Not good
En se comportant comme le proverbial éléphant dans le magasin de porcelaine, le nouveau Caligula semble avide de casser autant de vaisselle que possible. Malheur à ceux qui se trouvent dans sa ligne de mire, car après avoir rebaptisé le Golfe du Mexique, menacé d’une invasion le Groenland et le Panama, Lucky Luke sort son arme secrète, les tarifs douaniers, considérant l’économie d’un pays civilisé comme l’arène d’un sport de combat, (1) tout en confondant celle de l’Espagne avec celle de l’Afrique du Sud, en prenant le « S » dans l’acronyme BRICS (2) pour le royaume de Castille et d’Aragon. Mais bon, on ne peut pas tout savoir.
En s’adressant aux participants de la réunion annuelle du World Economic Forum, via visioconférence, le président vend la mèche : « Mon message à toutes les entreprises du monde est clair. Choisissez les Etats-Unis comme base de production et vous bénéficierez d’un taux d’imposition qui défie toute concurrence. Si vous choisissez de rester chez vous, nous frapperons vos produits et services avec des droits de douane d’au moins 20 %. » Fin de citation
L’appel n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Le milliardaire français Bernard Arnault, quatrième fortune mondiale, 185 milliards USD, menace d’ores et déjà de délocaliser.
On aurait tort de prendre ces outrances pour une rupture du Statu quo. Au contraire, elles s’inscrivent dans la continuité historique de l’agenda du néolibéralisme (3), d’autant plus que Donald Trump ne s’arrêtera pas au protectionnisme, ce qui est déjà contraire aux principes libéraux, il s’attaquera également à l’impôt sur le revenu, bête noire du capitalisme, et plus qu’une fois dans l’histoire prétexte pour déclencher une guerre, afin de contrecarrer son imposition (4), plutôt que son abolition, mais bon, nous vivons une époque épique. En tout cas, l’écrivaine russo-américaine Alissa Zinovievna Rosenbaum, alias Ayn Rand, paix à son âme, serait folle de joie. (5)
Non content de vider davantage encore l’état de sa substance, en le privant de ses moyens, le déficit du budget de l’état américain s’approche du seuil de 2'000 milliards USD et la dette souveraine, 36'000 milliards USD, représente actuellement 126 % du produit intérieur brut, une valeur insuffisante pour une adhésion à l’Union Européenne, Donald Trump lance un projet d’investissement de 500 milliards USD dans le développement de l’intelligence artificielle, au moment même où une société chinoise, Deepseek, annonce le lancement d’une application d’intelligence artificielle « open source » gratuite, développée par des ingénieurs chinois, d’une efficacité maintes fois supérieure à celle de la concurrence américaine et dont le coût de développement s’élève à la modique somme de 5 millions USD, ce qui a déclenché, à la bourse de New York, un effondrement des valeurs de technologie, effaçant, en quelques heures, 1'000 milliards USD de la capitalisation boursière des valeurs technologiques, dont 600 milliards USD pour la seule société Nvidia, premier producteur de puces électroniques, spécialement conçues pour le développement de systèmes d’intelligence artificielle, dont cette société détient un quasi-monopole. (6)
Du coup Donald Trump ne trouve rien de plus intelligent à faire que de menacer le premier producteur mondial de puces électroniques, l’île de Taiwan, un allié, de droits de douane de 100 %. On marche sur la tête.
L’éminent économiste hétérodoxe américain Michael Hudson se demande, si Donald Trump et son équipe savent ce qu’ils font. (7) Il n’est pas le seul.
Il faut dire qu’en ce qui concerne l’Europe, son prédécesseur, Joe Biden, avait déjà préparé le terrain, en orchestrant la destruction du gazoduc russe Nordstream, privant l’économie allemande d’une source d’énergie vitale et peu coûteuse, en l’obligeant de remplacer le gaz russe par du gaz naturel liquéfié américain, extrait par fracturation hydraulique, hautement toxique pour l’environnement, transporté sur des navires à travers l’océan, stocké ensuite dans des terminaux méthaniers encore à construire, mettant du coup toute une économie sur le tapis.
En plus, Joe Biden, ayant exigé de ses partenaires de l’OTAN une augmentation de leurs budgets militaires à hauteur de 2 % de leur produit intérieur brut respectif, Donald Trump en veut 5 %, ce qui représente, pour l’Allemagne, grosso modo, la moitié du budget de l’état. De futurs coupes budgétaires dans d’autre domaines ne sont donc pas exclus.
Vous avez vu Joe Biden ? Ne ratez pas Donald Trump ! Cette nouvelle guerre commerciale qui s’annonce risque de plonger l’économie mondiale dans une crise profonde, à commencer par ses deux voisins, le Mexique et le Canada.
Décidé d’inverser une politique économique, instauré par feu Jimmy Carter, et consolidée par Bill Clinton en signant le 1er janvier 1994 le traité de libre-échange NAFTA (North American Free Trade Agreement) avec le Mexique et le Canada, Donald Trump menace les deux pays de 20 % de droits de douane, pour commencer, s’ils n’obtempèrent pas, et refusent, dans le cas du Mexique, de fermer les usines Maquiladora (8) le long de la frontière nord avec les Etats-Unis.
L’effet immédiat d’un tel revirement serait, à court terme, une forte dépréciation du peso face au dollar, privant le Mexique des Dollars nécessaires pour le service de sa dette extérieure et causant une intolérable pression sur sa balance des paiements. (9) Cette pression, ce ne sera pas uniquement le Mexique qui la subira, mais elle s’étendra sur l’ensemble du continent américain et jusqu’aux pays de ce qu’on appelle aujourd’hui « Global South », risquant de déclencher une nouvelle crise de la dette, comme celle des années 1980, déclenchée précisément par le défaut de paiement de l’état mexicain en 1982. (7)
En outre, la « remigration » massive, annoncée par Donald Trump, priverait, notamment les pays d’Amérique latine d’une source de revenu non négligeable, celle de ces expatriés et clandestins, travaillant aux Etats Unis, reversant une partie importante de leurs salaires à leurs familles dans leurs pays d’origine.
Mais tout cela, l’animateur de télévision préfère cacher derrière un vaste écran de fumée, en débutant son mandat par la signature de pas moins de 200 (?) décrets présidentiels, ce qui n’est pas pour déplaire à ses nombreux partisans. Le réveil risque d’être brutal, le monstre de l'inflation guette.
Ainsi, la fin du gaspillage des fonds public est annoncée en fanfare, par l’engagement de deux milliardaires qui ne manqueront pas de supprimer quelques projets LGBT et autres initiatives « woke », tout en laissant intact le budget militaire de 800 milliards USD, dont bien sûr ses humbles serviteurs profitent à volonté, sans parler des 500 milliards USD d’argent public à l’intention de l’industrie de la technologie. Pour l’instant son vaste public acquis se garde de regarder derrière l’écran et gobe les balivernes du gourou. Affaire à suivre
- https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-competitivite-un-non-sens-194842
- BRICS Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Organisation intergouvernementale
- https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-fable-de-la-liberte-224838 Néolibéralisme
- https://youtu.be/gkQ-kqoEU7E Henri Guillemin, Les origines de la Première Guerre Mondiale
- https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/ayn-rand-n-est-pas-encore-morte-194501
- https://youtu.be/6Imds01vdYs Chinese Deepseek open source AI system crushes stock market
- Trump’s Balance-of-Payments War on Mexico, and the Whole World – Global South
- Les usines maquiladora, qui se situent à la frontière nord du Mexique et en Amérique Centrale, assemblent à bas coût des produits d’exportation exonérés de droits de douane
La balance des paiements d’une nation est une comptabilisation des flux de biens et services, de revenus financiers ou de transferts de capitaux entre les résidents d’un pays (individus, entreprises, institutions publiques et privées) et le reste du monde, la comptabilité en partie double d’une nation, en quelque sorte.