Le projet inquiétant du muséoparc d’Alésia
« Heureusement il perdit, sans cela nous ne serions pas ce que nous sommes ». Tout est dit dans cette simple phrase que se plait à prononcer M. Christian Goudineau, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire des Antiquités nationales. Tout est dit quand on sait que ce professeur est l’auteur d’un ouvrage dans lequel il s’évertue à déconstruire le mythe de Vercingétorix. Tout est dit quand on constate qu’il a réussi à imposer ses idées au sein du conseil scientifique qui a élaboré le projet scientifique et culturel du Muséoparc d’Alésia. http://www.alesia.com/fic_bdd/pdf_fr_fichier/12436063360_11964276410_PSC_extraits.pdf
Je connais les ouvrages de M. Goudineau et sa pensée. Que des responsables politiques n'aient pas eu le discernement qu'il aurait fallu pour éviter les douloureux conflits que l'Europe a connus, c'est un fait, mais rejeter implicitement la faute sur des patriotes suspectés de nationalisme et remonter jusqu'à Vercingétorix pour le rabaisser, et avec lui, tous les combattants gaulois d'Alésia, non, il y a là quelque chose d'incohérent et d'inacceptable.
En présentant, de facto, le combat des Gaulois d'Alésia comme un exemple qu'il ne faut pas suivre, et ainsi de suite, une certaine bien pensance actuelle en arrive à faire l'apologie du défaitisme.
M. Christian Goudineau a le mérite d'être clair mais il va trop loin dans sa critique du héros gaulois et de la Gaule. Voici la conclusion de son ouvrage qu'il dédie en quelque sorte - la chose est étonnante - au grand patriote que fut Camille Jullian... Ce portrait (de Vercingétorix) nous l'offrons à nos concitoyens. Vous vouliez qu'ils pensent à la patrie. Moi, je souhaiterais qu'ils réfléchissent à la manière dont l'histoire crée ses héros.
Voyons maintenant comment le muséoparc a monté son entreprise de lavage de cerveaux.
Vous êtes un touriste, peut-être même un touriste étranger. Vous envisagez de venir au muséoparc d'Alésia pour voir le site, le champ de bataille et pour qu'on vous explique le déroulement des combats. Je crains que vous ne soyez déçu. En lisant le projet, je crois comprendre que c'est le visiteur qui construira lui-même son raisonnement à partir des données archéologiques... Exit le militaire... exit Emile Mourey et ses nombreux articles d'Agoravox concernant la bataille... la bataille ? Un simple fait événementiel qui ne mérite d'être signalé que dans la chronologie d'une histoire qui le dépasse.
Bien sûr, j'étais prévenu dès le départ... Avant d'emprunter les circuits balisés, les visiteurs sont invités à s'imprégner de l'histoire du lieu… ainsi qu'au mythe des origines gauloises et au mythe de Vercingétorix… Le neuvième pôle développera le thème du mythe.... Autrement dit : la fournaise de la bataille, la succession des combats, la stratégie des deux adversaires, la grande scène de la reddition décrite par les auteurs anciens, l'émotion à laquelle le spectateur pourrait, à juste titre, se laisser aller, tout cela risque bien de passer à la trappe. L'important est de déconstruire le mythe. De l'émotion, oui, mais seulement devant des objets archéologiques. Haro sur le mythe ! Touristes étrangers, retenez au moins une chose d'Alésia : le MYTHE ! Ah, ces Français, direz-vous en partant, ils ne font jamais les choses comme les autres ! Ni comme l'Egypte si habile à attirer les touristes au pied de ses pyramides, ni comme Jérusalem si fière de son histoire, ni comme d'autres qui exploitent à bon escient le moindre petit fait historique.
Mais revenons au coeur du projet. Je cite : La construction orientée de l'histoire se retrouve au XIX ème siècle dans l'historiographie de la Gaule et des Gaulois et dans l'apparition de la légende de Vercingétorix - Voilà quelque chose de très fort : Vercingétorix, personnage légendaire, n'aurait peut-être même jamais existé. Je continue : Nombre d'auteurs, dépourvus de formation - j'en prends plein mon grade - publient des ouvrages sur la Gaule - c'est mon cas - et y développent une haine contre César et les Romains - n'exagérons rien ! - exaltant le héros national incarné par Vercingétorix - mea culpa, mea maxima culpa !
En revanche, au sein du public cultivé, se (sic) sont des thèses proromaines qui se manifestent : elles montrent comment la Gaule se tourne vers la civilisation et le caractère inéluctable de ce fait, même s'il s'accompagne d'une défaite. Pour ceux qui ne l'auraient pas encore compris, c'est clair : le muséoparc d'Alésia sera pro-romain.
En contrepoint de ce projet, voici, cher touriste, les questions qui ne seront pas traitées au muséoparc d'Alésia.
A Alésia, de quel côté était le juste droit ? Du côté de César ou du côté des Gaulois ?
Que Jules César ait été animé par une volonté de construire un monde nouveau centré sur une Rome qui allait étendre au plus loin sa "pax romana", je ne le conteste pas mais qu'on ne refuse pas aux Gaulois d'Alésia les motivations parfaitement justifiées de leur engagement jusqu'au sacrifice suprême.
Car enfin, il faut vraiment être aveugle pour ne pas voir dans le combat de Vercingétorix et de ceux qui l'ont suivi l'extraordinaire moment où nait notre nation. La preuve ?...
... il suffit de lire les déclarations de Vercingétorix rapportées par César lui-même.
Je ferai de toute la Gaule un seul conseil dont personne au monde ne pourra contester les décisions dès lors qu'elles auront été prises dans une volonté commune (DBG VII, 29). Faire dire à ce passage que "personne au monde ne pourra nous résister", comme cela est écrit sur le socle de sa statue, est une énorme maladresse qui fait dire au chef gaulois ce qu'il n'a jamais dit, tout en le présentant comme un barbare prétentieux.
Ce sont les ruses, le courage et la ténacité des combattants gaulois qui vaincront César (VII, 29).
Si j'ai conduit cette guerre, ce n'est pas pour moi mais pour la liberté de tous. Puisqu'il faut céder à la fortune, tuez-moi ou livrez-moi vivant aux Romains, puissent-ils se satisfaire de mon sacrifice ! (VII, 89).
Les vérités sur les Gaulois que le muséoparc ne vous dira pas.
Sur le druide suprême Divitiac. Sa loyauté était grande ainsi que son esprit de justice, et sa modération, remarquable (I,19). Il avait au plus haut point la faveur du peuple (I,3)... Après une victoire de César, Divitiac parla ainsi : Je te demande, ô César, de les traiter avec clémence et bonté (II, 16).
Sur les Eduens : D'autres pays s'étaient joints à eux, car ceux qui étaient entrés dans leur amitié se rendaient compte qu'ils étaient mieux gouvernés et avec plus de justice, et que pour le reste, leurs rapports étaient marqués de davantage de dignité (II-12).
Sur l'insurrection : Vercingétorix, s'exclamèrent-ils, est le plus grand des chefs. Sa loyauté ne peut être mise en doute. Personne ne peut mieux que lui conduire la guerre » (VII, 21)... Il fallait placer la liberté au-dessus de tout (VII, 37). Lors de l'assemblée générale de toute la Gaule, on vint en foule de partout . On décida de s'en remettre aux votes de la multitude (VII, 63).
Sur Alésia : On décida d'appeler sous les armes, non pas tous ceux qui étaient en mesure de les porter, comme l'avait demandé Vercingétorix, mais seulement un nombre déterminé de contingents à fournir par chaque cité. On craignait en effet de se trouver devant des problèmes insolubles d'organisation du commandement et du ravitaillement, s'il avait fallu mener au combat une trop grande multitude (VII, 75). 8 000 cavaliers, 240 000 fantassins environ vinrent de tous les coins de la Gaule. On en fit le recensement sur le territoire des Eduens...Tous partirent pour Alésia pleins d'ardeur et de confiance. Comment pouvaient-ils imaginer qu'on pût résister en même temps, d'un côté à une telle multitude et de l'autre côté aux attaques lancées depuis l'oppidum (VII, 76).
Les vérités sur César que le muséoparc ne vous dira pas.
César fait vendre à l'encan les 53 000 habitants d'une capitale (II, 33). Après sa victoire sur les Vénètes, Il fait mettre à mort tous les sénateurs et vend le reste à l'encan (III, 16). Chez les Morins et les Ménapes, il ravage la campagne, brûle les bourgs et les fermes ((III, 29). En Germanie, chez les Sugambres, il incendie tous les villages, les bâtiments et coupe le blé (IV, 19). En (Grande) Bretagne, il se replie sur son camp non sans avoir incendié toutes les maisons sur une vaste étendue (IV, 35). Il fait exécuter Dumnorix qui ne veut pas embarquer (V, 7). Chez les Nerviens, il enlève le bétail, accumule le butin, dévaste les campagnes (VI, III). Chez les Ménapes, il incendie fermes et villages, s'empare de beaucoup de bétail (VI, 6). Il part chez les Eburons avec l'intention d'exterminer cette race maudite (VI, 34). Il dévaste leur pays (VI, 44). Il ravage le pays arverne qu'il traverse (VII, 8). Il pille et brûle Orléans. Il fait don du butin aux soldats (VII, 11).
A Bourges, après la prise de la ville, les habitants, vieillards, femmes et enfants, sont massacrés devant un César impuissant à empêcher un tel déchainement de sauvagerie (VII, 28).
Après Alésia.
César sème la terreur en pays biturige (VIII, 3). Il s'acharne sur les Carnutes, installe ses troupes dans les maisons des Gaulois. Sa cavalerie bat la campagne et rentre, le plus souvent, chargée de butin (VIII, 5). Il dévaste et "depopulare" le pays d'Ambiorix (VIII, 24). Il fait frapper de verges jusqu'à évanouissement le Gutuater des Carnutes et le fait achever à la hache. Par mesure de clémence, il se contente de faire couper les mains aux défenseurs d'Uxellodunum (VIII, 44).
Comment résister au lavage de cerveaux ?
En premier lieu, il vous faut rester sceptique si on essaye de vous persuader que ce qui a été écrit par les auteurs anciens ne correspond pas à la réalité. Si vous avez adhéré à la théorie anti-mythe précitée, vous êtes piégé. Vous êtes désormais prêt à avaler n'importe quoi concernant la période dite gallo-romaine.
En deuxième lieu, il ne faut pas céder au chantage d'une archéologie dite scientifique. Toute interprétation est humaine et l'archéologie n'échappe pas à cette problématique.
Vous voilà prévenu. Votre intérêt premier pour l'Alésia gauloise, on va essayer de le réorienter en inventant une Alésia gallo-romaine à partir des vestiges de la ville gauloise que César a parfaitement localisée sur le mont Auxois. Et pour cela, on va vous représenter une ville aux belles pierres lisses soigneusement appareillées de type romain. Bien sûr, comme on vous l'affirmera, aucun rapport avec une ville gauloise de torchis. Les Romains sont parmi nous.
Votre intérêt premier pour l'Alésia gauloise, on va également le réorienter en mettant en scène une Alésia chrétienne. Pas question, bien sûr, de faire un lien de continuité avec la riche pensée mystique des Gaulois d'avant la bataille. Les Romains sont parmi nous.
Et Vercingétorix dans tout cela ? Oublié ! Passé comme un météore insignifiant ! Simple accident de l'histoire qui mérite tout juste qu'on en parle. Ressuscité au XIXème siècle par d'affreux nationalistes.
Et pourtant, en l'an 21 après J.C., quand Sacrovir rappelle à ses troupes l'ancienne gloire des Gaulois, à qui pensait-il sinon, entre autres, à Vercingétorix ? Et Vindex et tous ceux qui ont appelé à la liberté et à l'insurrection contre Rome, ne s'inscrivaient-ils pas dans les pas du héros gaulois ?
Le mythe des archéologues français.
Maintenant, si vous réfléchissez bien, si vous prenez la peine de lire mes autres articles qu'Agoravox a bien voulu publier, vous pourrez relever les très nombreuses erreurs des archéologues et des historiens concernant ce site privilégié. Vous devriez comprendre qu' il n'existe ni preuves, ni indices, qui puissent justifier d'une supériorité de civilisation de Rome sur la Gaule ou de la Gaule sur Rome. L'image d'une Gaule barbare qui aurait reçu la civilisation de Rome comme un cadeau est un mythe.
Bibliographie.
Le dossier Vercingétorix de Christian Goudineau, éditions Actes Sud/Errance, 2001.