mercredi 19 décembre 2007 - par Emile Mourey

Mystère et poésie des évangiles : les pèlerins d’Emmaüs

Un Ethiopien, un eunuque, haut fonctionnaire de Candace, reine d’Ethiopie et surintendant de tous ses trésors, était venu adorer à Jérusalem. Il s’en retournait sur le chemin qui mène à Gaza et, assis sur son char, il lisait le prophète Isaïe (Bible d’Osty, Actes des Apôtres 8, 27-28).

La cène à Emmaüs
La cène à Emmaüs
Les Actes des Apôtres

Ainsi commence cette fabuleuse histoire de la conversion d’un Ethiopien. Cette irruption inattendue dans un texte sacré d’une Ethiopie du passé, alors que l’Egypte représente la puissance de la région, alors que sa capitale, Alexandrie, est réputée pour être un des plus grands foyers intellectuels de la Méditerrannée, tout cela est vraiment étonnant.

Pourquoi un Ethiopien ? Ne serait-ce pas, parce que dans l’imaginaire de l’époque, la pensée égyptienne serait née, comme le Nil, dans une lointaine et mystérieuse Ethiopie gouvernée autrefois par une mythique dynastie de femmes/pharaons du nom de Candace ? Et si les Actes des Apôtres mettent en scène un Ethiopien, ne serait-ce pas parce que, dans cet imaginaire, il serait l’ancêtre, le père des Egyptiens ?

Pourquoi eunuque, haut fonctionnaire et surintendant de tous ses trésors ? Parce que, sans doute, comme le Putiphar de Joseph, les hommes au pouvoir d’Alexandrie sont devenus intellectuellement stériles et n’engendrent plus rien.

Pourquoi vient-il adorer à Jérusalem ? Parce qu’il représente l’importante communauté juive d’Alexandrie qui vit encore dans les anciennes croyances du judaïsme. Pour les auteurs des Actes des Apôtres, c’est cette communauté qu’il s’agit de convertir. Mais pour que cela puisse se faire, il faut briser le fil de la tradition et remonter aux sources de la filiation. Il faut commencer par convertir le géniteur premier, l’Ethiopien.

L’esprit dit à Philippe : Avance et rejoins ce char

Plusieurs fois cité dans le Nouveau Testament, Philippe est un apôtre de premier plan. Je l’identifie à un important chef militaire de la communauté babylonienne installée en Batanée. L’historien Flavius Josèphe en parle plusieurs fois dans ses ouvrages. Cette phrase que l’esprit lui dit, comment l’interpréter ? Le char est évidemment le symbole par excellence de l’Egypte. Mais au lieu d’écrire « L’esprit dit à Philippe », il me semble qu’aujourd’hui, dans le langage de notre époque, on écrirait plutôt ceci : « Il est venu à l’idée de Philippe qu’il serait judicieux d’engager des pourparlers avec la communauté juive d’Alexandrie pour la rallier à la nouvelle religion révélée  ».

Les pourparlers s’engagent. L’Egyptien juif s’interroge sur un passage du livre d’Isaïe. Il l’interprète comme une prophétie, mais il ne la comprend pas. Philippe lui explique alors les événements qui viennent de se produire. Ils font le rapprochement avec le passage du livre d’Isaïe. Tout s’éclaire et l’Egyptien juif demande aussitôt à être baptisé à la nouvelle religion (Act. 8, 26-40).

Lorsqu’ils furent remontés de l’eau, l’esprit du Seigneur emporta Philippe, et l’eunuque ne le vit plus. Quant à Philippe, il parcourait déjà le pays, évangélisant les villes.

L’évangile de Luc

Faut-il faire un lien avec ce que relate Luc dans son évangile, bien que, apparemment, il y ait de notables différences ? Je pense que oui. Après la mort sur la croix de Jésus, deux disciples cheminaient en direction d’Emmaüs (venant de Jérusalem, ils se dirigeaient donc vers la côte comme dans le récit des Actes). Chemin faisant, ils rencontrèrent un inconnu avec lequel ils engagèrent une longue conversation concernant l’interprétation des écritures (grand débat théologique avec un inconnu non mentionné dans les Actes). Les deux disciples ne comprennent pas pourquoi le Jésus de Nazareth qu’ils ont suivi n’est toujours pas ressuscité alors que trois jours se sont déjà écoulés (Lc 24, 13-35).

Or, comme il (l’inconnu) était à table avec eux, ayant pris le pain, il dit la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur remettait. Leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent... mais il avait disparu de devant eux.

Qui étaient ces deux disciples ? Luc ne donne pas le nom du premier ; mais on devine facilement qu’il s’agit de Philippe l’apôtre. En revanche, il nous donne le nom du second : Cléopas. Le rapprochement avec l’Ethiopien des Actes s’impose et, par voie de conséquence, avec la communauté juive d’Alexandrie. Cléopas n’est pas un inconnu. A Alexandrie, lui et Cléopâtre sont probablement frère et soeur, image symbolique d’une coexistence fraternelle entre deux communautés de culture différente, d’où les prénoms que certains ont donnés à leurs enfants pour s’attirer les faveurs du peuple.

Mais que vient donc faire dans cet évangile, ce Cléopas que nous avons vu, en Gaule, dans les fresques de Gourdon, faire l’offrande des prépuces comme un christ... un autre christ ? ... un concurrent ? (Voyez mes précédents articles.)

Réponse logique et simple : dans son évangile, Luc demande à Cléopas, et donc aux communautés juives d’Alexandrie et de Bibracte, de renoncer à leur espérance de messie (celui des fresques de Gourdon). Il leur demande de se rallier au messie Jésus de Nazareth.

Les autres évangiles

Préfiguration du retour à l’unité, la femme de Cléopas - diaspora juive d’Alexandrie et de Bibracte - accompagne les autres femmes au pied de la croix de Jésus dans l’évangile de Jean (Jn 19,25). Il s’agit de sonner le ralliement de toutes les tribus d’Israël dispersées dans le monde. Il s’agit de n’exclure personne et surtout pas la communauté d’Alexandrie. Voilà pourquoi Mathieu répare l’oubli des autres évangélistes en redonnant à la communauté juive d’Alexandrie la gloire d’avoir hébergé l’enfant Jésus et sa famille pendant la persécution d’Hérode (Mt 2, 13-15).

Les Actes des Apôtres et les évangiles relèvent de deux styles différents d’écriture

Dans les Actes, c’est "l’esprit qui dit à Philippe". Dans l’évangile de Luc, c’est Jésus. Autrement dit, si, dans les premiers, nous sommes toujours dans le monde de la réalité visible, un peu comme dans tout récit historique, l’auteur de l’évangile nous fait passer, dans son récit, à un plan supérieur. Dans le premier cas, nous ne voyons pas l’esprit saint, dans le second, nous le voyons agir sous le nom de Jésus. Pour des Juifs qui sont persuadés que Dieu s’est incarné dans le peuple d’Israël, qu’il y accomplit ses oeuvres, et même dans le simple citoyen, ce prolongement de la pensée et de la réflexion n’a rien d’illogique. En bas, le monde souterrain, au milieu, le monde terrestre des hommes, au-dessus, le monde céleste de l’esprit. En quelque sorte, le passage de la réalité visible à l’oeil à une autre réalité visible avec les yeux de l’esprit n’est rien d’autre qu’un phénomène de transposition ou, si l’on préfère, de sublimation.

La conversion de saint Paul

C’est bien là le tournant de l’affaire, car Saül/Paul, avant sa conversion, est l’âme de la persécution. Le meurtre d’Etienne (symbole des Hellénistes ralliés au mouvement) il l’a approuvé. La répression s’abat sur la communauté qui se trouve à Jérusalem tandis que le persécuteur prend la route de Damas pour s’attaquer à la base arrière du mouvement. C’est là, sur le chemin de Damas, qu’il sera abattu, aveuglé, par une vérité lumineuse (Act 9, 1-30).

Pourquoi, dans les Actes des Apôtres, la conversion de Saül vient-elle immédiatement après la conversion de l’Ethiopien. A première vue, il n’existe pas de lien entre cet Ethiopien/symbole et Saül, le natif de Tarse en Asie Mineure. Et pourtant, si on cherchait bien. Si Saül est citoyen romain, comme il l’affirme (Act 16, 37), c’est parce qu’il l’est de naissance par son père dont, probablement, il a continué d’exercer le métier de fabricant de tentes (Act 18,3), et si son père était citoyen romain, c’est qu’il l’était dans le cadre d’une colonie de vétérans. Ces vétérans, où avaient-ils été recrutés ? Réponse : dans la communauté juive d’Alexandrie. Par qui ? Par le conquérant romain. Donc, Saül était probablement d’origine égyptienne. Peut-être même était-il noir de peau ?

Cet étonnant processus de conversion, on le retrouve dans le miracle de la guérison - laborieuse - de l’officier romain (Act 10, 1-48). Bis repetita placent, cette guérison sera précédée par celle d’Enée, l’illustre géniteur premier, ancêtre éponyme des Romains (Act 9, 32-35). Mais pourquoi l’officier romain était-il donc malade ? Réponse facile : alors que la parole de Dieu est en train de s’incarner dans le monde, n’est-ce pas souffrir d’une grave maladie que de continuer à prêter serment et à se prosterner devant un empereur/homme comme s’il était un dieu ?

Cela signifie que, pour les évangélistes, Jésus n’est pas venu parmi les hommes seulement pour guérir les corps, mais aussi et surtout pour guérir les âmes.

Ainsi s’explique la fabuleuse histoire des pélerins d’Emmaüs que les plus grands peintres ont représentée dans de grands tableaux qui ornent nos musées.

Basilique de Vézelay : deux Christs !?

Cathédrale Saint-Vincent de Chalon-sur-Saône : il ne s’agit pas du repas d’Emmaüs


Que les historiens de l’Art se méfient dans leurs interprétations souvent aventureuses ! Qu’ils ne voient pas systématiquement une évocation du repas d’Emmaüs dans certaines sculptures dites romanes. Il s’agit beaucoup plus souvent du signe que le messie essénien devait faire pour se faire reconnaître. Ce signe, nous ne le connaissons que depuis la découverte des manuscrits de la mer Morte. Et ensuite le Messie d’Israël étendra ses mains sur le pain. Et ensuite toute la congrégation de la communauté bénira (Règlement annexe II, 20-22). Je te rends grâces, ô Adonaï... et tel une véritable aurore, au point du jour, tu m’es apparu (Hymne H, IV 5-6). Et voici que nous voyons les cieux ouverts et voici que nous voyons le Fils de l’homme assis à la droite de Dieu (Act 7, 56)... c’est-à-dire à la droite de l’autel.

E. Mourey

La vignette en début de texte est un extrait d’un tableau de la Pinacothèque de Brera de Milan, attribué au Caravage. Les croquis sont de l’auteur.

Pline l’Ancien (Histoire naturelle, livre VI, XXXV,8) évoque le récit des Actes des Apôtres, mais sans l’avoir compris.



39 réactions


  • brieli67 19 décembre 2007 14:14

  • brieli67 19 décembre 2007 14:24

    http://de.wikipedia.org/wiki/Kleopas

    Cléopas deuxième évêque de Jérusalem ?


    • Emile Mourey Emile Mourey 19 décembre 2007 15:27

      @ Brieli

      Vous avez raison. Avec ces quelques noms qui circulent sur le web, de Cléopas et de Cléopâtre, nous sommes dans le mystère, d’autant plus qu’il apparaît, comme vous le soulignez, que ces noms sont beaucoup plus fréquents qu’on ne pense. Les exégètes ont fait des prodiges d’imagination pour essayer de reconstituer des liens familiaux, de cousinage et même des identifications. Ces hypothèses sont bien peu crédibles.

      Pour sortir de ce mystère, une seule solution : raisonner en partant de l’idée que Cléopas et Cléopâtre sont un peu comme des prénoms d’aujourd’hui que des parents donnent à une descendance parce que ces prénoms sont chargés d’un sens symbolique. A cette époque, il est fréquent qu’un même nom réapparaisse dans une généalogie de la même famille. C’est le nom d’Hérode qui réapparaît dans la descendance d’Hérode le Grand, celui de César comme titre honorifique etc...

      Ces noms sont porteurs de sens symbolique, souvent politique. De même l’union de Cléopâtre et de César. De même le nom de Cléopâtre qu’Hérode le Grand donne à une de ses filles. De même le nom de Jésus que Flavius Josèphe donne à plusieurs acteurs de la vie politique de son temps, de même celui de Simon.

      Les spécialistes de l’histoire égyptienne retrouveront ces noms de Cléopas et de Cléopâtre dans leurs archives.


    • Emile Mourey Emile Mourey 19 décembre 2007 15:47

      @ Le furtif

      Vous dites : les Actes conservent le souvenir d’une Égypte sous le règne de pharaons noirs. Il s’en est trouvé ,ils sont Nubiens au VIIIè / VIIè siècles.

      Je précise "VIIIème/VIIème siècles avant J.C.. Ma conclusion serait plutôt de constater que huit siècles après, les évangélistes ont encore cette histoire dans leur mémoire, ce qui montre bien qu’on a affaire à des gens cultivés et que s’ils évoquent cette époque sous une forme allégorique, rien ne dit qu’ils ignoraient cette histoire, et peut-être la connaissaient-ils mieux que nous, nous qui n’avons pas eu la chance d’accéder à la bibliothèque d’Alexandrie.


  • Emile Mourey Emile Mourey 20 décembre 2007 00:07

    @ Forest ent, @ Alake, @Antenor, @Zen, @ Tonio,@ Icks Pey, @la Taverne des poètes, @Pie 3,14, @Philou017, @ Tall,@ Thierry JACOB, @ Le péripate, @lavaddi, @ Cephale, @ddacoudre, @ Bozz, @ la mouche du coche, à blurpy, @ biztoback, @ Pierrot, @ Dudule, @Ægidius REX, @ Cotcodec, @ dilettante,

    Commentaires ?


    • La Taverne des Poètes 20 décembre 2007 07:50

      Désolé Emile, je n’ai aucun avis sur les Evangiles et autres histoires à dormir debout. Pour tout dire je m’en tape. smiley


    • Emile Mourey Emile Mourey 20 décembre 2007 10:19

      @ La Taverne des Poètes

      C’est peut-être parce que la question est mal posée. En effet, si vous vous posez la question : « qu’est-ce que l’homme ? », vous ne pouvez tenter d’y répondre qu’en essayant de le comprendre dans son histoire et, en particulier, à certains moments privilégiés où il se révèle, intellectuellement, tel qu’il est (à un moment donné, puis dans son évolution). En cela, l’Ancien Testament et le Nouveau sont des archives uniques sur le plan de la Recherche historique.


    • Sigefroid 20 décembre 2007 11:44

      Ouf « Bistrot » ! Tape-toi toi-même alors, car en matière de pensée à dormir debout, tu sais y faire ! L’ignorance me sidère toujours ! Ces histoires à dormir debout, selon ton appréciation, ont interpellé et continuent à interpeller ceux pour qui la curiosité intellectuelle et la connaissance ont un sens, religieux ou non. Je te concède facilement que ce soit ton droit de te limiter à des échanges de « Taverne du commerce », mais ne qualifie pas ce que tu ne connais pas ou ce qui te dépasse (beaucoup de choses en somme). « Ce qu’on ne peut dire, il faut le taire » ! (Wittgenstein). Merci de ton silence !


  • ZEN ZEN 20 décembre 2007 07:47

    J’ai entendu votre appel au secours...

    « Ma conclusion serait plutôt de constater que huit siècles après, les évangélistes ont encore cette histoire dans leur mémoire »

    On sait combien la mémoire, même collective, peut être sujette à caution, encadrée qu’elle est par les mythes collectifs, dégradée par le temps et les transmisssions, remaniée par les changements culturels, les nouvelles influences et les besoins nouveaux, les transformations des cadres historique.

    On sait, par ex. que les récits évangéliques , souvent divergents, sélectifs et parfois contradictoires, portent la marque des communautés chrétiennes assez tardives , et ont d’abord une fonction liturgique . Les chercheurs de la très catholique Ecole Biblique de Jérusalem ont intégré depuis longtemps ces données. Le théologien protestant Bultman allait jusqu’à dire que, sous la gangue des reconstructions après coup, rien de vraiment historique ne pouvait être dit de Jésus...sinon qu’il avait sans doute existé (comme prophète ?)...


    • Emile Mourey Emile Mourey 20 décembre 2007 11:01

      @ Zen

      Là aussi, le malentendu vient du fait, à l’origine, que la question est mal posée, en ce sens que vous partez d’un postulat erroné, à savoir que les évangiles sont le produit d’une longue gestation.

      Cette théorie absurde d’une longue gestation s’explique par le fait que les exégètes n’ont pas compris le sens souvent caché et compliqué à l’envi de ces textes. C’est cela qui est incompréhensible car, en ne comprenant ces textes qu’à travers une lecture littérale, ils sont en totale contradiction avec le fait qu’ils reconnaissent par ailleurs la complexité de la pensée dialectique juive de cette époque (j’utilise le mot « fait » à bon escient).

      La littérature de Bultman est indigeste et n’a même pas l’intérêt d’un bon roman. Quant à l’Ecole biblique de Jérusalem, elle est victime de son aveuglement historique dans laquelle l’a entrainée la « foi chrétienne pontificale » de ses fondateurs. J’attends toujours qu’elle me fasse la critique des deux ouvrages que je lui ait offerts concernant l’histoire du Christ.

      Mon présent article devrait vous montrer que ce passage devenu très médiatique du repas d’Emmaüs ne peut s’expliquer que dans le cadre d’une rédaction soigneusement élaborée au moment de l’action immédiate qui est celle de la naissance d’un mouvement... politique ou religieux, comme vous voulez.


    • ZEN ZEN 20 décembre 2007 14:34

      « vous partez d’un postulat erroné, à savoir que les évangiles sont le produit d’une longue gestation. »

      Ce n’est pas un postulat, cela se démontre et s’interpréte...Affirmer le contraire est simplement une nouvelle forme de fondamentalisme.

      En ce qui concerne la symbolique, je vous conseille Vernant et Ricoeur, entre autres, qui ont fait des analyses exemplaires, qui peuvent servir de modèles..Je ne parlerai même pas de Spinoza, qui a ouvert la voie...


    • Emile Mourey Emile Mourey 20 décembre 2007 16:27

      @ Zen

      Je connais un peu les thèses de Paul Ricoeur, de Jean-Pierre Vernant et de Vidal-Naquet. Je leur préfère des auteurs moins médiatisés qui, eux, ont le mérite de se détacher de leurs croyances personnelles, politiques ou religieuses, quand ils réfléchissent sur l’Histoire.

      Entre les interprétations et le fait brut, je choisis le fait brut, ce qui me permet de le comprendre dans ma logique militaire et non dans des fumeuses explications sociologiques ou philosophiques.

      Pourquoi faire compliqué alors que c’est simple ? C’est bien là la caractéristique de notre époque. Comme on ne comprend pas, on invente. Les médias font le reste et tout le monde suit comme de bons petits soldats.


    • ZEN ZEN 20 décembre 2007 19:50

      « Entre les interprétations et le fait brut, je choisis le fait brut, ce qui me permet de le comprendre dans ma logique militaire et non dans des fumeuses explications sociologiques ou philosophiques. »

      Merci Emile pour cette franchise. Jamais jusqu’ici vous n’avez été si clair . Vous touchez du doigt le coeur de votre méthode historique si particulière. ’Interpréter ne veut pas dire inventer..Pas plus qu’en journalisme , en histoire n’existent de "faits bruts.

      Lisez un peu Marrou, procurez-vous un manuel de terminale philo sur la méthode historique et lisez les articles de Paul Villach , qui insiste toujours sur la distinction entre « le terrain » et la « carte ». Cela devrait vous parler...


    • Emile Mourey Emile Mourey 20 décembre 2007 21:46

      @ Zen

      Concernant Marrou, je suis assez d’accord avec sa conception de la recherche historique. Quand je dis qu’entre les interprétations et le fait brut, je choisis le fait brut, je veux dire par là que je ne repense pas l’Histoire en m’inspirant ou en tenant compte d’interprétations déjà formulées. Là où je ne suis pas tout à fait d’accord avec lui, c’est que j’estime que le document, même seul, est crédible dès lors qu’il s’inscrit dans une logique. Bien sûr que j’interprète le fait, mais en le replaçant dans une solide logique militaire et non dans une culture mondaine ou religieuse d’auteurs parfois frivoles qui ne sont pas toujours engagés dans l’action. Là où je ne suis pas bien d’accord non plus, c’est au sujet de la foi. J’estime qu’on peut très bien écrire l’histoire des Romains en se mettant dans leur esprit et dans leur foi et écrire celle des Gaulois de même, ce qui peut évidemment paraître contradictoire. L’erreur que font certains commentateurs à mon sujet est de croire qu’il s’agit de ma foi, ce qui est une grave erreur (comme Marrou, j’ai été, moi aussi, influencé par Teilhard de Chardin, je ne le suis plus).

      Quant à Paul Vilach, je ne peux qu’abonder dans son sens puisque, lui aussi, met en accusation la Nomentaklura journalistique qui prétend informer l’opinion en prétendant présenter des faits alors que ce ne sont que des opinions. Et j’irai encore beaucoup plus loin, au sujet de la localisation de Bibracte et de Gergovie, en accusant les médias de mensonges et les autorités de la Culture et de l’Archéologie de forfaiture.

      Quant à moi, je n’ai jamais eu la prétention de présenter mes articles sous la rubrique « articles privilégiant des faits » mais dans la rubrique « articles d’opinion ».


  • Martin 20 décembre 2007 08:39

    Cher Emile Mourey,

    Je lis souvent vos articles bien que n’en partageant pas toujours les idées. Et je dois reconnaitre que je suis admiratif devant votre patience.

    En même temps je vous plains sincèrement. Devoir vous taper systématiquement la bande de plouc de l’amicale des retraités et inactifs d’agoravox qui monopolisent systématiquement la parole sur vos articles pour y déposer leurs éternelles âneries d’odieux personnages suffisants et condescendants, doit être un véritable crève-cœur pour vous qui préparez si précautionneusement tous vos articles.

    Intervenant en meutes, ils ont malheureusement une capacité de nuisance importante. Leurs soutiens et votes mutuels leur donnent l’illusion d’être appréciés, ce ne sont en réalité que des parasites comme vous en retrouverez malheureusement sur tous les forums de France et de Navarre.

    Bonne continuation.


    • ZEN ZEN 20 décembre 2007 09:21

      @ Martin

      Très bien, mais vos protestations non argumentées ne font pas avancer le dossier...

      Essayez de discuter VRAIMENT la remarque que j’ai faite plus haut, que j’avais d’ailleurs longuement développée sur d’autres articles de l’auteur, qui , faute de méthode historique rigoureuse (surtout concernant le problème fondamental de la critique des sources), ont au moins le mérite d’être intellectuellemnt excitantes...

      Si vous êtes historien , on attend que vous éclairiez notre lanterne...


    • Emile Mourey Emile Mourey 20 décembre 2007 11:17

      @ Martin

      Il y a un chose que je sais depuis le moment où j’ai commencé mes recherches historiques est la difficulté que j’aurai à trouver un public, car si je ne suis pas indifférent à la pensée qui s’exprime dans la Bible, je sais que ma lecture de ces textes n’est pas en accord avec ce que la majorité des lecteurs voudrait qu’on leur dise.

      C’est donc un travail de longue haleine dont je ne verrai peut-être même pas l’aboutissement. L’intérêt d’Agoravox est que mes articles sont repris par Google, qu’ils sont archivés dans le web et que je peux espérer qu’un jour, un journal d’investigation s’y intéressera.


    • Emile Mourey Emile Mourey 20 décembre 2007 11:34

      @ Ægidius REX

      Ut ratio optima non sit, tamen laudandi sunt investigationis nisus, à supposer que la méthode ne soit pas la meilleure, il faut cependant approuver les efforts de recherche.

      Oui, c’est une très belle phrase latine, à la fois dans sa lettre et dans son esprit.

      Que puis-je vous répondre ?

      Poète, c’est ainsi que font les grands poètes : ils laissent s’égayer ceux qui vivent un temps ; mais les festins humains qu’ils servent à leurs fêtes ressemblent la plupart à ceux des pélicans. Quand ils parlent ainsi d’espérances trompées, de tristesse et d’oubli, d’amour et de malheur, ce n’est pas un concert à dilater le coeur. Leurs déclamations sont comme des épées : elles tracent dans l’air un cercle éblouissant, mais il y pend toujours quelque goutte de sang.

      Sic transit gloria mundi !


    • Sigefroid 20 décembre 2007 12:06

      @ Martin ... je suis entièrement de votre avis. Et il y a des exégètes objectifs, scientifiques, dont la vocation intellectuelle est le travail et la connaissance des textes et qui sont sans doute intellectuellement plus compétents et scientifiquement mieux formés que les bistrotiers du coin pour échanger avec Emile. En la matière, les professeurs d’Emile Bloch à Strasbourg devraient mieux convenir ! Pour ma part, j’ai une hantise des courts-circuits intellectuels et des tout-terrains du savoir. Tout est tellement complexe et interactif !


    • Emile Mourey Emile Mourey 20 décembre 2007 13:58

      @ Sigefroid

      Vous dites : Pour ma part, j’ai une hantise des courts-circuits intellectuels et des tout-terrains du savoir. Tout est tellement complexe et interactif.

      C’est exactement cela. En ce qui me concerne, il m’a fallu écrire dix livres en suivant le fil qui m’a conduit dans ma recherche pour que je sois à peu près sûr que je ne me trompais pas sur l’essentiel... et trente ans de réflexion (oui, je sais que, comme Montaigne, mon intelligence n’est pas aussi rapide que je le voudrais). Et il faut dire qu’avant ces trente ans, je connaissais assez bien mes textes mais que je les interprétais toujours dans l’esprit de ma tradition familiale.

      Mes deux « Histoire du Christ », qui sont au centre de mon étude, ont été publiés en 1996, par mes soins, en auto-édition, pour plusieurs raisons dont la principale est que je n’ai pas voulu que leur teneur soit récupérée dans un sens ou dans un autre (je ne suis pas pour les coups médiatiques).

      Ces deux ouvrages ont été publiés sans publicité autre qu’une présentation ordinaire sous forme de résumés. En revanche, je les ai adressés au Vatican, à l’Ecole biblique de Jérusalem et à un certain nombre de philosophes français parmi les plus connus. Je n’ai eu de réponses que du Vatican et de Luc Ferry, mais sans plus. C’est un échec qui s’ajoute au fait que je ne vois pas venir le débat qui pourtant s’impose entre philosophes et théologiens sur ces questions pourtant fondamentales qui touchent à notre histoire et à notre être.

      Un général de mes amis auquel j’essayais prudemment de me confier me disait un jour en termes un peu crus que je ne veux pas répéter qu’il voudrait bien, avant de mourir, en savoir un peu plus.


    • Sigefroid 20 décembre 2007 15:49

      @ Monsieur Mourey ... en évoquant les « tout-terrains du savoir », je faisais allusion à l’omniscient qui vous a pompeusement servi supra : « Désolé Emile, je n’ai aucun avis sur les Evangiles et autres histoires à dormir debout. Pour tout dire je m’en tape. » Qu’on puisse s’en taper est une chose compréhensible... d’autres se tapent de la poésie, des sciences, des math., de tout, etc... mais qu’on qualifie avec dédain un domaine de la réflexion est, à mon sens, inqualifiable ! Par contre, car ici c’est plutôt jeter sa parole à l’immensité du vide, je crois que si la personnalité du Christ des Evangiles vous interpelle, il vaut vraiment mieux débattre (échanger) avec des spécialistes en la matière qui ont fait vocation d’étudier les textes et qui s’en sont donné les moyens intellectuels. Ces interrogations sont plutôt anciennes (des rayonnages entiers de textes des Pères de l’Eglise pas stupides du tout mais dont certains « se tapent » aussi je suppose, omnubilés qu’ils sont par leur génie autoproclammé) et à ce jour toutes les interrogations subsistent. Ce qui me semble intellectuellement excitant in fine, c’est qu’une solution nous sera donnée un jour... si c’est le vide nous n’en saurons jamais rien et si c’est la « Lumière » il n’y aura qu’à s’en réjouir ! Je reste proche de Descartes qui évoquait, je crois, le fait que la finitude de l’homme ne lui donnait pas accès à l’Infini. Cela me suffit quelque part et pour le reste, comme disait Audiard : « Je refuse de parler aux cons : ça les instruit » (boutade qui ne concerne que les Grands Qualificateurs bien évidemment !!)


    • Emile Mourey Emile Mourey 20 décembre 2007 16:56

      @ Sigefroid

      Ce qui m’interpelle plutôt est la pensée qui se trouve dans les textes bibliques, à des moments donnés et dans l’évolution. Parce que cette pensée et son histoire nous interpellent sur la question : Qu’est-ce que l’homme ?

      Que ces textes ne nous sont pas tombés du ciel, comme par miracle, cela fait déjà un bon bout de temps que je ne me pose pas la question ; mais la difficulté est la suivante : comment accepter cela sans retirer à leurs auteurs la probité intellectuelle qu’on accorde aux auteurs honnêtes ?

      Une seule solution : reconnaître que c’est nous qui n’avons pas compris ce que ces auteurs ont voulu nous dire dans leurs textes très compliqués.

      Aujourd’hui, il est admis par la communauté scientifique que « Jésus a existé en tant qu’homme ». Comment voulez-vous que je discute avec des exégètes qui partent à priori de ce postulat ?

      Le refus d’en dialoguer avec moi de la part de l’Ecole biblique de Jérusalem et du Vatican montre bien la tendance.


    • Sigefroid 20 décembre 2007 18:35

      @ Emile. J’ai un peu difficile à vous suivre, mais en soi cela n’est pas important. Mon domaine n’est pas les sciences bibliques, mais pour ce que j’en sais les textes bibliques ne sont pas homogènes. Ils ont été écrits sous différentes traditions (voir entre autres les travaux de Lucien Cerfaux si mes souvenirs sont bons) et répondent à différents discours : historiques, mythiques, juridiques, moral, économique et s’étendent sur une longue période. Je ne crois pas, à mon sens !, que ces textes soient destinés à donner une réponse sur à la question de savoir ce qu’est l’homme (question qui arrive plutôt à la Renaissance qui tend à associer les textes anciens avec les textes de la tradition chrétienne... Erasme et autres), mais plutôt, sur la relation entre l’homme et Dieu, Dieu étant acquis. Quant au Nouveau Testament et aux Actes, nous sommes dans une nouvelle problématique : la tradition biblique interprétée dans une démarche non plus du Dieu vengeur et particulier aux Hébreux, mais une vision d’un Dieu universel et compatissant. Mais tout cela est complexe car à ces quelques « banalités » que j’exprime se rattachent toutes à la tradition du christianisme, qui plonge bien évidemment dans le judaïsme, mais aussi dans les traditions augustinienne (influencé lui même par les différents courants du christiannisme naissant), celles des Pères, des discours conciliaires et de toute la « communication » textuelle, artistique,intellectuelle (Bernard, Thomas d’Aquin et tant d’autres) du christianisme intégrée longtemps, mais pas toujours si profondément qu’on ne l’imagine (voir l’excellent Jacques Toussaert, Le sentiment religieux en Flandre à la fin du Moyen Age) dans la société profane de Moyen Age, elle même héritière de nombreux courants : héritages antiques, barbares, byzantins, juifs, arabes etc... Tout cela est tellement complexe et imbriqué qu’il m’est difficile de chercher POUR MA PART une réponse à la simple question de savoir qui est l’homme. Est-ce vraiment important d’ailleurs : si on en connaît sa finitude on ne sait rien de son devenir ! La société contemporaine est extrêment simpliste au regard de la complexité des institutions, des politiques et des expressions des modes de pensée plus ancienne et il est très difficile, sauf en faisant des démarches complexes et coûteuses en efforts intellectuels (pas très à la mode cela), de comprendre cette complexité. Plus d’un si sont attelés avec sérieux, science et rigueur mais on ne les voit plus en prime time. Rappelez-vous : « Cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira ». Mais je m’arrête là au risque de lasser ! Merci pour ce petit échange.


    • Emile Mourey Emile Mourey 20 décembre 2007 18:58

      @ Sigefroid

      Merci à vous et à ceux qui ont bien voulu « venir à mon secours » pour faire des commentaires, car j’ai bien cru, un moment, me retrouver tout seul face à un écran silencieux. Se poser des questions sur l’homme, c’est aussi s’interroger sur ses valeurs et ce n’est pas simple.


  • brieli67 20 décembre 2007 15:15

    enfin la nature psychanalytique de l’homme nous sommes encore très loin d’avoir analysé la « psychée » sociale. C’est pourquoi Emile a droit de cité et aux chapitres. Sa remise en cause ses mises au point ses éclairages ont la joie et le plaisir d’exister. Ses lacunes aux yeux d’historiens plus académiques sont contrebalancées par sa soif de cultures classiques et par sa vision militaire ordonnée.

    A la source de grands conflits passionnels ce sont toujours des faits simples et difficiles à admettre comme réalités et qui peuvent se transformer en mensonges d’Etat callefeutrés avec leur/res dynamiques propres à l’insu de tous..

    Un exemple simple. Au statut « elu » par ses pairs d’ Empereur du SERG on lui confie une Armée des terres et des villes « libres » cad sans autre seigneur intermédiaire. Francfort est cette capitale du royaume « ville libre » avec son Palais le Römer. Soit dit en passant l’illustre Göthe le Prince des Poêtes et Penseurs n’est rien de moins que le fils et le petit-fils du chef du cabinet des affaires impériales du « roi » d’Autriche. Quelles conséquences de cette « entreprise » sur l’Europe sans la Révolution française régicide et laïque ?

    Donc en 17o3 en accord avec tous ses vassaux l’Empereur SERG pour batailler ferme contre le Turc vend de ses biens impériaux en Alsace au Roi de France et pour allécher ce gourmand une partie de ses biens personnels ancestraux de seigneur-brigand établi à la débouchure de la Mer Souabe le Lac de Constance. Un acte de vente toute féodale terres meubles et biens corps et âmes dont seigneurs et serfs.

    ah ! avec un François Premier plus petit et surtout moins con ce que la vieille Europe aurait pu gagner en humanisme et surtout éviter de fâcheuses querelles internes.

    Savez-vous que dans la Mitteleuropa au sortir des guerres napoléoniennes errait une « nation » vagabonde main d’oeuvre et artisans du monde paysan en temps de paix et en temps de guerre elle préparait et nettoyait les champs de batailles ? 1o-15 millions d’a/sociaux d’apatrides qui passaient entre les filets des administrations...dont les juifs ne sont qu’une partie de l’iceberg. Les campagnes n’étaient pas aussi vides en 1648....après la Guerre de Trente ans.

    Pourquoi ces mensonges et ces hommes-missions ?


  • Antenor Antenor 20 décembre 2007 17:28

    En dehors du « Nouveau Testament », quelles traces écrites a-t-on des apôtres ? A-t-on retrouvé par exemple des archives romaines faisant référence aux martyrs de Pierre et Paul à Rome ou des miracles de Jean en Grèce ?

    Je reviens sur le cas de l’église de Gourdon dont un détail m’intriguait : la voûte soutenant le mur où est dessiné une des fresque est un arc brisé habituellement associé au style gothique donc logiquement pas antérieur au XII ème siècle. Beaucoup d’églises romanes ont des arcs brisés en plus de leur traditionnels arcs en plein cintre. On considère qu’ils ont été ajoutés lors de travaux de rénovation. Si la fresque date du 1er siècle av JC il y a un léger problème de 1000 ans... J’ai creusé la question et appris non sans étonnement que les arcs brisés étaient déjà connus des Assyriens près de 1000 ans avant notre ère ! Il est donc tout à fait concevable techniquement que « l’église » de Gourdon ait été bâtie au premier millénnaire avant JC avec ses arcs brisés dès l’origine.

    http://www.romanes.com/Gourdon/Notre_Dame_de_l_Assomption_de_Gourdon_0022.h tml

    http://www.romanes.com/Gourdon/Notre_Dame_de_l_Assomption_de_Gourdon_0007.h tml

    L’arc sous la fenêtre est de plein cintre « roman » mais celui au dessus est brisé « gothique ». Bien qu’elle soit dégradée, on voit que la fresque montait jusqu’au plafond.


    • Emile Mourey Emile Mourey 20 décembre 2007 18:36

      @ Antenor

      La source principale et suffisante est l’historien juif Flavius Josèphe qui écrivait sous la protection de Vespasien après la victoire de celui-ci sur les Juifs en 70 après J.C.

      Dans ses Antiquités judaïques, il écrit textuellement ceci : « Tibère Alexandre fit crucifier Jacques et Simon, fils de Juda de Galilée, qui du temps que Cyrénius faisait le dénombrement des Juifs, avait sollicité le peuple à se révolter contre les Romains »

      Il s’agit là d’une crucifixion à haute portée politique que Flavius Josèphe ne pouvait pas ne pas mentionner. Ce Simon de Flavius Josèphe correspond au Pierre des évangiles. En ce qui concerne Saül/Paul, il est probablement mort dans les troubles qui ont suivi la guerre de Jérusalem de 70 mais rien ne dit qu’il ait été crucifié. De toute façon, il n’est pas mort à Rome, puisque après y avoir séjourné, il était revenu en Judée. Quant à Pierre, comme l’écrit Flavius Josèphe, il a bien été crucifié mais cela ne s’est pas passé à Rome, ni la tête en bas. Quant aux autres crucifixions, elles devaient être assez fréquentes vu que c’était le mode de mise à mort des Romains.

      En ce qui concerne les arcs brisés et les arcs en plein cintre des églises, je considère qu’en faire systématiquement une particularité pour distinguer le roman du gothique est une erreur. En fait, c’est surtout parce qu’on construisait plus haut que l’arc brisé était préféré.


  • Antenor Antenor 20 décembre 2007 18:01

    @ Emile

    Le fait que Cléopas ait voulu être le Christ, est-ce le signe que la diaspora de Bibracte avait déjà des véléités d’indépendance religieuse avant l’apparition de Jésus ?


    • Emile Mourey Emile Mourey 20 décembre 2007 18:48

      @ Antenor

      La découverte des manuscrits de Qumrân nous permet de mieux comprendre ce qui s’est passé. On devine facilement comment le judaïsme messianique des Esséniens - lesquels n’étaient pas à Jérusalem - a cherché à supplanter le judaïsme traditionnel de la Ville et comment il s’est étendu, en force, dans toute la diaspora, notamment dans l’importante communauté juive d’Alexandrie et dans celle de Bibracte. C’est dans cette diaspora qu’est née « avant J.C. » une espérance de messie sous le nom de Cléopas. Mais en Galilée, l’importante communauté essénienne qui s’y trouvait s’est bien rendu compte qu’il lui fallait reprendre la tête du mouvement, d’où Jésus de Nazareth et l’effacement de Cléopas.


  • Forest Ent Forest Ent 20 décembre 2007 21:46

    « Pourquoi un Ethiopien ? Ne serait-ce pas, parce que dans l’imaginaire de l’époque, la pensée égyptienne serait née, comme le Nil, dans une lointaine et mystérieuse Ethiopie gouvernée autrefois par une mythique dynastie de femmes/pharaons du nom de Candace ? »

    Pourquoi pas un éthiopien ? Salomon n’a-t-il pas reçu la reine de Saba ? Et une communauté éthiopienne ne s’est-elle pas convertie au judaisme ? L’historicité de la reine de Saba est plus que douteuse, mais elle avait au moins une valeur sentimentale dans les textes, et les falashas existent bel et bien. (à propos des falashas, je ne saurais trop recommander de voir l’excellent film « vas vis et deviens »).


    • Emile Mourey Emile Mourey 20 décembre 2007 22:05

      @ Forest ent

      Bien sûr, mais si je peux me permettre, pour une fois, de parler en termes crus : la conversion d’un Ethiopien, l’évangéliste s’en fout. L’important pour lui, c’est de convertir l’importante et active communauté juive d’Alexandrie. La guérison d’un officier romain ou de son serviteur, l’évangéliste s’en fout. L’important pour lui, c’est de convertir (guérir moralement selon lui) les cadres de l’armée romaine. C’était bien vu, car ce sont bien ceux-là qui ont propagé la nouvelle religion.

      Autrement dit : cherchons d’abord la logique militaire et de l’Histoire, et ensuite seulement, essayons de comprendre le récit embrouillé à la mode juive de l’époque.


    • Forest Ent Forest Ent 20 décembre 2007 23:18

      C’est possible, mais cela interprète les intentions de l’époque. Il est possible que certains aient justement cherché leur salut tactique en dehors de l’empire romain. L’Ethiopie est « ailleurs ». C’est un « grand royaume lointain ».

      Certains assimilent la reine de Saba à une voisine plus proche et plus vraisemblable, et n’hésitent pas à la déclarer reine de l’« Arabie », c’est à dire du Yemen actuel. Le territoire de l’actuelle Arabie Saoudite a été judaïsé avant d’être christianisé.


    • Emile Mourey Emile Mourey 21 décembre 2007 10:47

      En effet, il existait en Arabie, autour de Médine notamment, de fortes colonies juives. Une partie de cette population a accepté d’entrer dans l’ummah de Mahomet, l’autre partie s’est exilée en Syrie.


    • Forest Ent Forest Ent 22 décembre 2007 19:33

      Il me semble qu’avant l’Hégire, cette région a eu quelques régimes monarchiques, alternativement juifs, chrétiens (nestoriens), et mazdéens, tout en conservant une forte empreinte de polythéisme au niveau local, Mahomed ayant finalement fait le lien entre « haute société » monothéiste et population polythéiste. A confirmer par un spécialiste.


  • Antenor Antenor 21 décembre 2007 00:30

    Dans ce contexte l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie serait une action de guerre psychologique de la part des Romains cherchant à effacer la mémoire des peuples qui s’opposaient à eux ?


  • Antenor Antenor 5 janvier 2008 12:13

    @ Emile

    De quoi tomber à la renverse :

    http://www.idumea.org/Etudes/Ecritures/B/Dispersion.htm

    Le reste du site a l’air sérieux et abondamment sourcé, il y a notemment un article sur la localisation du Mont Sinaï dont les conclusions ne sont pas très éloignées des vôtres.

    http://www.idumea.org/Etudes/Etudes.htm

    Il va bien falloir que le Rideau de Fer qui entoure l’Europe Antique dans la tête d’une bonne partie des chercheurs finisse par tomber.

    Je viens de lire l’Evangile de Jean pour la première fois et il me paraît étrange que le personnage de Philippe ne soit pas aussi renommé que d’autres apôtres comme Simon-Pierre.


    • Emile Mourey Emile Mourey 5 janvier 2008 14:40

      @ Antenor

      En effet, cette étude du professeur Terry M. Blodgett est absolument remarquable et s’accorde tout à fait aux thèses que j’essaie de développer sur le plan de la recherche historique.

      Il existe peut-être un obstacle, je dis « peut-être » : le fait que l’auteur semble se réclamer de l’Eglise des cent derniers jours dont je ne fais évidemment pas partie, ni de loin ni de près.

      L’auteur explique très bien comment l’expansion - l’influence - de la linguistique hébraïque s’est faite par le nord jusqu’à l’ouest, en Europe (et donc de cette pensée comme j’essaie de l’expliquer).

      En revanche, il ne met pas en exergue le mouvement d’influence qui est parvenu en Europe par le sud, après avoir transité par Alexandrie, ce qui est, à mon avis, tout aussi important, sinon plus.

      Sa longue digression sur le rassemblement d’Israël est juste sur le plan des citations mais, bien évidemment, je la réfute sur le plan de l’interprétation eschatologique qu’il en fait. A mon sens, il me semble que cette certitude d’un destin mondial affichée par les auteurs antiques de ces citations s’explique principalement par la foi que le peuple hébreu avait en son avenir. Une foi qui s’appuyait sur une histoire déjà conséquente.

      Je n’ai pas trouvé la page que vous m’indiquez concernant le mont Sinaï.

      Merci de m’avoir communiqué cette étude que j’ignorais totalement. Comme je vous l’ai dit, je ne suis pas linguiste mais je ne nie pas l’importance de cette science. S’il m’arrive parfois de critiquer certains experts dans leur façon de vouloir imposer leurs vues du haut de leur chaire, qu’ils soient archéologues ou historiens de l’art, je sais reconnaître les vrais savants. Parmi ceux-là, toute mon estime va vers des linguistes tels que les professeurs Dupont-Sommer et Tresmontant (notamment pour son interprétation linguistique de l’évangile de Jean). Mon originalité - mais cela tient peut-être à l’époque - est que, si je suis comme eux de formation catholique an départ, j’ai franchi le cap qu’ils n’ont pas voulu franchir en mettant l’institution en question.

      Meilleurs vœux.


    • Emile Mourey Emile Mourey 7 janvier 2008 11:41

      @ Antenor

      j’ai lu la page concernant le mont Sinaï. C’est intéressant mais les auteurs de cette thèse n’ont pas poussé leur raisonnement suffisamment vers le nord ce qui les aurait amenés à la montagne de Masada.

      Agoravox vient de publier mon dernier article.


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