samedi 2 août 2008 - par Illel Kieser ’l Baz

Ordre et barbarie

Depuis peu d’années, on entend beaucoup parler de civilisation : projet de civilisation, choc des civilisations, enjeu de civilisation, etc. Ces annonces reposent sur un présupposé : chacun doit savoir que civilisation s’oppose à barbarie, c’est ce que l’on apprend en classe. La civilisation, s’accompagne du « progrès », entendons par là une évolution technologique pour plus de confort. Mais une éducation purement technique, purement pratique, matérialiste et « mécanique » ne fournit aucune protection contre les illusions des fausses lumières déshumanisantes du « progrès ». Il y manquerait, à coup sûr, cette culture essentielle dont la loi la plus profonde, la plus charnelle serait l’inscription dans la continuité des générations. Nous – les cultures dites démocratiques – avions cru avoir, depuis longtemps quitté les rives de la barbarie. Nous avons voulu imposer nos valeurs et nos illusions à tous les peuples de la planète. La question se pose vraiment de savoir de quelle civilisation nous parlons.

Les différentes rétrospectives dont nous sommes si friands insistent souvent sur ce gain de confort apporté par le progrès et la civilisation : la femme, par exemple, peut désormais être un acteur social en même temps qu’une bonne ménagère et cela se présente comme un formidable « progrès »... double temps, double vie, voilà de quoi satisfaire l’ego écorché du féminin !

La civilisation s’accompagne en outre d’un acolyte étrange : la Démocratie. En même temps que la civilisation, nos évangiles modernes apportent aux nations conquises les admirables bienfaits de la démocratie. Sur ce champ « sécurisé » survient alors maître « Marché », chargé d’offrir aux hommes désormais pacifiés et sortis de leur barbarie d’antan, les « biens matériels » tant nécessaires au bonheur. Mais les lois du Marché ne sont pas celles de la Démocratie, il considère d’ailleurs ces dernières avec mépris car il détient le véritable pouvoir de contrôle.

Barbarie, nous avions cru comprendre, en un temps reculé, qu’il s’agissait d’un stade sauvage de l’humanité, quand rien n’était en ordre et que nos ancêtres, forcément bestiaux s’adonnaient aux pires sévices contre leurs semblables... On entendait par barbarie tout ce qui est indignité pour la condition humaine : esclavage, viol, torture, cannibalisme, etc. Mais une observation même distraite de l’actualité nous montre un monceau d’indignités accumulé à seule fin de répandre les bienfaits de la démocratie. On comprend alors, mais personne ne nous le dit clairement, qu’il existe maintenant une bonne et une mauvaise torture, en somme, il existe un bon et un mauvais mal. C’est un fait extraordinairement nouveau dans l’Histoire et qui scelle l’invasion du monde par le progrès, c’est un phénomène absolument unique pour l’humanité. Ne sommes-nous pas, en effet, la fine fleur de l’humanité, l’accomplissement ultime de tout ce que la nature humaine peut porter d’inventivité et d’élan vers des horizons toujours plus lointains ?

La barbarie de la démocratie serait bonne car elle porte des vertus universelles avec, en salaire, des « dommages collatéraux » qui représentent le sacrifice minimal fait à l’ogre « progrès » !

Pour nous éviter de soudains spasmes schizophrènes, il ne manque pas d’experts – les nouveaux prêtres de l’ordre et du progrès – en tous genres pour expliquer au peuple ignorant, que le mal doit se décliner en d’infinies nuances. Les rationalisations abondent pour dire en quoi notre mal – celui de la civilisation, la nôtre bien entendu – est le meilleur du monde. Ses victimes sont offertes en sacrifice à un Dieu inconnu mais dont on discerne les figures : Démocratie, Marché, Libéralisme, lesquels se subdivisent en une infinité de déités secondaires dont la principale se nomme : « défense des intérêts... » – ceux des territoires porteurs des emblèmes suprêmes de la Démocratie...

Ne croyez-vous pas qu’il nous soit nécessaire, sans penser à mal, de revenir à une lecture de l’évolution des sociétés humaines, juste pour mieux comprendre la parole des experts ?

Les éléments présentés ici reposent sur un modèle anthropologique, celui de la construction des groupes humains du plus petit – la tribu – à de plus vastes ensembles – les civilisations. Il s’agit de reprendre des fondamentaux issus des disciplines diverses des sciences humaines pour tenter d’éclairer un débat contemporain. Cette réflexion est née de la lecture assidue des déclarations d’intentions de nombreux politiques mais aussi d’intellectuels de la société civile. Je suis frappé par le morcellement des propos, leur dilution dans un abîme de détails – pas seulement dans le monde francophone, la tendance mondiale est assez perceptible. Il m’est alors apparu qu’il manquait des composants pourtant bien fixés par l’histoire du genre humain.

Ordre et désordre chaos et cosmos

Toute société a besoin d’ordre pour prospérer. Il ne s’agit pas d’un ordre militaire ou policier, voire administratif mais d’une mise en place de toute chose, de la terre au ciel et sur tous les horizons du territoire. Cet ordre est consenti, il donne sens à tout et, surtout, chaque individu y trouve les moyens de sa dignité et la dimension de son humanité – l’individu perçoit que son existence personnelle et sociale ont un sens cohérent, indissociable et régénérant. C’est à l’intérieur de cette cosmogonie que l’individu peut trouver la liberté d’exercer ses vertus sociales sans aliéner son authenticité. En effet les règles qui définissent la vie à l’intérieur de ce territoire découlent de ce que l’on nomme communément « les universaux ». Ces derniers, points d’ancrage de tout ce qui désigne la vie, laissent prospérer, sous leur orbe, des règles et coutumes locales qui orchestrent la vie communautaire ou sociale.

Cet édifice social, transcendant, qui donne ordre et cohérence au monde se nomme Cosmogonie ou représentation du monde – cela se nomme également par d’autres « projet de civilisation », sans qu’il lui soit d’ailleurs donné le moindre contenu (ce que l’on nomme alors « effet de manche »). Chaque société décline sa cosmogonie selon les aléas de l’environnement mais ces changements ne s’opèrent qu’avec la plus grande solennité car on touche alors aux éléments fondateurs de la structure sociale et personnelle. Ainsi, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du citoyen, en 1789, est devenu un texte sacré de l’histoire de la République française. Elle a été reprise dans les Constitutions françaises de 1793, 1795, 1848 et 1946, sans parler de la Déclaration universelle adoptée par les Nations unies en 1948. Les modifications successivement apportées à cette déclaration furent ponctuées par de vastes débats et discussions qui servirent de repères à l’histoire des pays. Maintenant encore ils servent de référence dans l’évolution des idées.

A contrario, le processus de changement annoncé de la Constitution française par le Président de la République s’annonce-t-il, dès le départ, comme une profanation des fondamentaux de la République Française car il est présenté comme purement fonctionnel et seulement destiné à fluidifier la vie politique dans l’axe des idéaux démocratiques. Or, il s’agit là d’une évidente imposture car on ne peut ainsi banaliser des modifications aux textes fondateurs sans ouvrir un vaste chantier d’information, de formation et de confrontation où les différents étages de la vie sociale et les différents corps de l’État peuvent s’exprimer et apporter leur expertise, la contribution de leur sens civique. Et cette volonté appuyée de changer le texte fondateur est expliquée de manière purement rationnelle, presque mécanique ce qui le dépouille de tout contenu « sacré ».

On nomme « environnement » ce qui est aux alentours du « territoire » défini par la cosmogonie, lequel, dirons-nous, reste intérieur : le territoire, le pays, la Nation, etc. Il est alors évident que l’intrusion au sein du territoire par des éléments « hostiles » ou « étrangers » prend un sens qui dépasse largement les banalisations réductrices que nous servent quelques manipulateurs de pouvoir. On comprend que la charge affectée au perturbateur de l’ordre constelle des charges émotionnelles très puissantes puisqu’elles apparaissent comme destructrices de l’ordre initial. On touche à l’ordre du monde et cela ne peut se traiter avec désinvolture.

Les aménagements de l’ordre du monde interviennent, en général, de manière souple, voire consensuelle. Le consensus, nommé aussi affectio societatis –, dure tant que le groupe concerné – se reconnaît dans ses modes de représentations et des symboles communs. Les changements, mutations ou transformations se font par bonds successifs sans altération de l’ordre et en dialectique entre l’intérieur et l’extérieur du territoire.

Tant que nous sommes dans un cycle de stabilité ou d’expansion, à l’intérieur de cet ordre, l’individu mais aussi la société entière disposent d’une réserve d’autonomie et de création qui permet de faire face aux aléas des cycles de vie et aux situations critiques. Il s’agit en fait d’une réserve d’énergie qui assure à chaque élément du tout – nommés citoyens sous nos régimes démocratiques, ou encore sujets pour le Condominium de la Reine d’Angleterre – ce que nous pourrions nommer liberté. On nomme, ailleurs, libre arbitre cette sensation intérieure d’avoir à disposition une certaine masse d’énergie qui demeure source d’inventivité ou qui nous laisse assez d’espace pour souffler.

L’article 2 de la Déclaration Universelle de 1948, stipule que « les hommes sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité » ; précision qui nous renseigne sur la vision qu’avaient les rédacteurs de la charte : assurer le lien social planétaire par l’équilibre entre conscience individuelle et fraternité. Ce dernier terme associé à la notion d’égalité présuppose l’existence d’une confiance sous-tendant l’ensemble des actes sociaux. Peur et suspicion demeurent à l’écart de ce projet commun. Il n’y est jamais fait référence. La peur est un levier occulte qui rend aisées les manipulations de toutes sortes.

La liberté de conscience, élément essentiel et vital, garantit donc le respect de la diversité et de l’exercice de la différence. Elle est une richesse essentielle à toute société dont elle garantit le potentiel d’inventivité donc d’expansion. (Il faut alors s’entendre sur ce que l’on entend par expansion et à quel prix, ou selon quel idéal celle-ci pourrait s’opérer)

Modèles instinctuels, modèles sociaux

À l’intérieur de ce champ commun, l’individu, dès sa naissance, dispose de différents modèles qui orientent ses choix et sa vie, tant d’un point de vue collectif qu’individuel. Même dans la sphère individuelle, l’aptitude à écouter son instinct peut être judicieusement orientée aux fins d’épanouissement de l’individu et d’enrichissement du collectif. Prenons un exemple très souvent utilisé par les médias et qui servit à un moment de slogan cible à un mouvement contestataire, la « malbouffe ».

Milieu des années 90, un trublion utilise ce mot pour servir de symbole à la perte de nos coutumes culinaires les plus anciennes. José Bové ne savait pas que cet appel serait à l’origine d’une agglutination de mouvements « émergents » ou alternatifs.

L’intuition de J. Bové visait juste car elle révélait la perte des modèles instinctuels primitifs de la société française, l’éducation précoce du goût est un pilier du recours à l’instinct. Il ne se résume pas à un simple apprentissage physiologique. Il véhicule une très riche imagerie que la publicité sait fort bien utiliser quand il s’agit de vanter un produit soi disant du terroir. Les comportements alimentaires, bien que peu à peu repris pars les « experts », règlent partiellement la relation de l’individu au monde : rites festifs, rythme des relations familiales grâce au repas dominical, etc. L’éducation instinctuelle est un pilier essentiel qui doit dépendre non de la parole d’experts, mais des transmissions intergénérationnelles.

Au-delà du modèle instinctuel, l’éducation parentale et sociale élargissent le champ d’épanouissement individuel grâce à la transmission de modèles sociaux et institutionnels. La plupart des domaines de la vie peuvent être « couverts » par ces modèles. Dans ces sociétés, qui tendent à disparaître à grande vitesse, les rites sociaux échappent aux contraintes imposés par des lois et des règles constrictives. Le mariage, la naissance d’un enfant, les rituels de deuils, les fêtes qui rythment la vie sociale, etc. échappent au regard de l’institution mais ils s’inscrivent dans sa cohérence. Ainsi, les consciences individuelles disposent de véritables outils qui leur permettent de jouer en synergie au sein d’une société, dans un équilibre assuré entre épanouissement individuel et contrainte sociale. C’est ce qui permet de disposer d’une grande réserve d’énergie dans une relative sérénité. (Sans aller bien loin, on peut encore observer ce phénomène dans la création de coopératives, très vivantes en Afrique – Pierre Bamony par exemple)

Or, si l’on observe nos sociétés contemporaines, sur tous les continents, rares sont les événements de la vie qui échappent désormais aux règles imposées par l’institution. L’individu, en dehors de quelques rares îlots plus ou moins préservés, ne peut plus échapper à l’impact d’une pression collective qui le transforme lentement en un sujet universel, interchangeable et anonyme. Même son corps est atomisé, coupé en morceaux et objets divers offerts au seul regard des « experts ». Le sujet n’est plus une entité douée de raison, de dignité et de liberté, il est un ensemble de morceaux.

Fluidité sociale, inventivité, mobilité, souplesse

Tant qu’une société garde en réserve ces énergies en deçà d’une ligne où chacun trouve un sens au monde, les capacités d’invention, de création et de renouvellement demeurent intactes. Pour que cette fluidité soit préservée, il convient toujours d’établir un délicat équilibre entre les ressources dont dispose l’individu pour évoluer et les règles sociales acquises conformément aux modèles en vigueur.

Dès que la société, de manière plus ou moins rapide se transforme en « forteresse », le champ social se stérilise, les comportements collectifs se rigidifient, l’opinion publique – que nous pourrions aussi nommer image de la conscience collective – se raidit. Les différences s’abolissent, l’uniformisation introduit un facteur pervers : la méfiance de l’autre devenant étranger car dissemblable. La différence n’est plus perçue comme richesse mais comme facteur de troubles, porteuse d’une part de mystère et d’inconnu qui sort des cadres imposés par les modèles alourdis de règles.

La peur

La peur surgit quand les repères qui servaient de base à la société disparaissent ou se trouvent gravement menacés. Quand un groupe social doit faire face à la nécessité d’une mutation, c’est une confrontation à l’inconnu qui s’impose. Individuellement et collectivement cela se présente comme un saut dans le vide, une confrontation à l’abîme. Ces mutations ne sont pas nécessairement induites par des catastrophes ou des guerres.

La peur, au fur et à mesure de sa progression dans le champ social, induit des comportements aberrants qui franchissent la ligne rouge de l’humanité définie par les fondamentaux – textes, chartes et usages de création originels. Ce sentiment n’est pas aussi pur que peut l’être cette peur que connaît un individu devant un danger parfaitement repéré, il s’agit là plutôt d’un agrégat de sentiments multiples qui peut s’approcher de l’effroi et devenir très puissant – il constelle, en effet, nombre de sentiments, émotions et affects tenus à l’écart par l’ordre antérieur, donc extrêmement dangereux, surtout quand il s’empare d’une foule. La peur née de la confrontation au vide s’apparente plutôt à une panique.

Cette peur viscérale induit souvent des réactions primaires et inopérantes car les décisions qui sont prises visent d’abord à limiter son impact psychique et/ou social. Leur effet est aveugle. Il s’agira de réactions défensives, purement opportunistes prises sans perspectives ni soucis humanistes. Ainsi on aura tendance à multiplier les règles et à rendre les lois plus coercitives ce qui représente l’orientation la plus négative qui soit et qui peut aller jusqu’à la barbarie.

C’est d’abord grâce à une attitude courageuse de prise de conscience que l’on parvient à réduire les effets de la peur. Affronter le problème, de quelque ordre qu’il soit, est le plus approprié. Faire émerger de nouvelles formes sociales, les intégrer à la vie et leur faire face est la seule attitude possible. Alors que la multiplication des règles rend de plus en plus difficile le rôle inventif corrélé à la fluidité sociale. Le déni est la forme la plus efficace de réaction au désordre menaçant. La société se trouve alors incapable d’inventer de nouvelles formes de vie et de comportements ; elle se meurt et, ne trouvant ni sens ni cohérence aux faits sociaux, l’individu s’y ennuie, tendant vers des attitudes de plus en plus conformistes et individualistes... et la conscience collective est minée par l’effroi car elle fuit une réalité en pleine mutation, les élites dominantes inventant autant de rationalisations justifiant la coercition qu’il pourrait y avoir de raisons d’accepter la mutation et d’y faire face.

Champ social figé, cela veut aussi dire qu’au sein même de la tribu primaire – la société globale originelle – les équilibres ne sont plus assurés et les hiérarchies se rendent imperméables. Ainsi se bloque ce que l’on nomme « ascenseur social » et l’on voit apparaître des « dynasties » culturelles, politiques, institutionnelles – système des charges héréditaires de l’Ancien Régime, par exemple, etc. Tel fils de chanteur devient à son tour chanteur ou compositeur, un célèbre homme politique voit son fils accéder aux plus hautes fonctions de l’État... comme si la faculté d’invention ou le dynamisme social devenait génétique, pendant que le peuple, la plèbe, demeure, subissant, aux confins de la part dynamique du champ social. Les écarts se creusent, les catégories sociales médianes, dites classes moyennes, tendant à disparaître cependant qu’une élite semble soudain posséder la faculté héréditaire de transmission des pouvoirs de création, d’invention et de maîtrise du pouvoir. Ces élites, dominant sans partage, vivent alors en quasi endogamie et finissent par prendre leur modèle comme référence, ignorant une réalité vécue par tous les autres – le peuple.

L’histoire nous rapporte que cela a déjà existé dans le passé et plus d’une fois ! L’exemple le plus connu est celui de l’Empire Romain mais il y en eut d’autres moins bien repérés : la civilisation égyptienne, les empires africains du Soudan et du Mali, l’empire Inca, etc. L’histoire nous renseigne aussi sur toutes les étapes et la progression du devenir...

S’agissant de la « décadence » de l’Empire Romain, les historiens l’ont interprété sur le plan démographique, sociologique, militaire, voire religieux, jamais sous l’angle anthropologique d’une interaction entre l’individu, l’environnement, au sens large, et la conscience collective.

Le changement

Tout progrès, même modeste, tout élargissement des attitudes conscientes d’une société se fondent sur une destruction, même partielle, de la totalité précédente et de l’équilibre antérieur. La cosmogonie en place doit être comprise comme un ensemble autorégulateur relativement clos à partir duquel la société peut rayonner. La fluidité sociale s’opère entre des seuils sans jamais atteindre les extrêmes. Elle ne peut exister dans la violence, il faut une phase de stabilité, comme si la société avait besoin de temps et d’espace pour prospérer. Ensemble autorégulateur, cela veut dire que les mécanismes de fonctionnement de la société opèrent en synergie et qu’il n’existe pas de conflit de tendance. La paix et l’harmonie règnent ce qui laisse un sentiment de sécurité toujours propice à l’entreprise individuelle ou collective et à l’invention. Ce n’est pas une paix béate, elle est génératrice d’activités car l’être humain, depuis la nuit des temps, est un être tribal et son sens de la solidarité est le moteur du dynamisme de sa « tribu ». L’inventivité d’une société est bien autre chose que la simple faculté tout à fait matérielle de créer des brevets. C’est d’abord, la faculté d’inventer de nouvelles formes de vie en commun – l’architecture, par exemple, est donc concernée en premier lieu puisque c’est par l’œuvre de l’architecte que nous habitons un site et que nous y faisons prospérer nos activités citoyennes – ; inventer de nouvelles formes de vie en commun c’est aussi créer de nouveaux schémas de régulation sociale : d’une gestion de la vie locale à la participation à la vie politique – la res publica – ; c’est aussi créer ou adapter les outils contemporains de communication pour échanger, communiquer, commercer avec les autres dans un esprit de respect mutuel fondé sur des idéaux fondamentaux, lesquels doivent être au centre de tout « projet de civilisation ». Dans cette perspective, l’échange de biens, donc l’économie, devient un outil de propagation du « projet de civilisation ». Il ne peut, en aucun cas forger ce dernier ou l’adapter à un quelconque dessein étranger à la perpétuation des idéaux fondamentaux.

On ne peut aborder les débats actuels autour des modèles économiques : libéral, néo-libéral, social-libéral voire anticapitaliste, déclinaisons aussi multiples que vaines sans faire entrer en ligne de compte les éléments essentiels qui fondent toute société sans voir que le véritable enjeu est celui des grandes valeurs fondatrices – les grands symboles qui devraient désormais être partagés par tous sur la planète. Quel sens cela peut-il avoir de vouloir propager les "bienfaits" de nos cultures alors que nous n’y croyons plus nous-mêmes ?

Le véritable point focal de nos débats doit s’orienter sur le fond des choses et non, comme c’est le souvent cas, sur des détails, quand nous avons, depuis plus de 30 ans, perdu ce qui fonde le ciment humain... Depuis ces temps, nous avions cru que le bonheur résidait en l’acquisition de biens matériels, que le travail consistait en la production de ceux-ci en échange d’un pouvoir d’achat dont certains doutent désormais qu’il puisse être un but en soi. À quoi bon ? se dit-on de plus en plus, sur une planète qui présente encore par endroits un visage idyllique mais dont les contorsions terribles menacent les paisibles champs de blé d’antan.


Bibliographies et références diverses : sur l’Imaginaire à l’œuvre dans nos sociétés



30 réactions


  • sisyphe sisyphe 2 août 2008 16:07

    Interessante et pertinente analyse, qui semble pourtant laisser en suspens les conclusions à en tirer.
    A suivre .....


  • Kieser 2 août 2008 18:50

    Bonjour et merci,
    Je me doute que l’on attends un peu plus. En fait trois ou quatre articles sont prévus.

    Dans un prochain article j’aborderai la question des modèles régulateurs de l’ordre social antérieur, évolution, disparition, mutation ou effondrement ; e. g. les conditions de l’apparition de phénomènes de « jacqueries » et de dissidences, signes avant coureur d’’autres cultures émergentes.

    Dans le troisième article nous aborderons d’une manière plus particulière les phénomènes générateurs de peur : mondialisation, spéculation sur les matières premières, les bouleversements planétaires... Comment les intégrer à un modèle anthropologique et pourquoi leur existence même signale-t-elle déjà un ordre naissant ?


  • Michèle 2 août 2008 21:01

    Cet article est plutôt destiné à un public spécialisé. Le titre promet et fait espérer des réponses aux deux termes opposés du titre. Or, on a un long exposé très abstrait qui conclut sur des travaux que l’auteur connait mais pas son lecteur. Il n’y a donc pas de réponse évidemment excepté qu’en antrhopologie, spécialité de l’auteur, il n’y a pas de jugement de valeur à attendre. Pourtant c’est ce que l’on aurait pu attendre de l’auteur qui a choisi délibérément ces termes "ordre" et "barbarie" qui ne sont pas du domaine de l’anthropologie .
    Par conséquent bien qu’il ne nous livre pas de réponse claire, on croit comprendre entre les lignes que la leçon à tirer est que rien n’est simple et que le relativisme est de rigueur. Ce qui est je l’avoue très pénible à l’occidentale que je suis. Ainsi, si j’étais par exemple une Somalienne, je serais aussi heureuse, même infibulée et sans aucun droit. Dans ma tribu, je serais heureuse d’être un être inférieur car le système de valeurs et de hiérarchie propre à mon milieu me le ferait appréhender comme normal. Eh bien, je dis : non ! L’injustice, la douleur sont sensibles, même quand la coutume vous assigne un rang de souffre-douleur. Du moins si j’en crois un reportage récent sur la polygamie en France où des africaines parlent de cette coutume vécue au quotidien. La jalousie aigue qu’elles ressentent, la rivalité permanente entretenue et attisée, l’humiliation de leur condition inférieure n’est jamais vécue comme un épanouissement. Leur situation est clairement ressentie comme un asservissement absurde et avilissant auquel elles ne peuvent échapper par crainte de la mort sociale qui s’ensuivrait.
    Non, désolée, mais toutes les cultures ne se valent pas !


  • Kieser 2 août 2008 22:54

    @Michèle
    "Cet article est plutôt destiné à un public spécialisé. Le titre promet et fait espérer des réponses aux deux termes opposés du titre."

    Précisément, il n’y a pas de réponse immédiate. C’est bien l’enjeu réel. Le formatage de la pensée nous conduit à espérer des réponses aux probèmes qui se posent et quand ils se posent. C’est mécanique et c’est si "évident" que chacun y va de sa proposition selon ses préjugés, son milieu, sa vision philosophique, religieuse, morale...
    La mondialisation, les connaissances que nous avons des autres peuples nous contraignent à envisager des moyens de communiquer avec tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, subissent la pression du phénomène mondialisant. Nous ne pouvons prétendre avoir les clefs du problème.

    "Or, on a un long exposé très abstrait qui conclut sur des travaux que l’auteur connait mais pas son lecteur."
    Oui, j’espère les connaître, ce sont les miens.

    "Il n’y a donc pas de réponse évidemment excepté qu’en antrhopologie, spécialité de l’auteur, il n’y a pas de jugement de valeur à attendre. Pourtant c’est ce que l’on aurait pu attendre de l’auteur qui a choisi délibérément ces termes "ordre" et "barbarie" qui ne sont pas du domaine de l’anthropologie ."

    Ha ! À quoi renvoient alors les termes cosmos, cosmologie, cosmogonies... Il s’agit d’un ordre ! Ordre du monde, ordre de ’univers mais aussi de la société.

    Barbarie  : ce terme est intégré à la plupart des réflexions anthropologique sur l’imaginaire, les rumeurs, la thématique de l’étranger et de l’exclusion.
    Est barbare, ce qui nous est étranger. J’aurai l’occasion d’y revenir dans un prochain article.

    "Par conséquent bien qu’il ne nous livre pas de réponse claire, on croit comprendre entre les lignes que la leçon à tirer est que rien n’est simple et que le relativisme est de rigueur. "

    Désolé que vous ayez compris cela. Je n’évoque nulle part le relativisme culturel. J’adhère totalement à votre rejet des pratiques que vous évoquez.
    Cependant il faudra bien un jour se pencher sur cet axiome : notre culture est la meilleure de l’univers historique. Parfait, mais que fait-on des morts qu’elle coûte ? Que fait-on du verrouillage des ressources qui va bientôt déclencher des guerres protectionnistes, à seule fin de défendre des interêts de nations déjà riches ?
    Sûrement, il est plus facile et confortable de vivre quand on est du bon côté de a mitrailleuse. Et je ne défends pas une thèse de repentance ou de culpabilisation d’"Homme Blanc", j’énonce un fait !

    Vous exprimez votre rejet de coutumes "barbares" mais ne pourrions-nous pas nous poser la question de ce que coûte notre confort ?

    Tous les morts ne se valent pas ! Si je comprends bien.

    "Non, désolée, mais toutes les cultures ne se valent pas !"

    Ne soyez pas désolée, en effet, il existe aussi des cultures où la notion de violence est banie, des cultures bien vivantes où la femme est maîtresse en son territoire... (Les Na de chine, par ex.) des cultures où le terme même de jalousie n’est pas encore conçu...

    Se demander pourquoi on en parle peu.

    Ce n’est pas adhérer au relativisme culturel que de dire qu’il faudra un jour, peut-être proche, consentir à poser nos préjugés, consentir à écouter d’autres peuples et se demander, ensemble, ce qu’il est possible de faire pour que certains idéaux humaniste puissent durer.

    On pourrait se dire qu’un tel espoir est utopique mais les soubresauts de la planète soulèveront de telles peurs que la nécessité de ce dialogue se fera vite sentir.
    Ou bien les bêtes blessées – les pays riches – livreront de sanglantes batailles pour sauvegarder leurs interêts, ou bien leurs peuples eux-mêmes s’y refuseront et il faudra bien inventer de nouvelles manières de concevoir le politique.
    Ce ne sont pas nos idéologies contemporaines qui permettront de créer les outils de ces dialogues, des outils d’analyse des doléances des peupls du monde... A moins que l’on espère en l’apparition d’un homme/femme providentiel/le.

    Dernière chose : vous évoquez des reportages vus à la télé ou lus de ci de là. Ne vous êtes-vous pas demandé s’il ne s’agissait pas aussi de la manifestation d’une rumeur qui court... la barbarie des autres. Vous en trouverez toujours.

    Or, il existe dans le monde, y compris dans des pays aussi arriérés que l’Arabie Saoudite, des mouvements de contestation, de renouveau politique, à tous les niveaux mais aussi des comportements séditieux qui pourraient nous étonner par leur inventivité.
    Sur un autre plan, celui de la productivité, j’ai cité l’article de Pierre bamony sur une coopérative de production mais il existe en Afrique, en Amérique du Sud, des initiatives extrêmement intéressantes et qui donnent une autre image des ces continents et qui pourraient nous inspirer.
    Merci de votre commentaire.

     

     


  • ninou ninou 3 août 2008 02:35

    Il m’est d’un grand réconfort de constater que parmi les personnes qui cherchent et réfléchissent sur l’humanité, certains croient encore en l’intelligence de l’homme et trouvent sain de présenter le résultat de leurs travaux sur un média "tout public".
    Il se trouve que toucher l’intelligence du commun des mortels est ressenti comme une perte de temps par bien des spécialistes.
    Au lieu de protester contre le caractère spécialisé de l’article et de demander encore et toujours de la vulgarisation, (ou pire : des solutions !) il conviendrait de saluer l’état d’esprit de l’auteur !
    N’ayons pas peur de lire des textes spécialisés, surtout lorsqu’ils nous concernent ! Il vaut mieux lire moins mais lire avec un cerveau en alerte que de lire de façon compulsive des "infos" itératives et redondantes qui restent à la surface des choses et à l’orée de la pensée (et qui, donc, se satisfont d’un vocabulaire basique et/ou imprécis).

    J’ai eu le même sentiment que Sisyphe, et tout en lisant l’article je me disais que chaque partie pourrait être développée, nuancée, explicitée. J’attends donc avec intérêt les prochains articles de l’auteur (que je félicite au passage tant pour la qualité de son écriture, exempte de toute novlangue, que pour celle du propos).

     


    • Illel Kieser ’l Baz 4 août 2008 12:12

      @ninou 

      Il m’est d’un grand réconfort de constater que parmi les personnes qui cherchent et réfléchissent sur l’humanité, certains croient encore en l’intelligence de l’homme et trouvent sain de présenter le résultat de leurs travaux sur un média "tout public".  

      Dans les années 80, un ami chilien avait montré que bien des nouvelles idées qui apparurent dans ces décennies avaient été envisagées dans les 20 années précédentes au travers des bandes dessinées et dans des fanzines (pas dans des revues savantes). Une société est une matière extrêmement malléable et mobile. Nous n’en connaissons qu’une partie, ce que la conscience collective – modelée par les médias, toutes formes confondues – nous en donne à voir. 


      Il se trouve que toucher l’intelligence du commun des mortels est ressenti comme une perte de temps par bien des spécialistes. 

      Oui, lisez effgé, il exprime clairement son appartenance à ce système élitiste dont il participe : point de vue philosophique ou point de vue « culture générale » – prétendument moins rigoureux, plus vulgaire, etc. Voilà l’indice de l’existence de systèmes internes figés qui établissent des dynasties ou des charges héréditaires. Il dévoile un système de transmission fondé sur l’adoption d’une "méthode" censée seule s’inscrire dans une vérité. (Il est, ici, une représentation naîve d’un système perdu car il n’a plus rien à dire)
      Méthode ici conçue comme ensemble de règles et d’usage destinés à normaliser le flux de la pensée, donc le rendre stérile.
      La méthode est nécessaire si elle assure la continuité de la vie, elle est coercitive si elle stérilise la vie.

      Cette rigidité est un premier signe d’une perte de ce que je nomme « inventivité » collective – une certaine capacité au renouvellement du monde – c’est aussi le signe que des mécanismes protectionnistes se mettent en place pour défendre ces territoires. La fluidité sociale ralentit.

      Mais c’est aussi le signe qu’ailleurs, dans les bas fonds, d’autres formes de cultures se mettent en place. Même au sein de l’univers le plus coercitif qui soit, au pinacle de l’immobilisme, surgissent les formes mêmes du renouveau.

      Or, il existe une constante qui pourrait nous rassurer, si les castes dominantes parviennent à se protéger du marasme environnant, les castes moins protégées se trouvent au cœur de celui-ci et c’est précisément de ce marasme assumé que surgissent ces nouvelles formes de vie.

      Si l’on a réponse à tout, aucune chance de voir venir. On perd le sens de la réalité.

      Si l’on doute, si l’on s’ennuie, si l’on désespère on se tient en éveil...

      L’humanité a su conservé les traces de ces tribulations diverses négligées par les « philosophes » ; les légendes, les mythes, les contes de fées nous racontent comment, surgi du peuple un nabot parvient à épouser la princesse, fille d’un roi comblé mais désespéré. Ces contes, souvent jugés puérils, renferment la sagesse des peuples et nous pouvons passer outre les galimatias savants et érudits. 

      L’intéressant commentaire d’ effgé m’a donné l’idée, donc, de faire une petite incise du côté du merveilleux, des contes de fées ou comment l’humanité n’est pas un grand corps malade mais un ensemble doué de cohérence ou le peuple tient une place importante, voire primordiale. 

      Elles ne sont pas exemptes de dangers et de violences...
      Bien à vous


  • ASINUS 3 août 2008 09:39

    "J’attends donc avec intérêt les prochains articles de l’auteur (que je félicite au passage tant pour la qualité de son écriture, exempte de toute novlangue, que pour celle du propos"



    non spécialiste mais idem , c est ou ça devrait etre la raison d etre d agoravox


  • Radix Radix 3 août 2008 11:50

    Bonjour

    Vous écrivez : "Barbarie, nous avions cru comprendre, en un temps reculé, qu’il s’agissait d’un stade sauvage de l’humanité, quand rien n’était en ordre et que nos ancêtres, forcément bestiaux s’adonnaient aux pires sévices contre leurs semblables...", c’est une bonne définition mais incomplète puisqu’elle ne s’attache qu’aux conséquences de l’utilisation de la force sans frein.

    La démocratie est censée mettre un frein à l’utilisation abusive de la force par certains individus en créant une société policée chargée de faire respecter un minimum de droits individuels.

    Actuellement ce qui autrefois caractérisait la "barbarie" est réprimé, personne ne peut utiliser impunément sa force physique pour imposer à autrui sa façon de voir les choses.

    Mais dans notre société ce ne sont plus les muscles qui permettent de s’imposer mais l’argent !
    Quels sont les freins qui permettent, dans le cadre de la mondialisation de l’économie, de réprimer l’utilisation abusive du pouvoir financier sur l’individu ?

    Il est temps de mettre des plaquettes neuves à ces freins pour ne pas basculer dans une nouvelle barbarie !

    Radix


    • Kieser 3 août 2008 13:45

      @Radix
      Bonjour,
      "La démocratie est censée mettre un frein à l’utilisation abusive de la force par certains individus en créant une société policée chargée de faire respecter un minimum de droits individuels."

      Pas tout à fait, la démocratie a pour finalité de donner au peuple le droit de disposer de lui-même pour son présent et son avenir. C’est le droit qui, ensuite, fixe les limites de l’exercice de la force. Le droit est supposé défendre le plus faible contre le plus fort, permettre au pauvre de disposer des mêmes droits que le riche. Vous comprendrez que nous sommes loin du compte. L’exercice démocratique n’est plus, depuis longtemps qu’une illusion.

       

      Actuellement ce qui autrefois caractérisait la "barbarie" est réprimé, personne ne peut utiliser impunément sa force physique pour imposer à autrui sa façon de voir les choses.

      Je voudrais lever une ambigüité sur le terme "barbarie". Il est vrai que j’entretiens moi-même ce doute. Au sens antique, est barbare ce qui est étranger à nos mœurs, à notre territoire, à nos coutumes, etc. Il existe une typologie assez universelle du barbare et les traits de cet étrange humain sont intéressants à noter.
      La barbarie ne se limite donc pas à l’usage de la force brutale de la bête primitive, elle inclut tout ce qui n’est pas repéré par nos critères moraux d’évaluation de la "bonne conduite". Sous cette forme, la barbarie concerne les mœurs de l’autre. Souvenez-vous du "Bruit et l’odeur" de Jacques Chirac.
      Barbarie évoque donc ici une projection sur la figure de l’autre de ce que nous ne voulons pas assumer, de ce qui nous dérange ou nous fait peur. Nous retrouvons la figure du bouc émissaire, portée actuellement par les Rom en Europe. (Italie, France, Allemagne...)

      La barbarie, sous nos cieux présents, évoque le plus souvent ces mœurs évoquées par Michèle dans son post précédent. Il s’agit d’une régression aux temps les plus sombres de l’humanité – cf. "la guerre du feu". Barbarie a, ici, pour équivalent primitif, c’est donc une régression des comportements sociaux.

      Mais dans notre société ce ne sont plus les muscles qui permettent de s’imposer mais l’argent !

      Oui, à Paris, Berlin Montréal ou New York, mais à Bagdad, (des mercenaires américains tirent sur la foule, tuent 3 enfants et se replient...) croyez-vous que nos politiques s’embarrassent de politesse pour user de la force brute ? Que diriez-vous de Hiroshima et de Nagasaki ?
      On prévoit de bombarder les centrales nucléaires iraniennes, au prix de près de trois millions de personnes irradiées. (Faites une recherche sur Internet, vous obtiendrez assez d’informations pour vous faire un premier avis)
      Bien sûr, « chez nous » nul besoin de torturer, nous sommes déjà abrutis par la masse des règles et l’emprise psychique suffit à nous tenir en respect... Ailleurs, la force prime encore. Il s’établit un équilibre entre nos besoins et ce que la norme exige de soumission. C’est un contrat implicite qui n’a plus rien à voir avec les usages démocratiques.

      Quels sont les freins qui permettent, dans le cadre de la mondialisation de l’économie, de réprimer l’utilisation abusive du pouvoir financier sur l’individu ?

      Les freins ? Quand nous serons touchés, au sein même de nos univers, par les conséquences de la démesure de ce pouvoir. Dans pas longtemps... Il suffirait que New York soit frappé par un cyclone, que Miami soit inondé du fait de la hausse du niveau de la mer. Nous commencerons à nous poser des questions, les vraies.

      Il est temps de mettre des plaquettes neuves à ces freins pour ne pas basculer dans une nouvelle barbarie !

      Nous y sommes déjà... la légalisation, par les USA, de l’usage de la torture pour extorquer des informations est, en soi, une barbarie, un acte régressif. Ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres. Il y en a tant d’autres...

      Merci et bonne journée


  • effgé 3 août 2008 19:16

    Bonjour.
    Votre texte fourmille de références culturelles tous azimuts, de sorte qu’on ne peut douter de l’éruditiion de son auteur. Mais votre propos part un peu dans tous les sens, et on en ressort avec le sentiment désagréable de ne pas avoir saisi votre thèse. Si vous étiez un étudiant de classe préparatoire de grande école (en France), je vous conseillerais volontiers de mieux marquer vos thèse et surtout, avant de rédiger, de construire un plan, afin que votre propos suive une réelle progression vers un argumentaire décisif. Ici, on contraire, on se perd dans les détails sans vraiment savoir où est l’essentiel.

    Votre propos s’intitule "ordre et barbarie". On s’attendrait donc à voir problématisée la question de la compatibilité entre la "civilisation", que vous définissez superficiellement, et un certain désordre Car vous prenez tantôt le mot "civilisation" dans son sans anthropologique, une civilisation étant alors définie par une relative unité de structures, de langue, de moeurs, d’histoire commune, etc...Dans ce cas, il y a "des" civilisations, sans la moindre connotation axiologique. Et puis il y a l’autre définition, plus idéologiquement connotée, définie comme l’ère géo-politique caractérisée par un mouvement historique commun conduisant à un progrès technique et moral grâce au développement de l’industrie et de la culture par exemple. En ce dernier sens en effet, et seulemetn dans ce cas, on oppose péjorativement civilisation et Barbarie. Or, faute sans doute de connaissances ou d’un travail préalable de préparation de votre texte, vous semblez hésiter entre les deux définitions.

    Sur cette question de la barbarie, on a l’impression dans votre texte que vous avez des idées derrière la tête, que vous n’osez pas formuler. On a l’impression que votre message subliminal est : "ceux qui se croient civilisés ne le sont pas tant que ça". ce qui à son tour sons-entend que certains, bien entendu les occidentaux, sont mal placés pour critiquer d’autres cultures. Or, si vous vous intéressez vraiment à cette question de la barbarie, je ne doute pas qu’avant d’écrire vous vous êtes un tant soit peu documenté sur la question, par exemple en lisant le classique livre de Michel Henry, "la barbarie", et sa critique, notamment dans Sylvain Auroux, "barbarie et philosophie". Ces lectures vousmontreraient qu’en fait vous enfoncez beaucoup de portes ouvertes, mais vous manquez l’essentiel, faute d’analyse conceptuelle solide.

    Car, pour ce genre de texte qui pose de redoutables problèmes techniques, on a le choix entre une démarche de type "culture générale" ou de type "philosophique". La différence entre les deux, c’est l’analyse conceptuelle centrale en philosophie, extrêmement limitée en "culture générale" où l’on doit s’en tenir, pour l’essentiel à l’état de la question en utilisant les concepts tel quels, c’est-à-dire tels qu’ils sont ordinairement utilisés dans un contexte culturel donné.

    Or, ici encore vous manquez votre cible. Vu l’absence totale de toute référence philosophique, mais vu par contre le foisonnement de références historiques ou géo-politique, on suppose que votre propos vise avant tout l’état de la question, car on ne voit pas ce qu’il y a de nouveau dans votre propos. Dans ce cas, vous devriez comprendre que lorsqu’on parle de "barbarie", ce n’est plus tellement pour désigner d’autres cultures, mais pour critiquer des pratiques régressives au sein même de la civilisation. C’est par exemple un aspect important de la thèse de Michel Henry. Par extension, on peut désigner comme "barbares" des pratiques qui se maintiennent dans d’autres espaces culturels, mais avec cette très nette différence par rapport à l’éopque coloniale, différence que vous semblez ignorer. Premièrement, les anciens peuples colonisés sont désormais majeurs, indépendants. et surtout, deuxièmement, ils participent déjà à un mouvement historique global de l’humanité qui se caractérise désormais par son unité. en effet, quand par exemple on critique à juste titre des pratique barbares parce que écoeurantes comme l’excision, l’infibulation, le mariage forcé, le crime d’honneur, etc... c’est tout simplement parce qu’on pense que ces peuples qui les pratiquent font désormais en réalité partie de la même civilisation que nous. La preuve ? Ils savent importer et utiliser nos savoirs et nos techniques quand ça les arrange : téléphone, télévision, techniques agricoles, informatique et j’en passe. Il n’y a plus désormais de "cultures" multiples, mais seulement des défférenciations folkloriques qui servent d’alibi pour la mauvaise foi de ceux qui refusent de se réformer. La meilleure preuve est constituée d’ailleurs par ces femmes africaines qui, de l’intérieur, militent contre leurs barbares de mâles. On peut d’ailleurs en dire autant de la sphère musulmane et de ses pratiques d’un autre âge.

    En outre, on peut être agacé par certains de vos raccourcis qui évoquent une argumentation de mauvaise foi. en effet, vous écrivez par exemple :

    "Barbarie, nous avions cru comprendre, en un temps reculé, qu’il s’agissait d’un stade sauvage de l’humanité, quand rien n’était en ordre et que nos ancêtres, forcément bestiaux s’adonnaient aux pires sévices contre leurs semblables... On entendait par barbarie tout ce qui est indignité pour la condition humaine : esclavage, viol, torture, cannibalisme, etc. "
    C’est juste, mais cela date de l’éopque coloniale. Acutellement, on peut toujours désigner, et à juste titre, ces pratiques de "barbares", c’est-à-dire indignes de la civilisation qui, ne l’oublions pas, permet avant tout le libre épanouissement de l’individu, ce que détestent les sociétés archaïques ou médiévo-régressives. Par contre, en effet, tout n’est pas parfait dans "la" civilisation, y compris dans les pays démocratiques. Il y a encore des progrès à faire, mais ce n’est pas en retournant au moyen-âge ou en se pâmant devant des pratiques folkloriques d’un autre âge qu’on y arrivera.
     Vous écrivez ensuite :
    "Mais une observation même distraite de l’actualité nous montre un monceau d’indignités accumulé à seule fin de répandre les bienfaits de la démocratie."
     N’auriez-vous pas le courage de dire clairement à quoi vous pensez ? A l’irak, peut-être ? Vous savez bien que la question est bien plus complexe, et que ceux que vous rangez dans le camps des civilisés hypocrites ne sont pas tous d’accord sur cette question. Il y en a par exemple qui pensent qu’il aurait mieux vallu laisser ces arabes se débrouiller, qu’ils ne osnt pas capables d’accéder à la démocratie et que, par conséquent, pour eux, la dictature de Saddam est préférable... Je ne suis pas certain que vous soyez d’accord avec cet argument.

    Vous poursuivez :
    "On comprend alors, mais personne ne nous le dit clairement, qu’il existe maintenant une bonne et une mauvaise torture, en somme, il existe un bon et un mauvais mal."

    C’est un des effets pervers d’internet que de permettre à n’importe qui d’écrire n’importe quoi, sans faire au préalable l’effort de se documenter, ce qui exigerait un minimum de modestie, voire d’humilité. Car si vous voulez parler de la torture, faites-le, au moins, en connaissance de cause. Les textes sur la question ne manquent pas. Et personne, parmi les défenseurs de la torture, n’a affirmé qu’elle était tantôt bonne, tantôt mauvaise ? Même le général Ossarès n’a rien dit de tel ? Ils ne parlent JAMAIS d’un bien, mais toujours dun "mal nécessaire". Si je lisais une telleânerie dans une copie de mes étudiants, je ne liras pas la suite et je lui mettrais un zéro avec une appréciation sévère. Ce genre d’affirmation est par ailleurs très grave, car elle colporte des idées fausses et malsaines.

    Vous poursuivez :
    "C’est un fait extraordinairement nouveau dans l’Histoire et qui scelle l’invasion du monde par le progrès, c’est un phénomène absolument unique pour l’humanité. Ne sommes-nous pas, en effet, la fine fleur de l’humanité, l’accomplissement ultime de tout ce que la nature humaine peut porter d’inventivité et d’élan vers des horizons toujours plus lointains "

    Là, vous vous "écoutez penser", si je puis me permettre. Car justement, sans doute par ignorance philosophique (avec-vous lu au moins le "projet de paix perpétuelle" de kant ?) vous croyez que la civilisation que nous représentons est un "aboutissement ultime". Or, je vous signale que personne ne dit cela ? Même Fukuyama, dans son livre "la fin de l’hstoire", ne va pas jusqu’à dire que nous avons atteint le ’règne des fins" dont parlait Kant ou la "vie éthique" dont parlait Hegel. Même la thèse la plus radicale sur la fin de l’histoire n’affirme pas qu’il n’y a plus de progrès à faire. Aussi, quand vous croyez dénicher une contradiction dans la "civilisation", vous vous trompez tout simplement de cible. Peut-être également faut-il vous dire que vous écrivez trop vite. Car s’il nous étions "l’accomplissement ultime de tout ce que la nature humaine peut porter d’inventivité", il n’y aurait alors plus de place pour un "élan vers des horizons toujours plus lointains " puisque par définition, on y est déjà ! Quand je pense au nombre d’étudiants qui risquent de copier/coller des phrases comme ça, j’en frémis. S’il y a barbarie, c’est aussi dans la banalisation, sur la toile, de texte médiocres qui font perdre leur temps à beaucoup de gens qui seraient mieux insiprés de passer plus de temps dans les livres que sur internet.

    Je n’insiste pas sur vos approximations à propos de la cosmogonie ou des "universaux".

    Vous écrivez : "Les éléments présentés ici reposent sur un modèle anthropologique, celui de la construction des groupes humains du plus petit – la tribu – à de plus vastes ensembles – les civilisations". Or, on sait depuis Aristote que ce n’est pas la tribu, mais la famille, prise au sens large. Vous vous présentez comme anthropologie, je sui sdonc étonné d’une telle erreur, à moins en l’espèce que ce soit moi qui ici ignore les classifications anthropologiques anglo-saxonnes les plus récentes, qui n’utiliseraient le mot groupe que pour désigner .des "ensembles de familles" ; si tel est le cas, je m’excuse pour cette critique.

    Je suis désolé d’avoir eu la dent un peu dure, mais vraiment je trouve qu’on ne devrait mettre sur internet que des textes sinon achevés du mions assez construits pour pouvoir être lus efficacement. Ce n’est pas le cas du vôtre, car on en sort, encore une fois, avec le sentiment de ne pas avoir compris où vous voulez en venir. Si vous étiez un de mes étudiants, je vous inviterai à un travail méthodologique urgent.

     


    • Illel Kieser ’l Baz 3 août 2008 23:31

      @effgé
      Bonjour, merci d’avoir pris le temps d’une lecture critique et pour ce long commentaire.

      Vous donnez là un excellent exemple de ce que je tiens à illustrer. Dès vos premiers mots, on sait ce qui va advenir, on repère immédiatement le décours de votre pensée et la méthode suggérée, à laquelle, d’ailleurs, vous faites référence quasi d’instinct sans, à aucun moment, vous poser la question de sa validité.

      C’est à peu près ce qui se passe quand on se trouve devant un objet étranger. Étranger à la pensée ce sont les sens et les affects qui sont touchés.
      La pensée peut fort bien avoir envisagé l’existence d’une étrangeté quelconque, ce sont les sens et les émotions qui donnent le tempo. Les personnes qui ont l’habitude de manier les concepts sont, le plus souvent, inconscientes de cet aspect et elles s’en réfèrent immédiatement à leur système de représentation. C’est exactement ce que vous faites, en boucle, pour, peu à peu, ramener le propos à votre compétence : "Si vous étiez un de mes étudiants, je vous inviterai à un travail méthodologique urgent." J’ai eu des profs comme vous, ils m’ennuyaient à mourir tant il leur était impossible de se représenter le monde autrement que de la manière dont leurs certitudes le leur dictaient.
      Et quand ils sont dans une impasse, ils banalisent et réduisent la dimension de l’autre, jusqu’à tenter de toucher la personne : "des idées derrière la tête, que vous n’osez pas formuler", "vous devriez comprendre ", "ou en se pâmant", "N’auriez-vous pas le courage de dire clairement à quoi vous pensez ", ( et surtout) "C’est un des effets pervers d’internet que de permettre à n’importe qui d’écrire n’importe quoi, sans faire au préalable l’effort de se documenter, ce qui exigerait un minimum de modestie, voire d’humilité. Car si vous voulez parler de la torture, faites-le, au moins, en connaissance de cause." "vous vous "écoutez penser"...

      Le "en se pâmant" est tout à fait intéressant car il évoque l’hystérique, le débordement émotionnel, la mainfestation des affects, toutes ces choses qu’il est malséant de manifester et que l’on attribue au genre féminin. C’est justement une des dimensions qui manque à notre "civilisation" : le féminin, depuis environ 16 siècles, après un court passage de 4 siècles au début de notre ère.


      Vous ne repérez pas vos petits cailloux et, de fait, le propos est invalidé. Belle démonstration donc d’une forme d’ethnocentrisme de la méthode.

      Au plan collectif, un groupe fera exactement de même, c’est ce qui est fascinant !
      Ce faisant, je ne vais donc pas vous répondre sur le fond car il n’y en a pas dans votre texte mais sur quelques points de détails qui sont, à mon sens très intéressants.

      Sur la forme de votre commentaire : on comprend très vite le ton professoral, donneur de leçon. J’ai évité dans mon texte de faire référence à l’arrogance de quelque culture que ce soit. Vous servez d’exemple probant. Vous êtes si nombreux !
      J’ai vraiment savouré votre commentaire, tant il est forgé d’habitudes et de certitudes.

      La progression de votre propos suit une ligne parfaitement repérable dans cette culture qui est la nôtre et qui se fonde sur une dialectique de rapport de force et de domination... amener l’autre sur son terrain pour le démonter, c’est une technique de guerrier. Je pratique la palabre...

      Par la forme, votre intervention présente un exemple probant de la négation d’un autre qui serait hors propos, "hors ban", "forban", autre déclinaison de barbare ou d’étranger ( si l’on se place au plan d’une cosmogonie et d’un territoire. Ici, votre cosmogonie est fondée sur l’héritage classique et votre territoire c’est la méthode, vous vous y accrochez). Si j’étais un de vos étudiants, je serais immédiatement infantilisé, réduit à devoir me justifier. Ailleurs, dans d’autres lieux, on demande à lambda de présenter ses papiers. Votre attitude est analogue à celle du représentant de la loi, qui fort de son image peut accomplir un acte qui pourrait ne pas être éthiquement fondé mais qui sera justifié car sous-tendu par une norme et un implicite que l’on pourrait nommer paradigme. C’est ainsi que les maîtres de torture peuvent affirmer qu’ils étaient obligés d’appliquer ce mal, au nom de la raison d’état.
      (Référence à Ossarès, précisément, j’ai vécu ce temps, 8 ans de ma vie, j’en sais quelque chose, cher professeur !) Affirmer qu’il y a un mal nécessaire, pour servir les vertus du progrès de surcroît est un déni de civilisation. C’est un déni du mal et l’histoire a assez montré que rien n’est plus contagieux que ce premier contact au Mal. Sinon, on passe du domaine politique ou philosophique au sacré et on érige nos valeurs au rang de dogme, cependant que les apostats ou que les "infidèles" méritent l’épée. Il existe des cultures qui dévorent leur progéniture... Et si notre culture en faisait partie ?

      Sur le fond, je viens d’aborder un des éléments autour duquel je tourne, précisément depuis environ 45 ans, la banalisation du Mal (Hannah Arendt). Si vous le permettez je vous donnerez quelques références qui sont déjà dans la bibliographie que je donne en fin d’article mais c’est un peu long, Bernard Tesseydre (Naissance du Diable et ss), Norman Cohn (Cosmos, chaos et le monde qui vient), Robert Lenoble,(Histoire de l’idée de nature), Pierre Hadot (Le voile d’Isis)...

      Il y a beaucoup à dire si l’on lit attentivement vos propos... Juste quelques remarques :
      "Car, pour ce genre de texte qui pose de redoutables problèmes techniques, on a le choix entre une démarche de type "culture générale" ou de type "philosophique". La différence entre les deux, c’est l’analyse conceptuelle centrale en philosophie, extrêmement limitée en "culture générale""
      Vous faites très fort !

      C’est bien ce qui vous agace, je me place du point de vue d’une culture populaire "type "culture générale"" pas du dedans d’une caste de clercs qui aurait le privilège de se transmettre les mêmes concepts depuis 3000 ans environ. Et j’ose ne pas suivre vos arcanes ! Voilà la forfanterie !
      Votre méthodologie est sûrement efficiente – quoique vos pseudo philosophes contemporains triturent les mêmes concepts sans en inventer – mais elle n’est pas unique, c’est aussi ce que la publication d’un tel article vous dit. Il se pourrait qu’une culture populaire émerge dont le contrôle échapperait aux clercs. C’est d’ailleurs le propos de l’article qui suivra (pour peu qu’il soit accepté)

      Vous confondez la répétition de la philosophie ou sa lecture avec la Philosophie. Relisez Karl Jaspers !

      Vous n’avez de l’anthropologie qu’une vision assez restreinte, à peu près équivalente à celle de H. Guaino.
      Vos références à Michel Henry datent un peu, et son assujettissement – pour ou contre – au freudisme vire à l’archaïsme.

      C’est à peu près tout, je vous remercie de votre commentaire et il m’a donné une idée que j’exploiterai dans le prochain article, à propos de méthode...
      Bien à vous


    • Coquille 4 août 2008 15:09

       A effgé et Kieser,

      Merci à vous pour ces deux commentaires que j’ai trouvé très instructifs... et assez savoureux, aussi oui !

      Je relève pour ma part un passage qui, me semble-t-il, laisse filtrer le fond de votre pensée d’érudit, effgé. Je le cite in extenso :

      Dans ce cas, vous devirez comprendre que lorsqu’on parle de « barbarie », ce n’est plus tellement pour désigner d’autres culture, mais pour critiquer des pratiques régressives au sein même de la civilisation. C’est par exemple un aspect important de la thèse de Michel Henry. Par extension, on peut désigner comme "barbares" des pratiques qui se maintiennent dans d’autres espaces culturels, mais avec cette très nette différence par rapport à l’éopque coloniale, différence que vous semblez ignorer. Premièrement, les anciens peuples colonisés sont désormais majeurs, indépendants. et surtout, deuxièmement, ils participent déjà à un mouvement historique global de l’humanité qui se caractérise désormais par son unité. en effet, quand par exemple on critique à juste titre des pratique barbares parce que écoeurantes comme l’excision, l’infibulation, le mariage forcé, le crime d’honneur, etc... c’est tout simplement parce qu’on pense que ces peuples qui les pratiquent font désormais en réalité partie de la même civilisation que nous. La preuve ? Ils savent importer et utiliser nos savoirs et nos techniques quand ça les arrange : téléphone, télévision, techniques agricoles, informatique et j’en passe. Il n’y a plus désormais de "cultures" multiples, mais seulement des défférenciations folkloriques qui servent d’alibi pour la mauvaise foi de ceux qui refusent de se réformer. La meilleure preuve est constituée d’ailleurs par ces femmes africaines qui, de l’intérieur, militent contre leurs barbares de mâles. On peut d’ailleurs en dire autant de la sphère musulmane et de ses pratiques d’un autre âge.
       
      Vous ignorez superbement les pratiques barbares qui se perpètrent à l’intérieur de nos sociétés "modèles de civilisation" pour vous concentrer sur celles ayant cours ailleurs. Pratiques au sujet desquelles vous indiquez pourtant en préambule que nous - porteurs de la civilisation - les qualifions ainsi « par extension des pratiques régressives au sein même de la civilisation ».

      Je m’interroge :

      Est-ce un choix délibéré que de vous abstenir d’énoncer nos barbaries pour ne dénoncer que celles des autres... ou cela vous vient-il si naturellement que vous ne le relevez même pas ?

      Peut-être êtes-vous tout simplement incapable de voir de la barbarie parmi ceux que vous n’auriez pas au préalable exclus du champ de la civilisation - ou tout au moins relégués à un niveau d’infériorité en les jugeant arriérés - sur la base de motifs primaires et étrangers à la morale, court-circuitant ainsi votre chère analyse conceptuelle. 
      Il serait facile de prétendre ensuite que vos jugements de valeurs relatifs à ces « autres espaces culturels » se fondent sur les pratiques que vous dénoncez, à juste titre. Mais pourquoi alors rester aveugle à nos pratiques barbares ou choisir de les taire ? Notre barbarie serait-elle moins mauvaise ? On y revient...

       


    • Illel Kieser ’l Baz 10 août 2008 11:55

      Bonjour Fabrice Gueho,
      je vois que vous avez publié un article sur le multiculturalisme et les thèses que vous y exposez sont très intéressantes à décortiquer.
      J’ai voté pour votre article afin que nous ayons sous les yeux ce, précisément, qui se trouve aux sources de l’hégémonisme de la Conscience Blanche.
      Votre article est un modèle du genre.
      A très bientôt donc.


  • ACTARIUS 3 août 2008 20:53

    D’autant plus que nous ne sommes pas les seuls !
    www.worldometers.info/fr/


  • Coquille 3 août 2008 21:12

    Bonsoir,

    Je suis un peu surprise de la rareté des commentaires et la teneur de la plupart. (Je n’ai pas encore pris le temps de lire en détail les critiques du "professeur" émises pendant que je formulais les commentaires qui suivent) 

    N’y a-t-il vraiment rien à interroger, débattre, commenter à la lecture d’un article proposant une base de réflexion sur le sens que nous donnons -ou ne donnons pas- à notre "civilisation", son influence et son avenir ? 
    C’est sûr, cela demande plus d’efforts que de donner son avis sur le pactole touché par B. Tapis. Sans doute est-ce alors plus commode de passer son chemin en s’estimant trop profane pour comprendre. Ou encore se réfugier derrière ce caractère soi-disant spécialisé du discours pour en attendre une suite émanant de "celui qui sait". Mais quelle suite ? Des conclusions et réponses arrêtées aux questions soulevées... dont l’auteur précise qu’elles ne sauraient venir aussi immédiatement et simplement ?
    Le propos s’articule selon un modèle anthropologique. Comme précisé, oui. Dans le Petit Robert, je lis : Anthropologie : Ensemble des sciences qui étudient l’homme. Et nous sommes des Hommes, non ?
    L’article ne fait pas référence à la pensée de quantité de savants qu’il conviendrait d’avoir lu pour le comprendre. Est-il nécessaire d’être anthropologue pour s’interroger et s’exprimer sur :
    La barbarie de la démocratie serait bonne car elle porte des vertus universelles avec, en salaire, des « dommages collatéraux » qui représentent le sacrifice minimal fait à l’ogre « progrès » !  
    ou :
    [La liberté de conscience] est une richesse essentielle à toute société dont elle garantit le potentiel d’inventivité donc d’expansion. (Il faut alors s’entendre sur ce que l’on entend par expansion et à quel prix, ou selon quel idéal celle-ci pourrait s’opérer)
    ou encore :
    Quel sens cela peut-il avoir de vouloir propager les "bienfaits" de nos cultures alors que nous n’y croyons plus nous-mêmes ?
     ?
    A croire, Kieser, que parler de projet de civilisation ne peut faire de vous qu’un de ces "experts" assénant son prêche de spécialiste au peuple trop ignorant pour réfléchir sur l’humanité...

    Mon ton vindicatif n’est pas personnellement adressé aux intervenants sur cette page. Il est le reflet de mon inquiétude à la vue de ce phénomène tout à fait alarmant : l’absence de réflexion publique sur l’essentiel, le sentiment qu’il faille être "expert" pour s’octroyer le droit d’en débattre, notre propension à nous désengager de telles questions, que nous les jugions vaines, utopistes ou trop vastes pour être abordées.
    Il apparait que nous -moi la première- nous trouvons complètement désamparés quand mis face à autre chose qu’un détail de l’actualité, l’analyse d’un fait de société circonscrit, un débat de type pour ou contre une décision/loi/action déjà donnée, les réponses d’un autre aux questions que lui-même fait émerger... en un mot, tout ce qui fait appel à notre sens critique portant sur l’existant.
    C’est justement -entre autres- de cet étiolement voire paralysie de notre inventivité dont il est ici question...


  • Coquille 3 août 2008 21:13

    " J’ai eu le même sentiment que Sisyphe, et tout en lisant l’article je me disais que chaque partie pourrait être développée, nuancée, explicitée "
    ... questionnée, débattue, présentée sous un autre angle, etc..
    Et bien, allons !

    Tentative :
    Que penser de la volonté d’expansion que nous donnons à notre modèle de société ?
    Supposons que nous parvenions à envisager des décisions et attitudes autres que celles dictées par les lois du marché. Supposons que la prise de conscience de chacun amène la conscience collective à privilégier la réduction des inégalités et le respect de la dignité humaine sur les intérêts financiers de chaque entité au détriment des autres (individu, classe, entreprise, pays, groupement de pays). Utopique ? Naïf ? Dangereusement irréaliste ?
    Ne trouvez-vous pas, à l’inverse, absurde de considérer que désormais, l’Homme est avant tout soumis au pouvoir d’un système qui l’aurait dépassé... alors même que ce système est une création strictement humaine ? Moi si ! Comme si le Marché était inéluctablement devenu un cadre de vie intouchable, qui évoluerait tout seul au gré des mouvements imposés par un Profit entendu comme une loi naturelle, sur laquelle nous n’aurions pas plus de pouvoir que sur le cours du temps. 
    Supposons donc que, nous occidentaux, décidions de reprendre la main sur notre propre organisation collective -imposée au reste du monde- en nous rappelant qu’un projet de civilisation peut (est censé ?) se fonder sur ce que nous entendons comme des idéaux humanistes. 
    Pouvons-nous nous contenter d’en débattre entre nous ? Je ne pense pas. Car alors, que faire vis à vis du reste du monde quand nous serions un peu fixés ? Imposer encore notre vision de l’ordre à l’humanité entière en ne lui laissant que le choix de s’y conformer ou crever de faim ou sous les bombes, comme c’est le cas aujourd’hui ?
    Ne devons-nous pas plutôt accepter que le "barbare" y prenne part ? C’est mon avis, mais je me demande : Sommes-nous prêts à reconnaître que nous n’avons aucune légitimité à nous poser en maîtres éclairés ? Pouvons-nous consentir à nous intéresser à ce qui sort de notre cadre de plus en plus rigide ? A faire l’effort de traquer les préjugés qui nous poussent à regarder de haut, exclure ou craindre l’étranger, qu’il soit sdf, rom, sans papier, immigré, musulman, chinois... ou encore noir, arabe, racaille ou de toute autre catégorie que nous posons afin de définir des classes d’individus sur lesquels projeter nos peurs, faiblesses ou archaismes ? Ne pourrions-nous pas ouvrir les yeux sur notre barbarie et assumer nos responsabilités collectives dans les monstruosités commises dans et par nos sociétés... plutôt que de toujours chercher un bouc émissaire pour nous éviter les remises en question inconfortables ?

    Pensez-vous sérieusement que nous soyons en train d’envisager ces questions en 2008 ?
    Pas besoin d’aller chercher bien loin pour se convaincre du contraire. Cette semaine sur Agoravox :
    Le discours de Dakar n’est pas raciste. L’idéologie de Guaino ne relève pas du mépris le plus abject, elle est paternaliste. Tout le monde ou presque remercie l’auteur pour son éclairage : http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=42638
    Pendant ce temps, Adidas ne peut plus se payer la main d’oeuvre des chinois. 138 réactions en 2 jours :
    http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=42823
    Pour l’occasion de ce commentaire, je parcours le débat qui suit.
    Et comme l’auteur, j’ai ce sentiment d’un hors sujet. Faut bien nous occuper...

    Autre exemple et non des moindres : nous apprenons cette semaine en France que l’ancien procureur V. Bugliosi veut convaincre la justice américaine de poursuivre G. W Bush pour meurtre de "premier degré" (= avec préméditation, c’est à dire asssassinat) de 4000 soldats américains. Je rappelle l’argumentaire : 
    Il existe des preuves "au delà du doute raisonnable" que G. W Bush a sciemment menti au peuple et au congrés américain sur les raisons de la nécessité d’attaquer et d’envahir l’Irak en affirmant que le régime de Saddam Hussein représentait une menace imminente à la sécurité des Etats-Unis. (Ah bon ? J’étais pas au courant...). De sorte que Bush a envoyé, de son propre chef et non pour des raisons d’état démocratiquement débattues au congrés comme il se doit selon la constitution, 4000 soldats américains à la mort
    V. Bugliosi " n’oublie pas les quelques 100 000 innocents irakiens morts de façon atrocement violente dans le conflit " dont Bush serait aussi responsable, selon les preuves fondant l’accusation portée. Mais l’on comprend, sans qu’il ne le dise, que ces faits ne saurait relever de la justice américaine. 
    http://www.agoravox.tv/article.php3?id_article=20666
    Soit. Après avoir écouté attentivement les déclarations de l’avocat, son réquisitoire me semble fondé. Mais là pour le coup, je sais très peu de chose du droit états-unien, qui est affaire de juristes. Admettons donc que du strict point de vue pénal, il puisse avoir raison... et prenons un peu de recul.
    Si je ne m’abuse, l’accusation repose sur l’idée que la guerre en Irak n’en est pas une. Puisqu’elle serait le résultat de la décision d’un seul, pour des motifs sinon contraires aux idéaux démocratiques de son pays, tout au moins non soumis à l’appréciation des organes institutionnels invoqués. Dans ce cas, pourquoi ne pas trainer Bush devant le tribunal pénal international pour crime contre l’humanité ? (C’est peut-être l’étape suivante me direz-vous... ). Mais surtout, peut-on considérer qu’un seul homme, aussi puissant soit-il, soit responsable d’un conflit et d’une occupation qui durent depuis maintenant plus de 5 ans ? Si oui, c’est bien la preuve que les pays engagés dans le conflit ne sont pas démocratiques. Si non, que pensez de cette accusation, sinon qu’elle décharge de toute responsabilité toute les nations en question, mais aussi toutes celles qui ne se sont pas donnés les moyens diplomatiques de s’y oppposer fermement ? Ses moyens n’existent pas ou plus ? Comment nous prétendre porteurs d’un ordre mondial civilisé alors ? Personne d’autre que G.W Bush et 3 ou 4 éventuels complices du pentagone n’a quoi que ce soit avoir avec la guerre en Irak ? Sans me prendre pour Jacques Verges, ça me semble relever de la folie collective... Enfin, ce n’est que mon avis, à chaud.


    Je suis déprimée d’entendre si souvent autour de moi que toutes les questions posées plus haut relèvent -passez-moi l’expression- de la branlette intellectuelle de gauchos ou de nantis qui ont le loisir de le faire parce qu’ils en ont le temps et les moyens. Qu’il est vain et même indécent de se les poser, en regard de la misère du monde. Ou encore que c’est être naïvement optimiste que de s’en inquiéter, étant donnée la nature fondamentalement bestiale et égoïste de l’homme. 
    Personnellement, je crois être assez pessimiste quant à l’avenir proche du monde. Et ? Le pessimisme est-il une raison suffisante à l’abrutissement consenti ? Je ne pense pas. Vous si ?


    • Illel Kieser ’l Baz 5 août 2008 09:04

      @coquille

      « Je suis déprimée d’entendre si souvent autour de moi que toutes les questions posées plus haut relèvent -passez-moi l’expression- de la branlette intellectuelle de gauchos ou de nantis qui ont le loisir de le faire parce qu’ils en ont le temps et les moyens. Qu’il est vain et même indécent de se les poser, en regard de la misère du monde. Ou encore que c’est être naïvement optimiste que de s’en inquiéter, étant donnée la nature fondamentalement bestiale et égoïste de l’homme. »

      Vous êtes une adepte de la « la branlette intellectuelle de gauchos ou de nantis » parce que vous avez les outils pour l’exprimer, l’écrire, le crier. Mais vous n’êtes pas seule. Parlez avec l’hôtesse de caisse dans une grande surface et abordez ces questions avec les mots de tous les jours, vous serez sensible à ses propos, très proches des vôtres.

      Écoutez-la et vous verrez que ses idées ne sont pas si éloignées des vôtres.

      Un des obstacles que l’on rencontre en période de mutation est celui de la circulation des idées car si les agents de fluidité sociale disparaissent au profit d’une forme d’auto préservation de la société, l’information circule mal. Le « medium » classique est verrouillé par des « clubs » et l’on a l’impression que rien ne bouge. C’est partiellement vrai car il se crée automatiquement des média « alternatifs » et une culture parallèle, voire plusieurs. Cela serpente durant un temps plus ou moins long et finit par surgir. (comme dans les phénomènes de mode)

       

      Dans la période que nous vivons, on a assez remarqué que les phénomènes de sédition traversent tous les clivages (droite/gauche, par exemple) qui n’ont plus aucun sens. S’y référer répond à un besoin d’ordre, pour bien fixer les idées et éviter une forme de panique mais c’est un leurre.

       

      Les questions que vous vous posez, d’autres, plus silencieux, se les posent et c’est pourquoi il faut parler, écrire, transmettre, reprendre, chacun à son compte, la faculté d’informer et de transmettre les savoirs différents.

       

      Bonne continuation

       


    • Coquille 8 août 2008 13:15

      Merci pour votre réponse.

      "Vous êtes une adepte de la « la branlette intellectuelle de gauchos ou de nantis » parce que vous avez les outils pour l’exprimer, l’écrire, le crier. Mais vous n’êtes pas seule. Parlez avec l’hôtesse de caisse dans une grande surface et abordez ces questions avec les mots de tous les jours, vous serez sensible à ses propos, très proches des vôtres.
      Écoutez-la et vous verrez que ses idées ne sont pas si éloignées des vôtres."

      Vrai ! C’est arrivé d’ailleurs. Et ma suprise m’en a dit long sur mes préjugés.

      .



  • rocla (haddock) rocla (haddock) 3 août 2008 21:37

    La seule différence entre un optimiste et un pessimiste , c ’est que le premier est un imbécile heureux et que le second est un imbécile triste .

    Georges Bernanos .


  • neoarchean 5 août 2008 17:41

    > "chacun doit savoir que civilisation s’oppose à barbarie, c’est ce que l’on apprend en classe"
    Certes mais comme il y a plusieurs compréhensions possibles du terme civilisation et du terme barbarie (d’ailleurs il y a même des civilisations barbares), tout ça n’est pas très clair.

    Ce dont on pourrait parler est de société, en aprticulier la notre, dont on sent bien dans votre dernier paragraphe que vous souhaitez questionner ses buts. Peut-être à ce moment là faudrat-il plutôt essayer de rechercher quels sont les buts d’une civilisation. Est-ce que les buts d’une civilisations doivent être édictés par une assemblée représentative ? par une assemblée de sages ayant percé les secrets du bonheur ? ou simplement par l’addition des buts de chacun des individus qui la composent ?

    "Le but de la civilisation, c’est la culture et le luxe. Une fois ce but atteint, la civilisation se gâte et décline, suivant en cela l’exemple des êtres vivants." Ibn Khaldun


    • Illel Kieser ’l Baz 7 août 2008 09:38

      Bonjour,
      la référence à Ibn Khaldun est intéressante car, comme ancêtre des historiens – africain de surcroît –, il est le premier à s’être intéressé aux cycles de civilisation.

      Civilisation est à prendre au sens commun à lire dans tout dictionnaire.
      Quant à barbarie, on peut l’entendre au sens grec du terme, i.e. tout ce qui est étranger à une civilisation spécifique. Dans ce sens il n’y a pas de civilisation barbare mais une représentation de chacune, différente selon que l’on appartient au dedans ou au dehors du territoire de chacune.
      La question se déplace fatalement de barbarie à étranger/étrange/différent. C’est une relation dialiectique – réciproque – qui s’établit entre le dedans et le dehors du territoire occupé par une civilisation. Quand on pose la question de la mondialisation, la question est de savoir où se déplace la notion de territoire et d’espace intérieur. Car où chercher l’ennemi ? Est-il dedans, est-il dehors ? Ce phénomène fut patent lors de l’effondrement de la RSS. Sudain, l’ennemi n’existait plue à l’Est, on inventa alors l’ennemi barbu. Ce fut le "chocs des civilisations". Mais, depuis, tout cela semble se différencier et se compliquer.
      Bien à vous


  • Illel Kieser ’l Baz 7 août 2008 16:00

    Sur Betapolitique, un article juridique sur la définition d’un "acte de barbarie".

    Par la torture, on visera les actes qui cherchent la souffrance et l’atteinte à la dignité. Par la barbarie, on punira les actes qui paraissent contraires à toute notion de culture ou de civilisation. L’une des définitions qui s’est imposée est celle d’un auteur de droit pénal, André Vitu, en 1992 : « L’acte de barbarie est celui par lequel le coupable extériorise une cruauté, une sauvagerie, une perversité qui soulève une horreur et une réprobation générale ».

    On peut encore citer un arrêt de la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Lyon du 19 janvier 1996 « Le crime d’acte de barbarie suppose la démonstration d’un élément matériel consistant dans la commission d’un ou plusieurs actes d’une gravité exceptionnelle qui dépasse de simples violences et occasionne à la victime une douleur ou une souffrance aigue et d’un élément moral consistant dans la volonté de nier en la victime la dignité de la personne humaine ».

    On peut encore citer un arrêt de la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Lyon du 19 janvier 1996 « Le crime d’acte de barbarie suppose la démonstration d’un élément matériel consistant dans la commission d’un ou plusieurs actes d’une gravité exceptionnelle qui dépasse de simples violences et occasionne à la victime une douleur ou une souffrance aigue et d’un élément moral consistant dans la volonté de nier en la victime la dignité de la personne humaine ».

    Ces définitions juridiques nous indiquent que les législateurs successifs avaient pris conscience de la nécessité de porter ce type de crime au rang des délits graves.

    C’est une première approche du crime de barbarie qui peut être rapportée au plan collectif.
    De plus "la volonté de nier en la victime la dignité de la personne humaine " est importante à retenir.


  • Iren-Nao 8 août 2008 05:40

    @ l’auteur

    Monsieur Merci, je me suis regale a vous lire, et d’ailleurs je vais relire...et faire suivre.

    Cependant, il faut bien que je la ramene un peu, vous ecrivez :

    "les grands symboles qui devraient désormais être partagés par tous sur la planète. "

    pourquoi donc ces grands symboles devraient ils etre partages par tous alors justement que la Cosmogonie n’est pas la meme pour tous.

    L’histoire de la planete village est une grosse blague pour ceux qui n’ont pas mis les pied dehors, et ce n’est pas internet qui y change quoi que ce soit, il y a des tas d’endroits ou personne ne s’apercevra que quelqu’un a coupe l’electricite, heureusement d’ailleurs.

    Quant a la mondialisation, (anciennement new world order de Bush pere) je crois qu’il n’est meme plus la peine d’en parler, il apparait partout un reflexe que sans doute vous saurez expliquer, de replis sur des tailles de territoire plus identifiables, moins virtuels, gerables, et aussi de refus conscient devant cette obscenite.

    J’attend vos futures productions avec grand interet.

    Merci encore

    Iren Nao
    anthropologue de comptoir


    • Illel Kieser ’l Baz 8 août 2008 07:12

      @ Iren-Nao

      « Cependant, il faut bien que je la ramene un peu  », vous êtes là pour ça et c’est bien plus intéressant.

       

      « Quant a la mondialisation [...] » Je ne parle pas de la tendance impérialiste des USA mais de ce mouvement planétaire qui pousse les populations du monde à migrer vers les villes – entre autre mais pas seulement. Le phénomène d’urbanisation s’est amplifié dès les années 70. Des villes qui étaient de simples bourgades rurales sont devenues en quelques décennies des villes immenses où se côtoient les grands centres modernes et les bidonvilles où s’entassent les populations migrantes. Rio est une des grandes villes où ce phénomène a commencé très tôt.
      Que vous soyez à Lima, Bogota, Istanbul ou Dakar, aucun habitant de la planète ne se sent totalement perdu car les repères sont partout les mêmes. La migration urbaine tend à créer une sorte de citoyen standard qui se greffe, pourrait-on dire, par-dessus l’être qui appartenait à une tribu de Peuls, ou de Na... La succession des cosmogonies n’est pas impossible, elle révèle la longue lignées des ancêtres qui ont transmis leur expérience et leur savoir faire. Ce dont chaque être humain a le plus besoin. Si, en Europe le phénomène d’urbanisation s’est progressivement amplifié, dans d’autres pays, il s’est produit en moins d’une génération et le gamin qui naît dans une banlieue ou un bidonville ignore tout de ce que ses parents ont vécu dans leur enfance. Ce phénomène d’acculturation est redoutable car il s’accompagne d’une rupture intergénérationnelle tout autant que d’une errance car, justement, il n’y a rien qui serve de repère à la vie urbaine sinon les instincts les plus élémentaires : sauver sa peau, manger, dormir.
      Cette acculturation a des conséquences individuelles et collectives redoutables.

      Donc
      « "les grands symboles qui devraient désormais être partagés par tous sur la planète. " » pourraient être unificateurs et servir de base à cette tranche d’humanité. Ce ne sont pas les symboles de la démocratie qui vont « parler » à l’oreille des nouveaux migrants. Nous savons nous-mêmes qu’ils ne sont plus que les vestiges d’un temps d’utopie bafoués qu’ils sont par ceux-là même qui seraient chargé de les faire respecter. Nous avons déjà beaucoup de travail chez nous...

      La nécessité de cette humanisation s’imposera de toute façon et ce ne sont pas les élites qui dicteront les futurs cahiers de doléances.

      « il y a des tas d’endroits ou personne ne s’apercevra que quelqu’un a coupe l’electricite, heureusement d’ailleurs. » oui, un peu comme pour les dauphins, dans les grands parcs naturels... c’est bon pour le tourisme. Pas un endroit sur la planète n’échappe à la ponction du mouvement actuel. Que l’on fasse le maximum pour que les peuples (devenus rares) qui n’ont pas été touchés par la mondialisation ethnique (des moeurs) gardent leurs traditions est une chose très différente. Ailleurs c’est, à l’horizon 2020, 90% de la population mondiale qui vivront dans les villes.

       

      « [...] il apparait partout un reflexe que sans doute vous saurez expliquer, de replis sur des tailles de territoire plus identifiables, moins virtuels, gerables, et aussi de refus conscient devant cette obscenite. »

      Oui, c’est vrai mais sans nier l’autre phénomène dont j’ai parlé plus haut. Il n’y a pas incompatibilité entre la préservation du legs ancestral traditionnel et des systèmes de valeurs qui restent à inventer en commun. C’est bien cette compatibilité qui reste à créer, non pour préserver mais pour avancer et rendre l’humain possible. C’est probablement la voie du futur : l‘intégration des cultures différentes à un mode de vie encore mal défini. Des groupes humains sont en passe de réussir ce tour de force. Afrique du Sud, Canada, extrême Nord de la Norvège, etc.
      Cette impossibilité de concevoir le singulier et le général est propre à la France qui a été dominée durant des siècles par un redoutable esprit de centralisation que, même, la révolution n’a pas aboli. Si bien que même les Bretons, c’est un exemple, ont oublié leur traditions et leur langue.

      À vous retrouver

       

       


    • Iren-Nao 8 août 2008 12:45

      @ l’auteur

      Dites donc, vous me faite bosser !

      Merci pour votre reponse, et voici la mienne

      1 -Sur les concentrations urbaines :

      Je comprend mieux a présent, vous avez raison dans le sens ou les masses qui s’agglutinent dans les dépotoirs sub urbains partagent effectivement le même genre de nuisances qui mèneront forcement a des explosions redoutables que nous voyons déjà apparaîtrent ci et la.

      Survoler, d’assez près une ville comme Luanda est une vision de cauchemar, et le reste de ce pays riche (et pas que de pétrole…) est quasi vide. Comment ces gens ne descendraient ils pas vers la ville en quête de quelque maigre rapine.

      Mais il va bien falloir un peu retourner à la campagne pour nourrir tout ce public.

      Je crois que la surpopulation mondiale délirante est le problème numéro 1 de cette planète et qu’elle induit justement des cosmogonies qui seront explosives et suivies d’effets dévastateur chez les plus défavorisés tandis que les raisonnablement nantis, même en ville conservent une bonne part de leur identité d’origine.

      Tout comme il existe une cosmogonie des vraiment riches.

      Déjà dans beaucoup de villes on voit apparaître des ghettos sécurises.

       

       

      2 –« La nécessité de cette humanisation s’imposera de toute façon et ce ne sont pas les élites qui dicteront les futurs cahiers de doléances. »

       

      Je suis bien d’accord avec vous, il y a sûrement beaucoup de riches, mais des élites. ?

      Il y aura plutôt des personnages charismatiques justement capables de créer des semblant de cosmogonie car effectivement aujourd’hui ce ne sont pas les symboles de la démocratie qui risquent de donner de l’espoir a qui que ce soit.

       

       

      3 –« Il n’y a pas incompatibilité entre la préservation du legs ancestral traditionnel et des systèmes de valeurs qui restent à inventer en commun. »

       

      Je suis bien d’accord avec le début de votre phrase, encore que comme vous le disiez dans votre article les évolutions se doivent d’être digérables, sauf a tout casser,  mais je ne crois pas que ces inventions se fassent en commun ou a grande échelle, je les vois plutôt justement très locales. On voit plutôt réapparaître la tribu non ?

       

       

      4 - Afrique du Sud, Canada, extrême Nord de la Norvège, etc.

       

      Mon dernier passage a Jo’burg ne m’a pas laisse une impression allant dans ce sens, mais il faut reconnaître que cela pourrait être pire, même mal en point ce pays est encore trop riche pour ne pas être l’objet de toutes les convoitises, et la bas le racisme n’est pas juste un sujet de conversation entre Bobos bien propres sur eux.

      Quant au Canada et au Nord de la Norvège, tout est possible car il y a de la place plein, et pas grand monde.

       

       

      5 – « Cette impossibilité de concevoir le singulier et le général est propre à la France »

       

      Je ne me risquerais pas à prétendre le contraire, peut être parce que nous sommes un croisement et que nous sommes plus mélanges que nos voisins et que cela aurait été une réponse à toutes ces cosmogonies qui se mélangeaient.

      A vous relire.

      Iren-Nao


    • Illel Kieser ’l Baz 8 août 2008 17:37

      @ Iren-Nao

      « Dites donc, vous me faite bosser ! », normal, c’est une agora...

      «  Mais il va bien falloir un peu retourner à la campagne pour nourrir tout ce public. »
      C’est la planète qui va nous y contraindre au sens où la catastrophe qui s’annonce obligera de nouvelles élites à enfin utiliser la technologie à des fins humanitaires pour faire en sorte
      1 - que les paysans ne dépendent plus des aléas du climat ;
      2 – que l’on cesse de surprotéger nos propres productions ce qui contribue à appauvrir les plus pauvres ;
      3 – que l’on utilise les ressources de la planète (terre et mer) de manière raisonnée.
      Ce qui conduira à tisser une nouvelle alliance avec la nature alors que depuis le 16e siècle, le seul dessein de l’Homme Blanc du Nord est d’exploiter la planète et de se multiplier.
      C’est très drôle de lire souvent cette petite phrase qui paraît tomber sous le sens : "Il nous faut sauver la planète !" Elle se fiche de nous, elle vivait sans l’espèce humaine et il se trouve des individus qui font croire qu’ils peuvent la sauver.

      « Je crois [...] chez les plus défavorisés tandis que les raisonnablement nantis, même en ville conservent une bonne part de leur identité d’origine. »

      Pas sûr, quand Miami et Bordeaux seront inondées que New York aura subi un cyclone dévastateur, les « raisonnablement nantis » se mettront à réfléchir selon deux axes :
      Des guerres à outrance pour se protéger ou bien, enfin, accepter de partager... C’est dans la mesure où des idéologies de solidarité et de préservation de l’espèce auront circulé que nous pourrons espérer voir se réaliser la deuxième solution. Tant que les élites – politiques, financières et intellectuelles – persisteront à raisonner plus ou moins hypocritement en terme de dominants et de prédateurs, c’est la première solution qui l’emportera.

       « Tout comme il existe une cosmogonie des vraiment riches. » Oui, des cosmogonies de prédateurs. Des dieux monstrueux qui dévorent leur propre progéniture. Ils n’auront pas la chance de survivre longtemps mais leur règne est déjà redoutable. Je lis les commentaires sur beaucoup d’articles et je suis attéré de constater que l’on ergote sur les mots et les définitions devant des montagnes de cadavres : "génocide ce n’est pas la bonne définition", "crime contre l’humanité, oui mais... !" en comptant le nombre de morts – en 10zaine de milles ou leur catégorie : combien d’enfants, de femmes violées... Époustouflant ! On a vraiment perdu le sens de la première réalité humaine. Que survienne un seul mort au bas de notre immeuble et c’est l’émoi total dans la famille... ailleurs on compte à la tonne !

      "Il y aura plutôt des personnages charismatiques [...]"

      « personnages charismatiques » il en existe déjà, on les nomme gurus. Je ne crois pas en la venue d’êtres providentiels. Nous avons eu Gandhi, il y a Nelson Mandela... Les plus belles et les plus prometteuses expériences actuelles sont le fait d’individus anonymes qui ont décidé un jour de ne plus rien attendre et de se prendre en main. C’est à ces expériences que je fais référence quand je parle d’Afrique du Sud, du Canada, de l’extrême Nord de la Norvège, etc. Ces expériences sont multiples, la plupart du temps elles associent tradition, technologie et modernité. Elles reposent sur des valeurs simples de solidarité de fraternité et souvent d’abolition de la propriété – partiellement ou totalement. Il y en a partout de par le monde...

      Vous avez raison d’évoquer l’importance de petites unité locales comme base de cosmogonies plus vastes ou s’emboîtant les unes les autres. La notion de « commune » n’a pas été assez exploitée depuis la Révolution.
      Les premiers symboles unificateurs pourraient se trouver là. Il y a un tas de rites locaux qui pourraient servir d’exemples. Je pense notamment à 3 rites fondamentaux : naissance mariage et deuil. Si le mariage demeure encore un rite plus ou mois vivant, la naissance et la mort ont été volés par les médecins au nom de la prophylaxie. La naissance se pratique dans un univers glacial de couleur bleutée avec des sages femmes et infirmières qui pratiquent l’industrie de l’extraction. Quant au deuil, c’est par l’arrière des Hôpitaux que cela se passe, on prend livraison de la boîte entre deux véhicules utilitaires, un peu comme à l’arrière des grandes surfaces. ( Ce ne sont que des exemples de caractère domestique)
      De toute manière oui, l’être humain a besoin de trouver un sens localement à sa vie et de se représenter qu’il œuvre pour une communauté dont il perçoit les contours dans le temps et dans l’espace. C’est essentiel et vital. Il faudra bien inventer un monde où ces unités pourront s’intégrer dans un ensemble plus vaste et contrôlable.


  • masuyer masuyer 15 août 2008 17:34

    Kieser,

    j’ai découvert votre texte grâce à Fabrice Gueho dont j’ai moi aussi lu la très édifiante réflexion que vous mentionnez plus haut. J’attends avec une impatience non feinte la réflexion que la sienne vous inspirera tant je me sens proche de votre mode de pensée, quoiqu’incapable de l’exprimer avec une qualité telle que la votre.

    Cordiaux remerciements.


    • Illel Kieser ’l Baz 15 août 2008 20:15

      masuyer,

      Fabrice Gueho s’exprime sur un sujet qui fait débat actuellement et c’est cela qui est intéressant. Pour une fois des "gens" peuvent débattre avec des "élites cultivées", c’est une excellent chose. Ce faisant, se réclamant de l’héritage des Lumières F. G. s’aveugle sur les conséquences globales de son propre credo. Il exprime également, versus philosophique, une pensée concretiste dont l’impact n’est pas négligeable actuellement, dans les affaires du monde. (Car l’impact est aussi politique)
      Un des chefs de file de la tendance est le philosophe américain Daniel C. Dennett qui s’intéresse depuis quelques décennies déjà aux implications philosophiques des progrès de la science. Dans deux domaines en particulier : les sciences de l’esprit et celles de l’évolution. L’axe de sa réflexion porte sur explication matérialiste ou naturaliste de la conscience et de son évolution. Pour lui, donc, les vues introspectives ou subjectives à la première personne sont sans intérêt particulier. Il élimine le sujet de tout impact dans l’évolution humaine et ne serait que l’agent d’une forme de "folklore".
      Pour les penseurs de cette lignée, l’universalité de la science ne fait aucun doute.

      Pour nombre de ces scientifiques, l’enjeu de la compétition cognitive généralisée pour une définition de l’Homme est de savoir laquelle sera finalement partagée par le plus grand nombre d’hommes (principe d’universalité, imposé, si besoin, par les armes). Le sentiment, pour eux, d’appartenir à une l’élite cultivée dont l’une des missions est de forger une bonne part des représentations collectives communes ne fait pas de doute. Science, rationalité et progrès sont alliés dans une même représentation du monde. Il est alors frappant de constater combien les représentations collectives « profanes », qui émanent de personnes non « cultivées » sont délaissées et soumises à critiques ironiques voire méprisantes.
      Or, dans une culture - au sens profane - ou les réponses essentielles aux question que l’être humain se pose n’ont plus de sens, c’est du peuple, de la plèbe, des "gens" que viennent les réponses de renouveau du monde. Cela, l’humanité en a gardé des traces tout au long de son cheminement. Tel sera le thème de mon prochain article.
      Bien à vous

      Voici, pour étendre le débat, l’URL de l’article de Fabrice Gueho, Le pluralisme des cultures est un mythe http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=43191
      et celui d’un rationaliste sceptique, Charles Muller, biologiste de formation, journaliste scientifique et pourfendeur de mythes modernes. Mute http://www.mutageneses.com/


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