jeudi 21 décembre 2006 - par Philippe Bilger

Des magistrats contre la magistrature ?

Depuis longtemps, on a abandonné l’idée, le rêve ou le cauchemar d’un Grand Soir judiciaire qui viendrait comme par magie bouger les lignes, détruire les conservatismes et mobiliser les énergies et les enthousiasmes.
Alors, on est obligé de se rabattre sur les petits matins dont l’horizon est modeste et les actions sans éclat.
L’étonnant, à lire les communiqués de tel ou tel syndicat, c’est que ces petits matins, qui pourtant ne « décoiffent pas », sont perçus comme s’ils étaient précisément ce Grand Soir jeté dans les oubliettes d’une société qui n’aime rien tant que les bouleversements en parole mais raffole de l’immobilité protectrice des acquis. Ainsi, ce communiqué de l’Union syndicale des magistrats (USM) en date du 12 décembre dénonce le texte sur la responsabilité des magistrats tel qu’il a été élaboré par la Commission des Lois de l’Assemblée Nationale en osant prétendre que son "seul objectif est de reprendre en main une magistrature jugée trop indépendante".
Cette suspicion est déjà absurde quand on sait que cette réflexion sur la définition élargie de la responsabilité n’est pas née mais a été amplifiée à la suite de la catastrophe d’Outreau qui ne renvoyait à aucun dysfonctionnement politique mais seulement à des détentions provisoires interminables de mis en examen acquittés plus tard.
Regardons d’un peu plus près cette affreuse perspective qui représenterait une atteinte intolérable à notre indépendance. Elle mentionne que "constitue notamment un manquement aux devoirs de son état la violation grave et intentionnelle par un magistrat d’une ou plusieurs règles de procédure constituant des garanties essentielles des droits des parties, commise dans le cadre d’une instance close par une décision de justice devenue définitive". Imagine-t-on qu’avec de telles précautions de fond et de forme, l’exigence de gravité et d’intentionnalité pour les violations constatées, la nécessité d’une procédure devenue définitive, la responsabilité du magistrat soit mise en cause de manière légère, soit même mise en cause ? On a tellement voulu éviter la confusion avec une quelconque contestation de l’acte juridictionnel qu’on a créé les conditions d’une impunité quasi totale sur le plan disciplinaire. Il suffit, à nouveau, de se pencher sur la tragédie d’Outreau et les comportements qui lui sont liés pour se rendre compte que cette nouvelle approche n’aurait, pas plus que la précédente, autorisé l’incrimination des magistrats concernés par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et de ses fourches caudines. Je sais bien que le juge Burgaud et le procureur Lesigne attendent la décision du CSM mais je ne pourrai m’empêcher de penser, s’ils sont sanctionnés, qu’ils le devront plus à la démagogie ambiante qu’à l’application stricte de la règle. L’opinion publique serait-elle incapable de comprendre qu’entre le comportement professionnel satisfaisant et la faute disciplinaire,il existe une médiocre et large zone grisailleuse à laquelle, précisément, il aurait fallu porter une attention toute particulière ?
Je relève également que certains scandales tenant à des décisions collégiales aberrantes - considérées en tout cas comme telles rétrospectivement par l’irruption de la mort et du crime dans leur environnement lointain ou proche - échapperaient à la suspicion disciplinaire alors que la grossière erreur d’appréciation aurait constitué un outil d’analyse pertinent et adaptable à toutes les situations.
C’est cette même exclusive alternative entre le normal et le disciplinaire qui entache une mesure et un processus qui en eux-mêmes sont tout à fait souhaitables puisqu’ils favoriseraient un contrôle externe sur le fonctionnement de la justice. Je n’évoque pas la lourdeur bureaucratique des mécanismes qui impliquent la personne requérante, le Médiateur de la République, le garde des Sceaux, les Chefs de cours d’appel et un membre du Parlement. Avec un chemin aussi compliqué, à l’évidence on espère que le réclamant sera découragé avant même d’avoir tenté d’écrire. Mais il y aura peut-être des intrépides, des audacieux  ! Comme on n’évoque la plainte que par référence à la faute disciplinaire, que fera-t-on de la requête qui dénoncera une incurie, une carence, des lenteurs, des abus d’autorité ou des négligences suffisamment nettes pour n’être pas laissées de côté mais situées en-deçà de la faute disciplinaire ? Il est vraisemblable qu’on la transmettra à la hiérarchie du magistrat mis en cause et qu’en définitive ce dernier sera amené à fournir des explications sur la dénonciation le concernant, avec les suites indolores que l’on devine.
Alors comment oser faire de ces esquisses, de ces embryons de rapprochement entre la justice et les citoyens une sorte de monstre qui n’aurait pour dessein que de briser le corps judiciaire et de ruiner ses libres pratiques ? Au contraire, il convient de voir dans ces textes à la fois utiles mais trop technocratiques une prise de conscience, mais gâchée par la crainte des réactions corporatistes des magistrats. Apparemment, seule l’USM s’est élevée contre ces dispositions. Il y a tout de même quelque chose de navrant dans cette volonté judiciaire de rapporter tout risque de métamorphose à soi et à son univers au lieu de la voir s’interroger sur les bienfaits démocratiques à en attendre.

Aujourd’hui, tout ce qui permet de contrôler l’exercice d’un pouvoir, l’accomplissement d’une mission, ne doit pas être perçu comme une offense mais comme une garantie et une chance. Une garantie pour le citoyen, le justiciable. Une chance pour nouer ou renouer le pacte de confiance entre l’institution et la société, au plus grand bénéfice de la démocratie.

Un espoir, enfin.



14 réactions


  • BB (---.---.134.117) 21 décembre 2006 15:18

    Bien que vous soyez d’une lecture plaisante et intelligible ,il serait peut être bienvenu de faire plus simple quand à l’approche rédactionnelle de ces sujets. En effet il est toujours lourd pour un non initié dont je suis de comprendre la finalité de vos démarches même si je les comprends très bien. Le monde judiciaire est suffisament complexe pour essayer d’expliquer au mieux et je pense de manière plus synthétique son fonctionnement ainsi que les souhaits différents de magistrats sur les « réformes » à venir. Pour ce qui me concerne je suis pour la responsabilisation des magistrats tout comme on responsabilise un chirurgien. Pas un ne peut plus que l’autre se targuer d’avoir besoin de plus de sereinité quand à la pratique de son métier. Car magistrat est aussi un métier. Bon toujours est il qu’il est un plaisir de vous entendre parler parfois à C dans l’air et pour ca je pense que vous êtes un homme de grande integrité . BB


  • minijack minijack 21 décembre 2006 18:17

    Monsieur,

    Ayant eu l’occasion de vous voir et entendre maintes fois sur telle ou telle chaîne, j’ai toujours eu la grande surprise d’être d’accord avec ce que vous disiez et la manière que vous aviez de le dire. Et cette fois encore, je ne puis qu’approuver votre position.

    La Justice ne s’étant pas toujours montrée sous son bon jour pour moi-même ou autour de moi, croyez bien que de ma part c’est une grande marque de confiance qui vous est toute personnelle. Vous redonnez confiance. Bravo !


  • CAMBRONNE (---.---.124.77) 21 décembre 2006 19:49

    Monsieur Bilger

    Excellent article comme d’habitude et je n’ai rien de particulier à rajouter .

    Une seule remarque : Pour moi le Juge BURGAUD ne doit se voir reprocher qu’une chose , un manque total de Jugement . Ce n’est pas un délit ni une faute professionnelle , c’est tout juste ennuyeux quand on fait son métier .

    Avec la maturité cela s’apprend , même pôur les plus rétifs .

    Conclusion , il s’agit de trouver un truc pour que les tout jeunes juges ne se voient pas confier des affaires trop difficiles .

    Un souhait , presque une utopie .

    Par contre Monsieur Lesigne qui avait de la bouteille n’a rien vu . Désespérant mais pas condamnable non plus !

    Vive la république quand même .


  • parkway (---.---.18.161) 22 décembre 2006 15:01

    ouais, l’espoir ?

    Ne vaudrait-il pas mieux laissser les juges se débrouiller seuls, loin des politiques et des médiatisés comme vous,l’êtes ?

    Il y a une équivoque aujourd’hui : qui défend la démocratie dans notre pays ?

    Vous, M. BILGER ? M. SARKOZY, TF1 et les médias en général, peut-être ?

    Il y a des juges et des avocats médiatiques aussi, je vous le concède, mais ils sont encore une minorité, heureusement...

    Je suis désolé, je ne vous suis pas, car depuis De Gaulle, la démocratie bât de l’aile, les différentes présidences après lui n’ont rien arrangé ;

    Foutez la paix aux juges !

    même, s’il y en a quelques pas bons, ils sont actuellement les derniers remparts de ce qui reste de notre démocratie.

    Il faut réformer les politiques politichiens avant tout !


    • CAMBRONNE CAMBRONNE 22 décembre 2006 15:56

      PARKWAY

      Je ne crois pas à UN rempart de la démocratie . Ce qui fait la démocratie c’est l’équilibre des pouvoirs . Une république des juges ne serait pas une bonne chose d’autant plus qu’une partie d’entre eux fortement syndicalisée pense plus à l’intérêt de la corporation qu’à l’intérêt des justiciables .

      Toute personne qui a les pleins pouvoirs et n’est plus contrôlée devient un dictateur quelque soient ses qualités intrinséques .

      Vive la république quand même .


  • vraitravailleur (---.---.59.78) 24 décembre 2006 21:09

    Quel est le lien de parenté entre deux des principaux « journalistes » d’agoravox : Philippe Bilger et Pierre Bilger ?


  • Ouerkinguétorix (---.---.48.138) 26 décembre 2006 14:47

    « Aujourd’hui, tout ce qui permet de contrôler l’exercice d’un pouvoir, l’accomplissement d’une mission, ne doit pas être perçu comme une offense mais comme une garantie et une chance... »

    Pour les fonctionnaires, l’absence de contrôle citoyen est une catastrophe. Le développement des pouvoirs discrétionnaires ouvre la voie à la mainmise des lobbies de tout poil, politiques et assimilés notamment, et pénalise ceux qui font bien leur travail.

    On veut dénier aux élus le droit de contrôler la Justice au titre de leur mandant, et on ferme les yeux sur le noyautage de l’Etat par toutes sortes de réseaux au détriment des fonctionnaires qui refusent de rentrer dans ce jeu.

    Mais, justement, à ce titre les interventions récentes de Pascal Clément devant l’Assemblée paraissent particulièrement décourageantes et inquiétantes. Voir l’article mis en ligne hier par Isabelle Debergue sur son site « Petite Citoyenne », intitulé : « Réforme de la Justice : toujours impossible, ou pire encore ? »

    http://www.geocities.com/petite_citoyenne/article251206.html


  • magis (aspi-rine) (---.---.8.236) 26 décembre 2006 15:05

    Comme d’habitude le titre et la forme font dans le polémique et engendre un sentiment de colère à l’encontre de celui qui les écrit (M. BILGER se veut un as de la provocation, non ?) Sur le fond, je suis d’accord sur un point, le nouveau texte est absurde et n’apporte pas grand chose à l’édifice ! Il n’est même pas choquant dans la mesure où une atteinte grave et intentionnelle « aux règles de procédure garantissant les droits des parties » doit être sanctionnée, à mon sens. Toutefois, je ne suis pas sûre que toutes les conditions d’application de ce texte soient un jour réunies !

    Sur la responsabilité des magistrats, je crois qu’il ne faut s’en prendre qu’à nous si les choses en arrivent là. En effet, dans la profession, nous avons tous pu constater qu’une lacune d’un collègue (je parle plus d’une incompétence ou de retards importants dans les décisions) était le plus souvent caché, et que la charge de travail du « bras cassé » était reportée sur les autres, sans que finalement, aucune sanction n’intervienne pour celui qui pêche. A partir de là, les justiciables ont eu le sentiment que rien n’était fait contre celui qui est insuffisant. La volonté de cacher ses brebis galeuses pour éviter de donner une mauvaise image de la Magistrature a eu l’effet inverse...

    Mais je crois que le problème se pose moins pour les magistrats dont l’intention était de nuire. Les procédures disciplinaires se sont multipliées depuis une dizaine d’années et les sanctions prononcées ont d’une part été plus fortes, mais aussi plus médiatisées. Il ne faut donc pas affirmer que les magistrats ne sont pas sanctionné lorsqu’ils commettent des actes contraires à leur dignité ou à l’honneur de leur fonctions. Que de nouveaux textes soient pris pour réprimer ce type de comportements que j’estime contraire à l’essence même de l’être humain et encore plus indignes d’une personne souhaitant avoir une fonction telle que la nôtre ne me choque pas.

    Je comprends, malgré tout, dans le contexte actuel, les réactions de certain(s) syndicat(s). Les critiques faites par les politiques sur des décisions juridictionnelles, les débats judiciaires qui se font sur les médias plus que dans les bureaux des juges d’instruction, donnent les sentiments aux professionnels d’être systématiquement remis en cause dans leur travail quotidien. Je ne pense pas, comme beaucoup le clament qu’il y ait plus de corporatisme et de conservatisme au sein de la magistrature qu’ailleurs... mais le sentiment d’être le bouc émissaire d’une société en mal de repères engendre des réactions vives et un sentiment de paranoïa pas toujours infondé !


  • Visiteur Indigène (---.---.180.214) 28 décembre 2006 12:29

    Dites Mr Bilger comment doit-on nommer un magistrat instructeur qui ne veut pas faire son travail ? Un magistrat instructeur qui ne pose jamais les bonnes questions ? Un magistrat instructeur qui ne veut pas prendre de preuves ? Un magistrat instructeur qui ne respecte pas le contradictoire etc....

    N’est ce pas une atteinte grave et intentionnelle aux règles de procédure garantissant les droits des parties ?


    • magis (---.---.8.236) 28 décembre 2006 14:41

      visiteur indigene,

      et qui est juge « des bonnes questions à poser » ? Que veut dire « un juge d’instruction qui ne veut pas prendre des preuves » ? je rappelle que le cpp prévoit la possibilité pour les avocats de faire des demandes d’actes, et en l’absence de réponse positive de faire appel de la décision... Doit-on passer sur le terrain du disciplinaire (voire du pénal) alors que la loi prévoit des possibilités pour les parties lorsqu’elles sont insatisfaites des instructions ?

      aspi-rine


  • Visiteur Indigène (---.---.180.214) 29 décembre 2006 15:30

    Le lien donné par Ouerkinguétorix dans son intervention du 26/12 à 14h47 est edifiant !!!! je viens de lire le lien donné et je comprends parfaitement les carences dont je suis l’objet depuis plus de 5 ans...tout s’éclaire sur le but recherché.

    Question : Cette loi du 19/12/06 aura-t-elle une incidence sur le futur jugement qui sera rendu en 2007 pour une affaire pénale avec constitution de partie civile qui a débuté en 2001 et dont un jugement « civil » a été rendu en 2002 sans tenir compte du pénal ?


  • Matt (---.---.177.77) 4 janvier 2007 20:32

    Cher Monsieur Bilger,

    Avant toute chose laissez moi vous dire que les reflexions qui suivent ne vous sont pas adressées car vous êtes tout sauf ce que je décris plus bas.

    Il n’y a pas de raisons que le Francais qui se leve tous les matins pour aller travailler soit tenu responsable de ses actes par son employeur et que la magistrature (et plus generalement la fonction publique) jouisse d’une irresponsabilité quasiment de principe.

    Je suis avocat. A ce titre j’ai un responsabilité professionelle importante vis-à-vis de mes clients qui ne se privent pas de saisir le bâtonier lorsqu’ils ne sont pas satisfaits de mon travail. L’enjeu pour tout avocat peut aller jusqu’a la radiation du barreau ce qui rime avec fin de carrière. Un magistrat à un pouvoir sur le citoyen dont peu d’entre nous disposent. Ils decident de qui va en prison ou pas, pour combien de temps, s’il convient de saisir vos comptes, votre logement et j’en passe... Le magistrat a plus de pouvoirs que n’importe qui dans la société et n’a de comptes à rendre à personne et ne veulent surtout pas en avoir à rendre au nom d’une independance des pouvoirs dont ils galvaudent facilement la définition faute d’arguments valables.

    Deux exemples : Naceri est jugé coupable a plusieurs reprises de violences, conduite en état d’ebriété etc... Bilan, quelques amendes qui ne font pas grand mal à son porte-monnaie et un peu de sursis. A Outreau on place le citoyen lambda en détention provisoire pendant de trop longs mois (mais c’est provisoire, soyez rassurés) avant de l’aquitter au terme d’une procédure qui n’en finit pas. En gros il y a deux pods deux mesures. Le récidiviste s’en sort avec une petite claque sur les doigts et l’innocent voit sa vie ruinée. Alors, Mesdames et Messieurs du CSM, la question n’est pas dans l’indépendance de la justice, qui au passage est un argument bien facile et confortable, mais plutôt dans votre responsabilité de faire votre travail correctement.

    Je vis à présent aux Etats Unis. On peut reprocher beaucoup de choses à ce pays sauf d’avoir des magistrats qui font leur travail correctement. Un simple citoyen, une célébrité, un grand patron ou un politique, ça ne fait pas de différence pour les magistrats (Cf. entre autres OJ Simpson, Tyson, les patrons d’Enron, le président Clinton pour n’en citer que quelques uns). Celui qui commet une faute en paye le prix, point final. Et les puissants payent tres cher dans ce pays et géneralement il n’y a pas besoin de placer un suspect (ou un innocent comme on le voit trop souvent en France) en détention provisoire pendant des années avant de le juger.

    Pourquoi ? Tout simplement parce que les magistrats americains ont un régime un peu différent. Ils sont recrutés directement par la juridiction à laquelle ils appartiennent, après bon nombre d’entretiens d’embauche et une fois que leur experience passée en tant qu’avocat a été soigneusement passée au crible. Bien sur, inutile de mentionner qu’ils peuvent se faire licensier à tout moment s’ils n’exercent pas leur fonction de façon responsable. Je ne dis pas que la France doit copier le modèle américain, loin de là. Je constate simplement que les magistrats américains ont des comptes a rendre et que leur système judiciaire bien qu’améliorable fonctionne généralement mieux que le notre. Résultat, outre-atlantique les gens ont confiance en leur justice, tout simplement.

    Chers Magistrats de France, de quoi vous plaignez vous ? Vous avez des responsabilités énormes envers un peuple Francais qui ne croit plus en vous parce que vous ne les exercez pas correctement. Vous êtes redevables a ce même peuple, et rendre quelques comptes sur votre action ne peut pas faire de mal.

    A bon entendeur...


  • lyago2003 (---.---.155.104) 6 janvier 2007 20:27

    Bonjour, Pour ma part, en tant que victime par ricochet, je suis du côté déficitaire de la balance que notre magistrature a depuis toujours laissé pour compte pour « s’occuper » plus particulièrement des délinquants qui ont aux yeux de la justice beaucoup plus de valeur !

    La justice est « malade », « engorgée », « à double vitesse ». Gardienne des libertés individuelles et de l’État de droit mais parent pauvre de la République, le budget annuel qui lui est consacré ne dépasse pas 6 milliards d’euros.

    L’idée de justice est avant tout morale et philosophique : elle s’appuie sur la vertu individuelle et/ou collective des citoyens, qui est définie et organisée par des lois, puis défendue par les institutions judiciaires (car nul ne peut se faire justice lui-même). Or le concept de justice en tant que vertu appartient essentiellement à la philosophie morale antique, et s’oppose en permanence à la conception libérale de la justice moderne : ainsi les intérêts politiques et financiers musellent-ils régulièrement son bon exercice. En 2005, le budget français de la Justice était de 5,46 milliards d’euros - 1,89% du budget de l’État, 7.782 magistrats -, plaçant cette année la France au 23e rang européen. Notons que le budget de la gestion et du contrôle des Finances publiques était de 8,8 milliards d’euros, pour un résultat finalement bien plus médiocre...

    Il semble évident qu’une justice n’est efficace que si elle en a les moyens. Mais il est encore plus évident qu’une justice n’est efficace que si elle est la même pour tous. Force est de constater que la VOLONTÉ sur ce point fait de plus en plus défaut : il vaut mieux être président de la République ou grand industriel que consommateur ou chômeur. Et quand il devient évident que certains peuvent se permettre d’échapper à la Loi tandis que d’autres seront instantanément et durement sanctionnés, un profond sentiment d’injustice s’installe chez les citoyens, surtout les plus démunis. Un sentiment légitime, mais dont les conséquences peuvent être dramatiques pour notre société.


  • (---.---.8.236) 10 janvier 2007 13:13

    M. Bilger, je reste neanmoins surpris par le nombre d’articles que vous publiez. La magistrature vous octrois tant de temps libre ? Je viens de regarder vos états de service : une forte mobilité:vous n’avez pas quitté la région parisienne depuis 76 une absence de fonction de « terrain » depuis 90 aucun changement de fonction depuis bientôt 8 ans (avocat général) smiley


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