Les fonctionnaires, ces privilégiés
Suite à certains articles dirigés contre les fonctionnaires sur Agoravox, j'ai décidé de me pencher sur la question des privilèges qui leur seraient octroyés.
Le "privilège" des retraites
Un premier privilège exorbitant des fonctionnaires serait le montant de leurs retraites. Jugez plutôt : elles sont calculées sur le salaire des 6 derniers mois, contre celui des 25 meilleures années dans le privé, et représentent 75% du salaire, contre 50% dans le privé. Sont aussi fantasmés d'autres avantages, comme par exemple, un âge de départ plus précoce ou la prise en compte des années d'études.
Plusieurs de ces arguments sont totalement fantaisistes. L'âge de la retraite est de 62 ans, dans le public comme dans le privé. Dans les deux systèmes, les gens qui partent actuellement à la retraite doivent avoir cotisé 166 trimestres et l'âge d'annulation de la décote est de 67 ans. La décote ? On en reparlera un peu plus loin.
L'argument des 75% est de mauvaise foi. En effet, dans le secteur privé, les retraites complémentaires représentent un tiers de la pension versée à un ouvrier. Or, ces retraites complémentaires n'existent pas dans la fonction publique. Enlevez un tiers de 75%, il reste 50%, comme dans le privé.
La prise en compte des années d'études ? Cela a existé, par exemple pour ceux qui suivaient les écoles normales d'instituteurs, mais c'est fini depuis longtemps. Il est certes toujours possible de "racheter" les cotisations retraite correspondant aux années d'études, mais cela coûte tellement cher que personne ne le fait, dans le public comme dans le privé.
La décote frappe aussi bien le fonctionnaire que le retraité du privé. Rappelons le principe : pour chaque trimestre de cotisation manquant, on vous enlève 1,25% de votre retraite. Dans le privé, la décote frappe uniquement la retraite de la sécurité sociale (c'est à dire 2/3 de la retraite), mais dans le public, la décote porte sur la totalité.
Tout compte fait, le seul privilège qui reste aux fonctionnaires est de voir leur retraite calculée sur les 6 derniers mois plutôt que sur les 25 meilleures années. Des études ont essayé de chiffrer l'avantage que cela représente, ainsi, sur une pension moyenne de 2.321 euros, les employés du service public gagneraient 179 euros par mois de plus que ce qu’ils toucheraient si les règles du privé leur étaient appliquées. Cela fait 8%. Le "privilège" est donc modeste.
Le "privilège" de la sécurité de l'emploi
La sécurité de l'emploi est sans conteste le grand avantage de la fonction publique. Faut-il parler de "privilège" pour autant ? Avoir un travail ne devrait-il pas être un droit ?
Mais la cause est entendue. Pour les libéraux, les fonctionnaires ont ainsi un privilège. Il faudrait donc le leur faire payer. En baissant leur salaire, par exemple. De combien ? Voyons voir, le taux de chômage est de 10%. Pour rétablir l'équité, il faudrait donc baisser le salaire des fonctionnaires de 10% !
Examinons donc les salaires de la fonction publique : ceux-ci sont calculés à partir d'un "point d'indice". De 1993 à 2017, la valeur de ce point d'indice est passée de 46,81€ à 56,23€. Or, en utilisant le calculateur d'inflation, nous constatons que 46.81€ de 1993 représentaient 66€ de 2017. Pour maintenir le pouvoir d'achat des fonctionnaires, il aurait donc fallu porter le point d'indice à 66€ au lieu de 56.23€. Autrement dit, le salaire réel des fonctionnaires a baissé de près de 15%. La sécurité de l'emploi leur a donc été facturée au prix fort !
Cependant, ce "privilège" existe toujours, alors pourquoi ne pas le faire payer une seconde fois ? C'est bien parti, puisque depuis 2018, le point d'indice est gelé.
Devenez privilégiés !
Les fonctionnaires sont-ils des privilégiés ? Si c'était vraiment le cas, on se bousculerait au portillon pour le devenir. Au contraire, l'État peine à recruter dans certains secteurs, comme l'enseignement qui a vu 1400 postes non pourvus aux concours 2019. Pourquoi cette bonne planque n'attire-t-elle pas tous les fainéants de France et de Navarre ? Et les vacances ? Et les salaires royaux ?
Par ailleurs, que dire des témoignages alarmants qui nous parviennent sur les conditions de travail des hospitaliers ?
Est-ce un hasard si les jeunes se précipitent sur les métiers de commerciaux ou de communiquants plutôt que vers l'enseignement ou les soins ?
Pourquoi attaquer les fonctionnaires ? Pour diviser le peuple, bien sûr !
Crédit photographique : la cocotte en papier est tirée du site Wikimedia , licence Creative Commons, auteur GrandCelinien.