain, etc…) les présidents de la République qui ont suivi, ont utilisé ces mêmes « pouvoirs » (notamment, faire proposer des lois par le Premier Ministre, négocier et signer les traités) pour … ne plus avoir le droit s’en servir.
Pour devenir les exécutants de décisions prises ailleurs, par d’autres selon leurs intérêts -distincts de l’intérêt général- ( loi sur la Banque de France ; traités de Maastricht, de Marrakech, de Lisbonne, et divers autres traités plus récents allant dans le même sens). Ou pour mettre la France au service d’une politique économico-guerrière arrêtée par des dirigeants étrangers. Ou pour placer l’armée française sous le commandement de généraux de même origine.
Par voie de conséquence, ces politiciens ont vidé de leur sens et de leur réalité de multiples dispositions de la constitution. Affectant par ricochet les compétences des parlementaires : la phrase « la loi est votée par le parlement », doit être lue de leur fait comme « le parlement met en forme » … les instructions venues d’ailleurs. Enlevant au bulletin de vote son ancienne influence sur la détermination de la politique (imposée cependant aux citoyens).
Ce qui fait que l’institution présidentielle fait aujourd’hui moins penser – toutes choses égales par ailleurs- à « Jupiter » qu’à Deschanel. (Ce président qui n’avait politiquement pas grand chose à penser ou à décider, mais qui avait fait parler de lui à l’époque - on s’en souvient ainsi plus que des autres- en raison de son comportement -qui n’était pas adapté à la charge-).
2.
Vouloir « augmenter » les « pouvoirs » du parlement au détriment de ceux du président de la République est une idée fixe chez certains.
« Augmenter les pouvoirs du parlement », c’est en réalité laisser les parlementaires, comme l’histoire française le montre ( les comportements sont très différents chez d’autres peuples) s’adonner à des jeux divers (renverser le gouvernement, spécialement pour redistribuer les maroquins, contrer le gouvernement à tout moment de la procédure législative pour voter telle disposition favorable à des lobbys (lesquels récompenseront l’auteur de la proposition, etc…) Avec comme résultat, la survenance d’ un coup d’arrêt aux errements des parlementaires ( atrocités de la Convention, magouillages des conseils du Directoire, de l’assemblée de 1848), matérialisé plusieurs fois par la prise du pouvoir par des hommes à poigne.
Quand ce ne sont pas les parlementaires eux mêmes, qui, prenant conscience de leur impéritie lors de dangers imminents, jettent le pays dans les bras d’un sauveur (1940 , 1958).
Ce qui conduit à penser que si certains font croire qu’une autre politique sortira des assemblées parlementaires, les citoyens peuvent attendre longtemps la constitution d’une majorité de représentants, qui mettant de côté leurs intérêts de carrière, leurs égos, les intérêts divers dont ils se font les porte paroles, s’accorderont pour une fois (un miracle ?) sur une nouvelle ligne économique, financière, et sociale (non compris le reste).
3.
Si l’on prive le président de la République de ses compétences, (ou l’on subordonne l’usage de ses prérogatives à une autorisation préalable des assemblées parlementaires) on se prive de la possibilité d’avoir la seule autorité (v. ce qui a été dit ci-dessus des habitudes de la classe politique), qui (utilisant les prérogatives dont les successeurs du Général de Gaulle se sont servi pour transformer la France en petit élément d’une vaste zone géographique déréglementée), peut techniquement déclencher le processus permettant de provoquer un changement de politique. Avec, dans la foulée, la reconquête par les institutions de la République des prérogatives qui leur ont été enlevées, et la restitution aux citoyens de l’intégralité de leur droit de vote (v. ci-dessus) .
Conclusion
En s’appuyant sur l’histoire, peut-on imaginer qu’il se trouve ( quand ? à quelle occasion ?) la femme ou l’homme qui accepte (ou ait le courage) de troquer la livrée pour les dignes habits de président(e) de la République française ?
Rude affaire si l’on en juge par l’attitude, les discours, les égos des hommes et des femmes qui disent offrir le changement, mais qui refusent, elles et eux, de changer. Ou qui ne veulent pas prendre acte du fait que leur personnalité ou leur trajectoire sont des obstacles à ce que des électeurs en nombre suffisant, même d’accord sur le fond de tout ou partie de leurs analyses, leur confient leurs destinées.
Alors … ?
Aux Etats-Unis un acteur de cinéma a été élu à la présidence du pays.
En France, on a des chanteurs. Parmi les vivants … « on » pourrait chercher.
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités.