mardi 18 octobre 2016 - par C’est Nabum

Le bon pain

Séparons le bon grain de l’ivraie.

Alors que dans nos grandes villes se multiplient les officines vendant du pain à grande échelle tout en prétendant être de joyeux artisans qui mettent scrupuleusement la main à la pâte, il me vient l’envie de célébrer le bon pain : celui à la croûte craquante, qui reste présentable le lendemain et qui a du goût sans l’apport douteux de graines, fruits et autres ingrédients, tous plus surprenants les uns que les autres, pour faire grimper le prix et redescendre le plaisir gustatif.

Le bon pain a de la tenue. C’est d’ailleurs là sa qualité première. Il ne cède pas à la mode du tout mou, de l’insipide, du spongieux que nous impose un diktat venu d’outre-Atlantique. Il nécessite, c’est là son défaut, d'avoir de bonnes dents. Mais accordons-lui le droit de subir le trempage au petit déjeuner ou dans la soupe si, par malheur, vous n’aviez pas la dent dure.

Le bon pain a de la couleur. Fuyez donc les pains pâles, incolores, tristes et moroses. Je frémis à chaque fois que j’entends dans la file d’attente :« Pas trop cuit, je vous en prie ! » Autant aller se réfugier dans le monde sous plastique des pains de mie qui ne sont pas mes amis. Le pain doit démontrer son amour du four ; il doit porter en lui quelques traces de ce combat, mené avec le bois qui lui a donné des teintes en lesquelles on puisse avoir confiance.

Le pain est dense. Sa mie ne fait pas semblant d’occuper l’espace. Elle s’impose, se gonfle de sa majesté, accepte quelques bulles qui démontrent sa vigueur et le travail d’un levain qui sait se tenir. Elle a de jolis reflets et ne se donne pas entièrement à un blanc de pacotille. Elle aime se teinter de gris, de brun, de jaune et ne se refuse jamais à d’autres céréales ni au sarrasin, ce faux frère jumeau.

Le pain fleure bon ou bien il n’est qu’un ersatz de fripouilles habillées de blanc. Il est issu des meilleures farines :celles qui n’acceptent pas de subir les traitements honteux de céréaliers indignes qui font pousser la graine à coup de produits toxiques. Il convient de ne pas fréquenter les farines douteuses ; le pain réclame de la qualité en toute chose et surtout pour sa matière première.

Le pain a ses pudeurs également. Refusez donc la théatralisation du four en devanture. À supposer vraiment qu’on y fasse réellement du pain destiné à la vente, demandez-vous si la pâte supporte aisément les courants d’air, si l’hygiène y est garantie, si le travail, sous le regard de la clientèle, est acceptable et agréable. Le pain doit se maturer dans le secret du laboratoire et ne pas jouer les vedettes sous le regard amusé de curieux en goguette.

Le pain enfin se plaît dans les mains d’une vraie boulangère. Il a besoin de passer en douceur de sa boulangerie à votre domicile par une joyeuse transaction. La dame saura vous parler de la pluie et du beau temps, prendra des nouvelles du petit dernier et surtout vous calculera de tête le montant de la commande. Refusez donc les boîtes à pain où la vendeuse ou le vendeur est incapable du moindre calcul mental. C’est un pain sans tenue que celui qui exige la retenue électronique.

Le pain est enfin un métier à part entière. Il exige temps et formation, patience et amour. Si votre boutique multiplie les offres de vente, c’est qu’il y a un doute sur la qualité de sa fonction première. Repoussez ceux qui font de la restauration rapide : ce sont des marchands de fric. L’épicerie n’est guère plus compatible avec le métier . Seule la pâtisserie peut justifier une double toque, à condition qu’elle ne soit ni pompeuse ni prétentieuse.

Le bon pain a besoin d’une vraie boulangerie. Éloignez-vous donc de ces grosses boutiques rutilantes. On veut vous pétrir pour que vous y dépensiez le plus d’argent possible. Ce sont des margoulins qui tiennent pareil endroit. Le bon pain se vend à prix raisonnable ; les prix fantaisistes relèvent de la grivèlerie organisée par des bandits qui veulent vous mettre le nez dans la farine. Seul le petit artisan vous prépare amoureusement du bon, du vrai, du goûteux pain comme autrefois, servi sans artifice d’emballage et à un prix raisonnable.

Panificationnement vôtre.

achat-machine-a-pain.jpg



23 réactions


  • foufouille foufouille 18 octobre 2016 14:07

    "Refusez donc la théatralisation du four en devanture. À supposer vraiment qu’on y fasse réellement du pain destiné à la vente, demandez-vous si la pâte supporte aisément les courants d’air, si l’hygiène y est garantie, si le travail, sous le regard de la clientèle, est acceptable et agréable."
    c’est pas le cas certaines fois.
    le bon pain est rare et deux fois plus cher que le super mais bien meilleur.
    l’allure de la boulangerie n’a aucun rapport avec la qualité du pain.


  • Abou Antoun Abou Antoun 18 octobre 2016 14:21

    Je fais mon pain qui se conserve entre 5 et 7 jours dans un emballage papier ou tissu. Le problème c’est le four ( donc je l’ai fait aussi).
    Avec le temps on acquiert une certaine expérience (choix des mélanges de farine, choix des levures, temps et température pour le levage, façonnage, cuisson).
    Bref, c’est intéressant, mais pas forcément économique et c’est surtout assez long. (Je ne parle même pas des machines à pain électriques).
     


  • juluch juluch 18 octobre 2016 15:09

    La pain j’en suis fana !


    pas simple de trouver du bon mais en cherchant bien on trouve son bonheur !

    Je tourne sur 3 boulangeries sur Marseille dans mon coin.

    Le pain de campagne que l’on coupe en tranche et que l’on met sur la lèche frite du barbecue pendant que les oiseaux cuisent bardés sur le tourne broche........pitin !!!!!!!!!!!!!!!!  smiley

    merci pour cet article gourmand Nabum !

  • Perceval Perceval 18 octobre 2016 16:23

    Pas du tout d’accord, dans de très nombreuses boulangeries la qualité du pain s’est largement améliorée avec des farines de meilleures qualité. Evidemment il faut mettre 1 € 20 ou 1 € 30 pour déguster ces baguettes de qualité supérieure mais quand on sait qu’aujourd’hui les Français dépensent moins de 15 % pour leur alimentation (contre 50 % de leurs revenus en 1945) le fait de payer le vrai pour les bonnes choses n’est pas un scandale. Autre nouveauté : la qualité des pains en grande surface (Aldi, Liddl, Leclerc..) s’est elle aussi beaucoup amélioré.
    Donc le bon pain existe en France et il n’est qu’à voyager dans un pays anglo saxon pour voir la différence.


    • C'est Nabum C’est Nabum 18 octobre 2016 17:58

      @Perceval

      Je participe à une restaurant solidaire
      Nous recevons les rebuts des pains de la grande distribution et je peux vous dire que c’est vraiment de la M... immangeable (je ne vois pas d’autre terme)


    • Samson Samson 18 octobre 2016 21:43

      @Perceval
      « Autre nouveauté : la qualité des pains en grande surface (Aldi, Liddl, Leclerc..) s’est elle aussi beaucoup amélioré. »
      Ben oui, on connaît votre vision du progrès !
      Fabriqué en Pologne ou ailleurs à l’Est et distribué à travers toute l’€urope, avec l’avantage que, au prix de l’empoisonnement des sols pour une farine dépouillée de tout nutriment, il ne nourrit pas plus le consommateur que ces infâmes profiteurs de paysans, mais uniquement les actionnaires de quelques multinationales et - très mal - quelques salariés de l’agro-alimentaire ! smiley


    • Samson Samson 18 octobre 2016 21:50

      @Samson
      « Evidemment il faut mettre 1 € 20 ou 1 € 30 pour déguster ces baguettes de qualité supérieure »
      Toute la différence avec nos abrutis d’ancêtres : maintenant, pour une alimentation de base saine et exempte de saloperies en tous genres, il faut y mettre le prix et disposer d’un budget de « bobo », faute de quoi on est condamné à ne bouffer que de la m... !
      On n’arrête décidément pas le progrès ! smiley


    • Legestr glaz Ar zen 18 octobre 2016 22:02

      @Samson

      Je partage votre opinion Samson. Par ailleurs, pour du « bon pain » ,il faut nécessairement de la bonne farine. Qui fournit la farine aux boulangers ? Combien de minoteries indépendantes en France aujourd’hui ? La bonne matière première est absente à l’appel. Un pain au « petit épeautre » bio est vendu 7 euros. C’est du presque sans gluten. Les farines actuelles sont hyper chargées en gluten après une sélection rigoureuse du blé par les grandes minoteries. Le professeur Joyeux en parle bien.

      Dans de très nombreuses boulangeries, la farine est livrée prête à l’emploi, farine servant à réaliser le pain dont le nom « commercial » est donné une fois pour toute, de nord au sud et de l’est à l’ouest de la France. Par exemple : la baguette « tradition », le pain « grand siècle ». La même farine industrielle est utilisée par de très nombreux boulangers. Ceux ci vont en mourrir au bénéfice du point chaud ou de chaînes de boulangeries qui fleurissent un peu partout actuellement. L’artisan boulanger est sur le chemin du cimetière. Les grandes minoteries ont pris la main. Trouver une bonne farine est devenu une chose rare.


    • foufouille foufouille 19 octobre 2016 10:34

      @Perceval
      totalement faux. ton amélioration est imaginaire, sauf pour le haut de gamme qui a fait son apparition.


    • foufouille foufouille 19 octobre 2016 10:40

      @C’est Nabum
      ce que tu reçoit, ce sont des invendus très rassis qui n’ont même pas pu se vendre en sac de dix kilos juste bon pour les animaux.
      ce qui existes depuis peu dans les super, ce sont des pains bio ou de campagne industriel. donc nettement plus mangeable du niveau de la plupart des boulangeries industrielles.


  • Samson Samson 18 octobre 2016 19:29

    Dans le Nord, la tradition est au pain de mie.
    Je ris toujours de l’étonnement du boulanger face à ma naïveté lorsque, durant mes premières vacances dans le sud, je lui ai demandé un « pain français » : « Mais tout nos pains sont français, jeune homme ! » smiley
    Depuis que j’ai renoncé aux saveurs d’une alimentation carnée, ma préférence va au pain bio et complet, en variant les céréales, et qui participe très largement à mon alimentation. Au poids, son prix en Belgique équivaut à celui d’un pain normal en France.
    Mais c’est encore en France que j’ai dans ma jeunesse savouré le meilleur pain que j’aie jamais goûté : un boulanger de Saint-Flour - partie haute - vendait en effet à l’époque d’immenses pains noirs de la taille d’une roue et pesant plusieurs kilos, destinés à se conserver l’hiver dans les fermes isolées. J’en garde encore la nostalgie !


    • C'est Nabum C’est Nabum 18 octobre 2016 20:16

      @Samson

      Je suis l’ami de pain


    • Legestr glaz Ar zen 18 octobre 2016 22:08

      @Samson

      De la même façon, les chalutiers hauturiers (qui partent durant environ 15 jours), en pays bigouden, embarquaient ce que l’on appelait les « pains bateaux », des grands pains ronds, à croûte très épaisse, spécialement préparés pour tenir toute une marée, dans une humidité et un air salin redoutable. Ce pain était un délice. On en trouve aujourd’hui des contrefaçons qui ne rivalisent pas avec l’original.


    • C'est Nabum C’est Nabum 19 octobre 2016 13:21

      @Ar zen

      Un pain qui tient la route prend le bateau


  • zygzornifle zygzornifle 19 octobre 2016 15:18

    Le bon pain c’est celui qui fait péter le lendemain .....


  • Raoul-Henri Raoul-Henri 19 octobre 2016 19:43

    Perso je reconnais le « bon » pain au premier coup d’œil, même de loin ; sûreté venant d’une expérience provinciale et d’une habitude lointaine où la boulangerie portait encore son nom. L’irrégularité du trait et de la forme faisant foi, pour le coup Nabum j’aurais pris une autre illustration, celle-ci ne présentant que des pains industriels.
    Malgré cette critique j’espère que nous resterons co-pains.

    Questions à l’adresse des modos : c’est quand que vous virez les trolls et leurs rejetons ? Compteriez-vous par cet absence de responsabilité faire de ce site un désert ?


    • C'est Nabum C’est Nabum 20 octobre 2016 06:23

      @Raoul-Henri

      Les Trolls ont mangé leur pain blanc

      Ils vont passer au pain noir très bientôt


    • Samson Samson 20 octobre 2016 19:14

      @C’est Nabum
      « Ils vont passer au pain noir très bientôt »
      Ben moi, je préfère le pain noir, mais il est dur à trouver (le vrai) ! smiley


Réagir