Le national-libéralisme de Monsieur MACRON ?
Dans le maelström des prochains déplacements internationaux de notre star de Président, tout occupé à soigner ses images d’adoubement par les « grands » de ce monde, on risque d’oublier que ce sont les réformes économiques et sociales nationales du nouveau gouvernement qui nous prémuniront, ou pas, de la pression frontiste.
Il me semble que l’on peut classer, à la fois la « geste macronienne » de l’investiture et, les éléments du programme économique et social de la « France en marche », sous deux axes : nationalisme et libéralisme. Mais ne manque-t-il pas à ce dyptique une composante sociale solide ?
NATIONALISME
Sur le plan symbolique, la « geste macronienne » s’inscrit dans l’histoire de la France en tant que Nation : Célébrer Jeanne d’Arc ou déambuler, solitaire, dans la Cour carrée du Louvre , devant la pyramide mitterrandienne, c’est, symboliquement, inclure le nouveau Président dans la longue lignée des dirigeants du Pays, quels qu’aient pu être les régimes qui les ont portés au pouvoir, ce que confirme le discours d’investiture de Monsieur MACRON.
On peut voir également une part de nationalisme dans le fait de vouloir un ETAT FORT :
L’Etat macronien augmentera son budget de défense intérieure et extérieure.
Monsieur MACRON veut une gouvernance moralisée par une Loi sur la vie publique, ce qui sera la première priorité de son Ministre centriste de la Justice, Monsieur BAYROU. Le principe peut faire unanimité mais certaines dispositions interrogent : ainsi en est-il de l’évaluation et du remplacement éventuel de tous les directeurs d’administrations centrales , comme cela se passe aux USA .Or, l’exemple américain montre que ce système présente quelques désavantages : 100 jours après son investiture, Donald Trump, n’a toujours pas complété les organigrammes des principaux Ministères.
Qui plus est son exercice solitaire et autoritaire du pouvoir ne le met pas à l’abri d’erreurs manifestes, mettant sa crédibilité d’homme d’Etat en cause.
En France on peut espérer ne pas connaître une dérive de cet ordre avec Monsieur MACRON cependant, le changement systématique des directeurs d’Administrations centrales renforcera le pouvoir du Président et qu’y gagnerons-nous ? Pas grand-chose, la stabilité de l’Administration étant la contrepartie d’un quinquennat présidentiel qui n’a pas convaincu, nombre de citoyens regrettant le septennat.
Le gouvernement dirigé par un premier Ministre de droite est en plus prêt à contourner les prérogatives de l’Assemblée Nationale, à peine élue, par l’utilisation du 49.3 et des ordonnances sur les sujets sensibles.
L’Etat étendra ses prérogatives en reprenant la gestion du service de l’emploi, assuré jusqu’à présent par la société civile à savoir par les syndicats patronaux et salariés.
Si, personnellement, je suis favorable à une couverture du chômage de tous les actifs quels que soient leurs statuts : chefs d’entreprises, salariés, indépendants, je trouve abusif que l’Etat se présente comme leur « protecteur » en dernier ressort alors, qu’en réalité, ce qui ne sera plus payé par des « cotisations salariales et patronales librement débattues dans le cadre du paritarisme » le sera par les impôts prélevés sur les seuls particuliers actifs ou retraités par augmentation de la CSG.
Autrement dit c’est un transfert des charges de l’entreprise sur les particuliers.ce qui illustre parfaitement le national-libéralisme de Monsieur MACRON ,d’une part. et, d’autre part, fait peser un risque sur le niveau d’indemnisation du chômage qui pourra être revu à la baisse, du jour au lendemain, par les gouvernants successifs.
LIBERALISME
Il est faux de penser que le libéralisme ne s’accomode pas d’un état fort. Nationalisme et libéralisme se complètent.
Quelques illustrations : l’Etat peut s’immiscer dans vos relations privées via vos comptes facebook ou twitter ou en supprimant momentanément votre accès à internet par le biais d’entreprises que vous payez mais qui ne voudront pas se l’aliéner.
Lorsque l’Etat délègue une prestation dont le financement lui revient dans le cadre d’un partenariat public-privé , la construction et la gestion immobilière de l’hôpital par exemple, il peut parfaitement retirer son accréditation comme le font par exemple les entités territoriales pour la gestion de l’eau.
Cependant, on voit bien, comme pour la gestion très rentable des autoroutes, que se départir d’un tel partenariat n’est pas simple. Lorsque « l’oligarchie » navigue entre grandes entreprises et maroquins, que deviennent les intérêts des simples citoyens ?
La culture de l’évaluation est absolument cruciale pour guider les décisions publiques. Or, force est de constater qu’en matière de « culture de l’évaluation », Monsieur MACRON déroge « déjà » au programme figurant dans son livre « révolution ».
1/- Il ne tient pas compte, par exemple ,de l’évaluation du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) pour le tranformer en allègement définitif de cotisations sociales des entreprises alors que, suivant les dernières évaluations, cette mânes, payée par les impôts des particuliers, a amélioré les marges des entreprises,
- SANS améliorer l’investissement dans l’outil de production et,
- SANS créer de l’emploi voire le maintenir puisque des entreprises comme Whirlpool à Amiens délocalisent après avoir perçu le CICE.
2/- La loi EL KHOMRI est à peine promulguée que l’on envisage par ordonnance et 49.3 et SANS EVALUATION de son réel impact sur l’emploi de la compléter avec les dispositions libérales qui en avaient été écartées. Or, 17 Lois réformant le code du travail, depuis la suppression de l’autorisation administrative de licenciement, n’ont pas réduit le chômage : en quoi est-il si urgent de légiférer à nouveau ?
3/ En ce qui concerne la limitation des indemnités prud’homales et le « droit à l’erreur administrative » : les entreprises auront désormais non seulement « un droit à l’erreur » les exonérant d’amendes administratives mais en plus elles pourront provisionner l’indemnisation de leurs « fautes » dans l’exécution du contrat de travail.
Illustrons cela par un exemple : l’entreprise ne vous paye pas les heures supplémentaires que vous avez réalisées.
Pas de problèmes : l’URSAFF sera conciliante (droit à l’erreur) et les indemnités du salarié qui aura obtenu une requalification de la prise d’acte de ces faits fautifs, en rupture du contrat PAR LA FAUTE DE L’EMPLOYEUR n’aura que des dommages et intérêts réduits pré-financé par le CICE ?
4/ Concernant la fusion des institutions représentatives du personnel et la limitation du temps de travail que les salariés pourront affecter à cette activité :
Cette décision couplée :
- à une baisse des effectifs des contrôleurs de l’inspection du travail,
- et à une réduction des interventions de la médecine du travail par la loi el Khomri ,
constitue une réelle menace sur les conditions de travail et la santé des salariés.
Par ailleurs, on peut s’étonner du fait que l’on inverse la hiérarchie des normes, tout en ne donnant pas aux représentants des salariés le temps nécessaire pour s’informer sur la légalité des accords d’entreprise proposés par l’employeur.
5/ Concernant cette inversion de la hiérarchie des normes : on peut avoir un à priori favorable sur le fait que les décisions de gestion des entreprises sont prises en concertation avec les salariés.
Malheureusement, mon expérience prud’homale que ce soit celle de juge, ou de présidente de conseil de prud’hommes, m’a rendue très réservée quant au pouvoir réel de négociation des accords d’entreprise par les salariés .
Il manquerait donc à notre diptyque macronien une sensibilité sociale par laquelle l’Etat mettrait une limite au libéralisme pour la protection EFFECTIVE des plus précaires.
Illustrons cela par un exemple : siégeant en référé dans le bassin d’emploi de Bourgoin Jallieu, nous avons vu se présenter, le Conseiller employeur et moi, une dame seule, sans avocat, travaillant dans le secteur de l’aide à la personne et se plaignant d’un solde de tout compte après licenciement économique mettant à sa charge un remboursement de trop perçu de salaire.
Cette dame avait un CDI à temps partiel de 20 heures pour des prestations d’aide aux personnes agées. Lorsqu’un des clients de son employeur décèdait, un accord d’entreprise prévoyait que si l’employeur ne trouvait pas un autre client, la salariée, qui perçevait un salaire mensuel forfaitaire pour ses 20 heures de travail ? devait restituer le trop perçu.
Cet accord d’entreprise par lequel le risque entrepreneurial est en réalité assumé par la salariée est TOTALEMENT ILLEGAL car, en France, le contrat à « 0 heure » n’existe pas contrairement à la Grande Bretagne.
Les juges de référé que nous étions avons pu rectifier sur le champ le solde de tout compte de la salariée et lui faire payer ses indemnités de licenciement économique légales,du fait qu’un accord de modulation du temps de travail de la branche prévoyait une validation préalable à la mise en œuvre des accords d’entreprises du secteur. Or, cet accord d’entreprise n’avait pas été soumis à validation, l’employeur sachant parfaitement qu’il était illégal.
S’il n’y avait pas eu cette validation, nous aurions dû demander à cette personne de présenter sa demande AU FOND avec un temps d’attente pour la décision de l’ordre d’une année ,au lieu d’une réponse le jour même, car il aurait fallu faire juger de l’illégalité de l’accord.
Voilà pourquoi j’estime que tous les accords d’entreprises doivent être soit ,validés par la branche d’activité, soit, conformes à une loi .
Inverser les normes sans AUCUN GARDE FOU, c’est risquer de précariser plus encore les plus précaires des salariés, d’autant que l’inversion du calendrier des réformes fait qu’aucune CONTREPARTIE EN TERME DE PROTECTION NE SERA « EN MEME TEMPS » proposée aux actifs, contrairement à ce que Monsieur MACRON nous a expliqué tout au long de sa campagne présidentielle.
Dans ce contexte, la nomination de Madame PENICAUD au Ministère du travail où quoi qu’elle puisse faire, elle se trouvera confrontée à un premier Ministre et un titulaire de Bercy de droite ne peut qu’inquiéter.
Donner à l’Assemblée Nationale des contre-pouvoirs semble nécessaire pour qu’une large concertation puisse avoir lieu AVANT TOUTE REFORME et que le programme lacunaire de Monsieur MACRON puisse être amendé.
A défaut , LE NATIONAL-LIBERALISME macronien pourrait devenir une forme souriante de TOTALITARISME.
Pour compléter votre information, une intéressante émission « mondialistes contre nationalistes vraiment ? ». par Jean-François Bayard