jeudi 11 octobre 2018 - par Marcel MONIN

Les paradoxes de Jupiter

Les paradoxes de « Jupiter ».

L’habitude s’est prise, reprenant un mot utilisé par lui-même, d’affubler le chef de l’Etat du sobriquet de « Jupiter ». Sans doute en considération de certains aspect du comportement de l’intéressé. Et de la manière qu’il a de s’exprimer ou de s’adresser aux autres.

Certains de ses opposants, critiquant la politique mise en œuvre sur le mode … « jupitérien », rêvent de rédiger une constitution qui, s’ajoutant aux autres et revenant sur le contenu de la précédente, rognerait les prérogatives de la réincarnation du dieu romain. Et donnerait aux parlementaires les moyens qu’ils n’ont plus d’agir sur le cours de la vie politique. Il s’en suivrait un changement profond des choses.

Ce qui vient d’être relevé procède, de notre point de vue, d’une triple erreur d’analyse .

1.

L’actuel occupant du palais de l’Elysée, nous fait penser en réalité au président de la IIIème République. Auquel le texte constitutionnel octroyait de nombreuses et importantes compétences. Mais qui ne les utilisait que pour autant que l’autorisation lui en était donnée par les leaders des partis politiques.

Contrairement à ce qui s’est passé durant la période de Gaulle, lequel utilisait les compétences que lui octroyait la constitution pour faire aller le pays dans la direction qu’il avait choisie, lui, de Gaulle ( la politique de la France ne se fait pas à la corbeille, la survie de la France n’est pas subordonnée aux décisions de politique interne de l’ allié américain, etc…) les présidents de la République qui ont suivi, ont utilisé ces mêmes « pouvoirs » (notamment, faire proposer des lois par le Premier Ministre, négocier et signer les traités) pour … ne plus avoir le droit s’en servir.

Pour devenir les exécutants de décisions prises ailleurs, par d’autres selon leurs intérêts -distincts de l’intérêt général- ( loi sur la Banque de France ; traités de Maastricht, de Marrakech, de Lisbonne, et divers autres traités plus récents allant dans le même sens). Ou pour mettre la France au service d’une politique économico-guerrière arrêtée par des dirigeants étrangers. Ou pour placer l’armée française sous le commandement de généraux de même origine.

Par voie de conséquence, ces politiciens ont vidé de leur sens et de leur réalité de multiples dispositions de la constitution. Affectant par ricochet les compétences des parlementaires : la phrase « la loi est votée par le parlement », doit être lue de leur fait comme « le parlement met en forme » … les instructions venues d’ailleurs. Enlevant au bulletin de vote son ancienne influence sur la détermination de la politique (imposée cependant aux citoyens).

Ce qui fait que l’institution présidentielle fait aujourd’hui moins penser – toutes choses égales par ailleurs- à « Jupiter » qu’à Deschanel. (Ce président qui n’avait politiquement pas grand chose à penser ou à décider, mais qui avait fait parler de lui à l’époque - on s’en souvient ainsi plus que des autres- en raison de son comportement -qui n’était pas adapté à la charge-).

2.

Vouloir « augmenter » les « pouvoirs » du parlement au détriment de ceux du président de la République est une idée fixe chez certains.

« Augmenter les pouvoirs du parlement », c’est en réalité laisser les parlementaires, comme l’histoire française le montre ( les comportements sont très différents chez d’autres peuples) s’adonner à des jeux divers (renverser le gouvernement, spécialement pour redistribuer les maroquins, contrer le gouvernement à tout moment de la procédure législative pour voter telle disposition favorable à des lobbys (lesquels récompenseront l’auteur de la proposition, etc…) Avec comme résultat, la survenance d’ un coup d’arrêt aux errements des parlementaires ( atrocités de la Convention, magouillages des conseils du Directoire, de l’assemblée de 1848), matérialisé plusieurs fois par la prise du pouvoir par des hommes à poigne.

Quand ce ne sont pas les parlementaires eux mêmes, qui, prenant conscience de leur impéritie lors de dangers imminents, jettent le pays dans les bras d’un sauveur (1940 , 1958).

Ce qui conduit à penser que si certains font croire qu’une autre politique sortira des assemblées parlementaires, les citoyens peuvent attendre longtemps la constitution d’une majorité de représentants, qui mettant de côté leurs intérêts de carrière, leurs égos, les intérêts divers dont ils se font les porte paroles, s’accorderont pour une fois (un miracle ?) sur une nouvelle ligne économique, financière, et sociale (non compris le reste).

3.

Si l’on prive le président de la République de ses compétences, (ou l’on subordonne l’usage de ses prérogatives à une autorisation préalable des assemblées parlementaires) on se prive de la possibilité d’avoir la seule autorité (v. ce qui a été dit ci-dessus des habitudes de la classe politique), qui (utilisant les prérogatives dont les successeurs du Général de Gaulle se sont servi pour transformer la France en petit élément d’une vaste zone géographique déréglementée), peut techniquement déclencher le processus permettant de provoquer un changement de politique. Avec, dans la foulée, la reconquête par les institutions de la République des prérogatives qui leur ont été enlevées, et la restitution aux citoyens de l’intégralité de leur droit de vote (v. ci-dessus) .

Conclusion

En s’appuyant sur l’histoire, peut-on imaginer qu’il se trouve ( quand ? à quelle occasion ?) la femme ou l’homme qui accepte (ou ait le courage) de troquer la livrée pour les dignes habits de président(e) de la République française ?

Rude affaire si l’on en juge par l’attitude, les discours, les égos des hommes et des femmes qui disent offrir le changement, mais qui refusent, elles et eux, de changer. Ou qui ne veulent pas prendre acte du fait que leur personnalité ou leur trajectoire sont des obstacles à ce que des électeurs en nombre suffisant, même d’accord sur le fond de tout ou partie de leurs analyses, leur confient leurs destinées.

Alors … ?

Aux Etats-Unis un acteur de cinéma a été élu à la présidence du pays.

En France, on a des chanteurs. Parmi les vivants … « on » pourrait chercher.

Marcel-M. MONIN

m. de conf. hon. des universités.



15 réactions


  • Arogavox Arogavox 11 octobre 2018 16:47

     Intéressant de constater la concomitance entre cet article et celui intitulé : « Pourquoi je ne voterai plus » ...



    • Arogavox Arogavox 11 octobre 2018 17:12

       ... au passage : encore et toujours l’immanquable référence à De Gaule ...
        

       Il est vrai que notre « Jupiter » battant la campagne (électorale) se voulait « en même temps » Napoléon et De Gaule 
      ... en ayant juste oublié d’avoir prouvé quoi que ce soit sur un véritable champ de bataille avant de se permettre 
      (du haut de son infaillibilité olympienne acquise par une poignée -ou « manipule »- de veautes .)
       de faire envoyer des éclairs de feu (missiles) visant probablement à conforter quelques complicités troubles .
         
          
        Mais, plus fondamentalement, lorsqu’une succession lancinante d’erreurs de casting à la tête d’un pays, conduisent en même temps ce pays et ses habitants de Charidbe en Scylla ..
      ... quand se décidera-t-on enfin à arrêter de rêver qu’un Papa ou qu’une Maman providentiels nous tombent du ciel (ou ne sorte des urnes comme La Vérité du fond du puits)
       ... pour se poser enfin la question cruciale d’une refondation un peu plus mature des techniques de légitimation des pouvoirs de décisions politiques et citoyennes ?!


  • rogal 11 octobre 2018 16:49

    Jupiter ? Jupin ? Disons Jupinet ou Jupinouille.


  • Fergus Fergus 11 octobre 2018 17:08

    Bonjour, Marcel Monin

    Texte intéressant mais dont la lecture est rendue pénible par la trop grande fréquence de digressions entre parenthèses


    • Fergus Fergus 11 octobre 2018 17:17

      Sur le fond, si votre argumentation est bien étayée par des observations pertinentes, force est de reconnaître que le système français mi chèvre-mi chou n’est pas totalement satisfaisant, le Président n’ayant à répondre de rien - pas même devant les parlementaires - alors qu’il a de facto repris au Premier ministre la conduite des affaires depuis la mise en place du quinquennat.

      Si l’on ne change rien aux équilibres actuels entre l’Elysée et Matignon, alors que soit donnée aux Français la possibilité de s’exprimer en cours de mandat par la voie de véritables Référendums d’Initiative Populaire !


    • Alren Alren 12 octobre 2018 13:24

      @Fergus

      J’espère que la nouvelle Constitution, si nécessaire, respectera le principe fondamental énoncé par Montesquieu de la séparation des pouvoirs.

      Le Président de la république et les ministres gouvernent en respectant les lois. Le Président de la République constitue son gouvernement et peut le destituer ou tel ministre qui ne lui paraît pas remplis sa mission correctement.

      Les députés élus à la proportionnelle élaborent librement les lois. Autrement dit, ils sont maîtres de l’ordre du jour et l’exécutif ne peut pas leur imposer d’examiner et voter une loi. Bien entendu le 49.3 est aboli.

      Il n’y a pas de ministère de la justice mais un conseil de discipline tiré au sort sur une liste de volontaires pour sanctionner les dérives de certains magistrats. (J’espère qu’il ne se réunira pas une fois par an).

      Des jurés tirés au sort sur des listes de volontaires figurent obligatoirement pour les jugements en appel du tribunal correctionnel.

      Les députés élus à la proportionnelle ne peuvent renverser le gouvernement qu’à l’occasion du vote du budget. À cette occasion, le gouvernement se voit opposer des listes concurrentes de ministrables.

      La liste qui obtient le plus de voix constitue le nouveau gouvernement. Ce peut être, bien sûr, la liste sortante.

      Les propositions de loi font l’objet de la même concurrence : chaque groupe de plus de dix députés peut présenter un texte qui peut être la recopie de l’ancienne loi.

      Le texte obtenant le plus de voix est déclaré vainqueur et devient la nouvelle loi. Elle s’impose à l’exécutif.

      Le référendum peut être décidé par l’exécutif, le législatif ou d’initiative populaire.

      Là encore, au lieu du oui-non, plusieurs textes concurrents sont mis aux voix. Le vote se fait en deux tours. Les deux premiers, qui peuvent être modifiés pour obtenir le plus grand consensus, sont départagés par les électeurs au deuxième tour. Si le vainqueur final est en contradiction avec la loi existante, celle-ci doit être modifiée.

      Aucun traité international ne peut être ratifié s’il n’a pas été approuvé par referendum.

      La Constitution ne peut être modifiée sans referendum.

      Le principe du referendum révocatoire sera aussi, je l’espère, dans le texte de la nouvelle Constitution.

      Le sénat, le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État sont supprimés.

      Ce dernier est remplacé par un groupe mixte de juristes professionnels et de citoyens tirés au sort sur une liste de volontaires.


    • Fergus Fergus 12 octobre 2018 15:13

      Bonjour, Alren

      OK, globalement. Cependant, il y a quelques points sur lesquels je ne suis pas d’accord :

      - Je pense qu’il convient de conserver l’initiative législative du gouvernement sous la forme de « projets de loi », lesquels ne doivent toutefois pas prendre le pas sur les « propositions de loi » d’origine parlementaire.

      - L’existence d’un ministère de la Justice me semble une nécessité pour définir et faire appliquer la politique pénale. En revanche, il est nécessaire que la carrière des magistrats ne dépende en aucune manière de la Chancellerie, mais d’un CSM rénové et doté d’un Conseil de discipline totalement indépendant.

      - Pas d’accord pour les jurés populaires en correctionnelle, excepté pour les affaires pénales simples (agressions, atteintes sexuelles, vols). Dans les autres cas, les cas sont trop souvent complexes au plan technique et nécessitent d’être jugés par des chambres spécialisées.

      - Je suis pour le maintien de la « motion de censure » hors débat sur le budget. Par exemple sur des engagements de troupes contraires à l’éthique et au Droits de l’Homme.

      - Pas d’accord pour supprimer le Sénat, mais pour le réformer : je pense qu’il faudrait redéfinir son rôle en tant que chambre représentative des régions, un peu sur le modèle du Bundesrat allemand.

      -Absolument pas d’accord avec la suppression du Conseil constitutionnel : nous avons besoin d’une instance d’arbitrage qui puisse statuer sur le respect par l’exécutif des textes constitutionnels et des lois en vigueur. Et en l’occurrence les citoyens tirés au sort n’ont aucune place dans un tel débat. Ce qui doit évoluer à mon avis, c’est le mode de nomination des membres de ce Conseil.


    • Le421... Refuznik !! Le421 12 octobre 2018 20:18

      @Alren

      J’espère que la nouvelle Constitution, si nécessaire, respectera le principe fondamental énoncé par Montesquieu de la séparation des pouvoirs.

      Et, c’est bien connu, l’espoir fait vivre !!  smiley


    • Le421... Refuznik !! Le421 12 octobre 2018 20:23

      @Fergus
      Et un titre complètement « à côté de la plaque » !!


  • zygzornifle zygzornifle 12 octobre 2018 09:17

    En ce moment Jupiter quitte son orbite pour faire des selfies avec l’étoile noire .....


  • Christian Labrune Christian Labrune 12 octobre 2018 11:13
    Ce qui fait que l’institution présidentielle fait aujourd’hui moins penser – toutes choses égales par ailleurs- à « Jupiter » qu’à Deschanel.
    ...........................................
    à l’auteur,
    Vous savez bien que les portes des trains sont verrouillées automatiquement dès le départ, et mieux encore celles des avions. Rien à craindre, donc, de ce côté-là.
    Il faut convenir cependant qu’une certaine exaltation dans les discours, et cela dès la campagne des présidentielle, avait de quoi surprendre un peu...
    En tout cas, il serait peut-être prudent de faire élaguer les arbres des jardins de l’Elysée et, s’il existe encore, d’y faire combler le bassin.
    Il y aurait aussi le risque qu’il bissât un discours très applaudi, comme Deschanel à Bordeaux. Fort heureusement, il est quand même de moins en moins applaudi.

    Tout va très bien, Madame la Marquise...

    • baldis30 13 octobre 2018 09:28

      @Christian Labrune
      bonjour,

      « moins penser – toutes choses égales par ailleurs- à « Jupiter » qu’à Deschanel. »

      Entre Sarkozy, Hollande et Macron j’hésite auquel attribuer une filiation directe à Albert LEBRUN.... mais en fait ne sont-ils pas frères ?


  • zygzornifle zygzornifle 12 octobre 2018 18:05

    Vu ce que certains disent sur la singularité personnage et au vue des selfies Antillaises j’aurai plutôt pensé a Uranus fourreau idéal pour doigt d’honneur ....


  • Le421... Refuznik !! Le421 12 octobre 2018 20:22
    Les paradoxes de Jupiter ?
    Ah bon...
    Je trouve au contraire que sa ligne de conduite est sans aucune ambiguïté !!
    Niquer les plus pauvres pour favoriser les plus riches.
    Le plus possible avant que ça pète.
    Je suis persuadé qu’il a acheté une villa aux Bahamas ou aux Seychelles...



    • Fergus Fergus 13 octobre 2018 09:10

      Bonjour, Le421

      Je suis d’accord avec vous : Macron est tout, sauf paradoxal !

      « Le plus possible avant que ça pète »

      Sur ce point-là, je suis en train de finir un article qui devrait paraître en milieu de semaine prochaine.


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