lundi 14 avril - par Mervis Nocteau

Une Brève Histoire druidique, jusqu’à la Charte éthique des Druides l’année dernière

Laissez-moi vous raconter une brève Histoire...

« Nos Ancêtres les Gaulois » sont avant tout de Grands Anciens, puisque leur culture celte s'est dissoute dans la romanité puis la féodalité, tandis que quelques évolutions génétiques ont eu lieu depuis leur époque. Plutôt que de purs prédécesseurs, donc, les Gaulois sont – au sens juridique du terme – des précédents, et d'autant plus que leur souvenir s'est perdu dans la féodalité, avant d'être remis au goût du jour romantique et national depuis deux-trois siècles.

 

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Source de l'image : Merlin, 1998
de Steve Barron, avec Sam Neill dans le rôle titre.

 

Étendus au Nord de la ligne courant de Bordeaux à Nîmes jusqu'au Rhin, en longeant le Danube vers l'Ouest, les Celtes n'étaient pas tous Gaulois, mais les Gaulois étaient des Celtes. En outre, il y eut des Celtes au Centre-Nord de la péninsule ibérique, et des Gaulois se firent Brittons puisqu'on trouve des noms de clans insulaires comparables aux clans continentaux.

C'est qu'en fait, dans l'ensemble, le noyau des peuples proto-celtiques est le même que celui des peuples proto-danes (i.e. proto-germano-scandinaves), proto-slaves, proto-romains, etc. : issu d'Europe Centrale, à la fin du IIème millénaire/début du Ier millénaire avant le Crucifié, ses ramifications se sont acculturées selon les contrées où elles se répandirent. Avant tout, c'est une culture matérielle qui a fait ses preuves, et qui charria avec elle des éléments de culture spirituelle, qui firent divers précipités celtes, danes, slaves, romains, etc. – comme on dit en chimie.

Toute une aire culturelle, encore plus anciennement d'un ou deux millénaires, indo-européenne c'est-à-dire yamna, ayant elle-même fait précipité avec le peuplement pré-yamna, tout en continuant de connaître des éléments non-yamna et péri-yamna, à travers les âges – au hasard : basques.

Dans le domaine celte, il est présumable, grâce à des méthodes d'anthropologie comparées éprouvées, que l'Antique Druidicat perpétua et assuma, dans notre péninsule eurasiatique, ce qui était l'Antique Brahmanat dans la péninsule indasiatique. Vraiment, nous nous retrouvons, avec les Antiques Druides et Brahmanes, face aux Devenirs de la même fonction sacerdotale originairement yamna, précipitée sur des territoires eurasiatiques et indasiatiques différents. Ainsi faut-il naturellement les différencier : l'Antique Brahmanat correspondait à une caste rigide, tandis que l'Antique Druidicat ressortait de l'aristocratie celte dans un contexte historique de domination culturelle phénicienne, puis hellénique et punique, en Méditerranée et sur l'Arc Atlantique jusqu'en Ecosse (cf. la légende de la princesse Scota, qui sonne comme les Scots d'Irlande et d'Ecosse, d'origine égyptienne quant à elle) : il y a une genèse atlantico-hallstatienne du celtisme.

Comme on sait, avant l'époque contemporaine, l'Inde était structurée en quatre castes, à savoir : les sacerdotes Brahmanes, les guerriers Kshatriyas, les cultivateurs, artisans et commerçants Vaishyas, ainsi que leurs serviteurs Shudras ; avec enfin, un amas de parias connus sous le nom d'intouchables... or, rien ne permet de dire que les Celtes furent aussi rigides, quand même existe un comparatisme anthropologique yamna, éprouvé depuis l'invaincu Georges Dumézil.

Les Antiques Druides, disais-je, ressortaient de l'aristocratie celte : les hommes formaient des sacerdotes, hommes et femmes/Druides & Druidesses, qui avaient grand pouvoir auprès des autres aristocrates, puisqu'ils pouvaient s'exprimer avant eux. Certes, les chefs respectaient les Druides au risque de leur honneur voire de leur vie, de même que les clans respectaient leurs chefs : la puissance politique du Druide était forte, et la Druidesse initiait même les guerriers. Tout ceci nous semble plus familier que les castes, puisque l'Eglise fonctionnerait largement ainsi durant la Féodalité, alors la sanction tombait en cas d'irrespect de l'ordre établi.

Elle est loin ! la bonhomie du Panoramix de Goscinny et Uderzo, ou la risibilité du Merlin d'Alexandre Astier... même la discrétion, l'enchantement et la féerie du Merlin arthurien, s'en éloigne ! (Néanmoins, la photo illustrant cet article reste proche des textes filiques irlandais.) Alors je vous laisse imaginer quoi penser des modernes associations écospirituelles.

 

Les modernes associations écospirituelles

Ou plutôt, non, je ne vous laisse pas imaginer. Au contraire, il faut aller plus loin dans l'éclaircissement. À commencer par ce qui se fait aujourd'hui, qui est éventuellement de l'ordre, parfois purement lucratif, de l'attrape-nigaud en mal de vivre à l'ère « étatico-industrielle ». Il est vrai que c'est une ère, dite « (néo)libérale », qui en pratique s'est déployée à travers la striction bureaucratique et ploutocratique du monde, « (techno)capitaliste », qui accoucha des fascismes, au siècle dernier.

C'est-à-dire qu'y domine une « raison commerciale » élaborée à partir des empires coloniaux et leur première mondialisation, industriellement révolutionnés par la machine à vapeur puis le moteur à explosion, à partir des travaux systématiques et statistiques, de l'ingénierie qui planifie tout – jusqu'à la souplesse éventuellement accordée. Cette mentalité, productiviste jusqu'au fascisme, a été de nombreuses fois critiquée, et c'est toujours elle qui, aujourd'hui, fait craindre quant à la domination numérique, par exemples à travers l'intelligence artificielle ou le crédit social chinois.

De sorte que les envies d'échappatoires soient nombreuses, et que le Druidisme passe pour une telle échappatoire, une écospiritualité sans règle, contrairement aux religions monothéistes, notamment chrétiennes, quant à l'héritage européen, puisque l'oecuménisme fait figure « d'étatico-industrialisation » de la croyance : il accompagna d'ailleurs la colonisation, redoublant les standards gestionnaires avec ses standards moraux – sur la base du dogmatisme juif, et imité par l'expansionnisme islamique.

On s'imagine druidiquement pouvoir échapper à tout cadre, il y a un libertarisme hérité des années 1970, et les associations francophones sont farouches les unes à l'égard des autres, notamment françaises, chacune courant à l'entêtement externe, quoi que sensible à sa manière, en interne. Cependant, le Royaume-Uni ou l'Espagne ont des reconnaissances légales, tandis que de manière générale le sécularisme occidental et la laïcité, permettent de se revendiquer druidiste.

C'est-à-dire qu'il n'y a pas que des Druides & Druidesses affiliés à la tradition, qui se disent druidistes, mais bien toute un fatras de personnes plus ou moins écospirituelles qui, du moment qu'il leur semble avoir un lien avec la nature, s'affublent du titre de (pseudo)druide, au prétexte que « les Anciens auraient été plus proches de la Nature que nous »... sans comprendre que leur relatif naturalisme est moderne.

L'argument écospirituel, en plus des affres du monde actuel, consiste à dire que les Anciens Druides & Druidesses devaient être de grands herboristes, énergéticiens et magnétiseurs. C'est toujours l'image de Panoramix qui est indécrottable. Si, certainement, certains Druides & Druidesses furent herboristes, énergéticiens et magnétiseurs, le fait est que par mode de vie, tous les Anciens vivaient inévitablement plus proche de la Nature, pour le meilleur et pour le pire. Aussi avaient-ils tous de meilleures connaissances botaniques et animales que nous, entre pharmacie et boucherie. La posture druidiste est ici, encore et toujours, une révolte contre le monde moderne, pourtant presque incapable de se passer d'Internet – comme tout le monde.

Et c'était sans parler de ce que le territoire actuellement français, était antiquement plus déboisé qu'aujourd'hui : l'empathie forestière ? L'Antique Druidicat ne connaissait pas ; le Dieu Ogme rêve de combattre des arbres animés hostiles, la Déesse Tailtiu – pourtant Mère Nourricière – fait raser une forêt. Toute la question étant alors de savoir, si les Anciens se seraient réellement effrayés de notre époque. Ils l'auraient certes jugée extra-ordinaire, hors-normes, par rapport à leurs références. Enfin je ne vais pas vous réinventer les Visiteurs...

 

D'hier à aujourd'hui

Si donc, nous pouvions prendre en photo le Druidisme actuel, et juxtaposer cette photo avec un cliché de l'Antique Druidicat, nous serions certes obligés de reconnaître avec la thèse de Grégory Moigne, qu'il n'y a aucun rapport entre celui-ci et celui-là : il n'y a pas d'aristocratie celte, pas d'aristocratie reconnue tout court, de laquelle émaneraient des sacerdotes ayant plus d'autorité que les chefs, désormais.

Il y a un naturalisme romantique amateur de la vie sauvage, tandis qu'antiquement il y avait une préférence pour l'artefact. Tout en plus, certaines lisières étaient-elles aspectées, qu'on marquait pourtant du sceau humain – d'un artefact tel qu'une pierre dressée, mieux : d'un autel, ou encore d'un enclos. Ceci change les choses, d'autant plus que l'essentiel du culte se pratiquait dans des sanctuaires enclos, avec une fosse à sacrifices animaux, ornés des crânes et des armes des vaincus rendues hors d'usage.

Le Druide & la Druidesse contemporains sont souffreteux, à côté de cela, sans compter que leurs connaissances spirituelles sont en berne. Bien entendu, il existe des courants nourris au petit lait des textes celtiques insulaires, ainsi que de l'archéologie : gloire à eux ! Mais combien, à côté, font profit du « développement intuitif et sensoriel » ? Combien s'ébaubissent parmi les lieux sauvages, ou encore les mégalithes – alors que le mégalithisme est antérieur aux Celtes et même aux Yamnaya, d'une bonne paire de millénaires ?

 

Une tradition

Il y a certes archéologiquement, l'un ou l'autre site mégalithique, dont on a la preuve qu'ils furent aussi exploités à l'ère celtique. Après tout, leur étant postérieurs, des Celtes purent bien en faire quelque chose. Le hasard voulant que la culture mégalithique soit probablement aussi née en actuelle Bretagne, des ères avant la Bretagne (qui date des premiers siècles après le Crucifié), des ères avant l'Armorique (qui date du millénaire avant le Crucifié), comme on a compris.

Au Pays Basque, avec le pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle qui passe par là, on raconte que les jakinak (singulier jakin en basque, prononcé « à l'anglaise », et signifiant : les sages, les savants) ont construit les mégalithes, qui dominent aussi la contrée, et que par assonance on les associa à Jacques le Majeur, patron de l'Espagne, sous le coup de l'hégémonie chrétienne... où l'on change de registre.

Ce registre est celui des bâtisseurs, c'est-à-dire, si vous vous souvenez bien, celui des troisième et quatrième castes indiennes – celles des travailleurs : rien à voir avec les sacerdotes issus de la première caste, de telle sorte que l'on puisse dire que les Antiques Druides & Druidesses se mêlaient peu de choses artisanales.

Pourtant, il est assuré que certains Druides & Druidesses furent de grands techniciens dans leurs domaines ; les forgerons étaient probablement druidiques, en tant que maîtres du feu et du façonnement. Les savoir-faire se transmettaient d'homme à homme, de corps de métiers à corps de métiers, voilà encore quelques décennies maintenant.

Durant la féodalité que nous connaissons bien, c'étaient les corporations de métiers et leurs compagnonnages plus ou moins francs, qui assumaient cette charge : les cathédrales leur doivent quelque chose. C'était l'époque de la franc-maçonnerie dite « opérative ». Car la franc-maçonnerie, ce n'est pas une marionnettiste institutionnelle, surtout pas « l'opérative ».

Bon, tout d'abord, il faut mettre cet « opératif » entre guillemets, en effet, car cette franc-maçonnerie ne se passait pas de spéculations, comme on dit qu'à partir du XVIIIème siècle, naquit une franc-maçonnerie « spéculative ». C'est-à-dire que la franc-maçonnerie précédente, spéculait au moins mathématiquement... mathématiques, que l'on rangeait dans la philosophie alors, puisque la philosophie désignait l'ensemble des connaissances.

Un philosophe était un connaisseur (le doctorat anglo-américain se nomme toujours Philosophiae Doctoris, PhD même en sciences) et l'on avait donc des philosophes tout à fait techniciens, capables d'opérations intellectuelles et artisanales, à la manière des pré-socratiques (Thalès, Pythagore, Démocrite...) en cette première franc-maçonnerie – ou plutôt ces francs-maçonneries, puisqu'elles se dispersaient en Europe, quoi que le compagnonnage se concentrât sur le territoire de l'actuelle France...

Mais, étant donné que les connaissances se mêlaient d'ésotérisme, les spéculations allaient déjà au-delà de la seule technicité, sur des éléments initiatiques. Ces éléments peuvent-ils être qualifiés de druidiques ? Non, puisque l'époque avait déjà changé, et que l'Antique Druidicat s'éteignit avec Rome et la christianisation. Néanmoins, rien ne permet, non plus, de s'opposer à l'idée d'un héritage au moins artisanal... en cette même époque où le Filisme en Irlande, et le Bardisme au Pays de Galles, sur les Grandes Îles du Septentrion européen, reprenaient le mythe celte.

Or, pour reprendre la métaphore des photos d'une époque : si nous parvenions à obtenir un cliché de l'initiation artisanale doublée du Filisme et du Bardisme, des VIIIème au XIIème siècle (dernière mention d'un « Druide » conseiller de roi irlandais au IXe siècle, premier Eistedfodd – concours bardique – attesté au XIe) il n'aurait rien à voir ni avec l'Antique Druidicat, ni avec le Druidisme. Mais ces dates sont importantes, puisque c'est en ces époques, que démarra ce qu'on nomme aujourd'hui « la matière de Bretagne », sur le continent – dont fait partie le fameux cycle arthurien.

Une matière, que la littérature cultiva jusqu'à la Renaissance, époque de l'humanisme chrétien, où l'on réactualisa l'antique littérature helléno-romaines dans le christianisme par la voie musulmane, de même qu'on avait réactualisé l'antique oraliture celto-dane dans le christianisme par la voie chrétienne. Mais la voie musulmane, sur une base antiquement lettrée et elle-même lettrée, fut plus respectueuse que la lettrée voie chrétienne, fatalement, voie chrétienne qui pratiqua allègrement des amalgames.

Dans l'ésotérisme toujours, le Devenir sociohistorique, qui n'était plus l'Antique Druidicat et pas encore le Druidisme... sans être resté non plus ni l'initiation artisanale, ni le Filisme ni le Bardisme... l'ésotérisme, disais-je, comme toujours, fit des analogies, des correspondances. Finalement, il y eut même une période, de la Renaissance (XVème-XVIème siècles) au XIXème siècle (ère coloniale et industrielle à plein, emblématiquement victorienne) où la matière de Bretagne fut oubliée : les Brittaniques préféraient se revendiquer de Guillaume le Conquérant, des Danes, des vikings... avant le nazisme !

Mais c'est le romantisme et son nationalisme populaire, notamment breton, qui remit au goût du jour le celtisme, jusqu'à la celtomanie. Les connaissances historiques étant en formation, avec les erreurs qu'elles comportaient, même le Portugal, la Galice, les Asturies et la Cantabrie, ont fini par se croire celtiques, alors qu'antiquement c'étaient des contrées proto-italo-ligures, doucement ibérisées et celtisées par les Celtes du centre péninsulaire (l'expansion romaine charria le reste) et une faible migration galloise, en même temps qu'en Bretagne sur les Gallo-Romains armoricains.

Au XVIIIème siècle notamment, la franc-maçonnerie « spéculative » d'Oxford à Londres, relança cahin-caha la carrière druidique, en forme de Druidisme par rapport à l'Antique Druidicat. Et là encore, un cliché de l'époque ne serait comparable ni à l'Antiquité, ni à la Féodalité, ni à la Celtomanie, pas plus qu'au Druidisme actuel désormais lourd d'écospiritualité... préoccupation écologiste, que n'avait pas l'âge classique, ni personne avant lui, Druides & Druidesses confondus.

Malgré tout cela, comment vous dire qu'un Druidisme, aujourd'hui, qui rejetterait les francs-maçonneries (car elles sont plurielles, répétons-le loin de tout complotisme, sans ignorer que des cercles cooptés puissent sociopolitiquement pousser dans une direction...) comment vous dire, que ce Druidisme rejetant, se désaffilie de la tradition ?

Surtout, si l'on renoue avec le « paganisme », il est insensé de renier le travail de nos Aïeux, Ancêtres morts et Aînés vivants, à travers la chaîne intergénérationnelle. Peut-être que leur travail n'est pas parfait, mais la perfection n'est pas plus de ce monde que de l'autre puisqu'elle désigne l'état d'une chose extrêmement bien accomplie : elle ne saurait donc être « une chose en soi ». Au contraire, si nos Aînés vivants admettent leurs erreurs, et savent transmettre le flambeau le moment venu, alors c'est à nous de le porter en invoquant les Dieux & Déesses, pour que les Puînés soient indulgents avec nos imperfections... comme nous avec les leurs !

 

Les francs-maçonneries sont-elles nécessaires ?

Certes, ce n'est pas qu'il faille obligatoirement continuer de se dire franc-maçon, mais du moins qu'il faille assumer cette tradition, et en hériter – c'est-à-dire hériter de lignées issues, de proche en proche, du Bosquet (Gorsedd) d'Oxford de Londres. Pour être clair : du tout jeune Ordre Druidique (Druid Order) du franc-maçon John Toland en 1717, mais il y en eut d'autres par la suite.

La Gorsedd de Bretagne fut officiellement fondée en 1899, et hérite initiatiquement de la Gorsedd des Bardes de l'Île de Bretagne (Gorsedd Beirdd Ynys Prydain, en gallois) fondée en 1792, depuis Edward Williams, plus connu sous son surnom de barde : Iolo Morganwg... qui ne fut pas franc-maçon, encore qu'il put en fréquenter à Londres. Quant à sa réputation de faussaire, elle est... fausse !... mais c'est une légende tenace, produire par les médisants.

Edward Williams est l'auteur des « fameuses » Triades Bardiques, et tous ses écrits sont encensés pour leur qualité littéraire en langue celtique galloise ; il a récemment été réhabilité, au plan francophone, dans son genre, par Philippe Jouët.

C'est-à-dire que cahin-caha, au même titre que l'initiation artisanale des francs-maçonneries, dont les symboles durent circonvoluer jusqu'à John Toland, le Bardisme gallois porta jusqu'à Edward Williams, des éléments d'Antique Druidicat, certes imprégnés de monothéisme et d'ésotérisme au point que l'on ne distingue à peine le Polythéisme/Animisme ancien qu'en plissant les yeux. Pourtant, un héritage est là, c'est-à-dire une tradition. (Sans oublier Henry Hurle.)

Il ne faut décidément pas en faire des caisses avec les francs-maçonneries. Pourquoi ? Eh bien parce que, d'une part, les francs-maçonneries actuelles ont encore circonvolué, par rapport aux francs-maçonneries par lesquelles « quelque chose des antiques symboles », fut hérité. D'autre part, parce que, de base, les francs-maçonneries sont de ces initiations artisanales héritant (et perdant, et oubliant !) elles-mêmes, d'autres antiques formations artisanales. Troisième part, parce que ces francs-maçonneries tiennent primitivement d'un christianisme antique tardif/haut médiéval, chargé de « paganisme ». Quatrième part, parce que tout ceci fut cultivé en ésotérisme « chrétien ». Enfin, dernière part, parce que les francs-maçonneries de l'âge classique ont accouché du Druidisme – accouchement sans lequel, nous n'aurions pas de Druidisme du tout. On ne réécrit pas l'Histoire, et le Druidisme contemporain est bel et bien druidique en son genre (je répète : en son genre, or ce genre a perdu l'Antique Mythe ainsi que l'Initiation Sacerdotale).

Et c'était sans parler du Filisme irlandais, dont la richesse textuelle n'a pas à rougir, à côté de la féodalité bardique galloise ! Bardes et Filis, proviennent des antiques bardos et uates gaulois (c'est la même racine lexicale, manifeste dans le premier cas) dont les Gréco-Romains nous apprirent qu'ils ressortaient, je vous le donne dans le mille : des Druides.

Bref, d'hier à aujourd'hui, les héritages forment un torque, élément d’orfèvrerie celte... métaphore pour dire que ça reboucle par l'artisanat, même à délirer en fantaisisme tolkienien, confondant pêle-mêle Celtes, Danes, chevalerie et féerie féodales et esprit chrétien...

 

Rediffusion bretonne

Issu d'Alsace par mon père et de Gascogne par ma mère, moi-même, je fus rappelé au celtisme, grâce à la culture bretonne et son folklore, diffusé en France. C'est que l'Alsace ressortait antiquement, de ce que César cartographia parmi les Gaules – avec ses influences danes antiques comme féodales. Côté maternel, il y a les Volques et les Suèves, peuples danes et celtes aux lisières inversées réciproquement celtes et danes, qui encerclèrent les Pyrénées d'Est en Ouest, sans parler des Danes Wisigoths puisqu'ils ne sont pas Celtes (à moins que, comme le jugeait Hérodote, les Scythes par les contrées desquels vinrent les Wisigoths dans l'Empire romain, soient « des Celtes de l'Est »). Et nous sommes nombreux dans ce cas-là, partout en France, à être rappelés au celtisme grâce à la culture bretonne : gloire à elle !

De même, le Druidisme s'est laissé rediffuser en France, en Belgique, en Allemagne, en Suisse, en Italie et même en Espagne, grâce à « l'élan franc-maçon par-delà le franc-maçonnisme », et même surtout « par-delà Bardisme et Filisme »... Tout ceci n'est que le juste retour des choses, après la celtisation brittonique par les antiques gaulois – les Bretons étant donc une migration galloise chrétienne, sous le coup des Danes Angles et Saxons, sur le peuplement gallo-romanisé des Armoricains.

Des circonvolutions, des circonvolutions, vous dis-je ! trois fois des circonvolutions. Mais l'historien honnête ne voit que cela à travers l'Histoire, les Histoires, humaines. Des circonvolutions, et l'identité est certes quelque chose d'évolutif, et la culture est certes quelque chose qui se diffuse hors lignage... encore que les lignées enorgueillissent jusqu'à l'impossible purisme ethnique, pour le meilleur et pour le pire. Pour le moins, il y a là un dynamisme socioculturel, que Paris adore médiatiser en formes de Nolwenn Leroy.

Bien entendu, on peut juxtaposer les photos évoquées (l'Antique Druidicat, le franc-maçonnisme opératif, le Bardisme, le Filisme, la matière de Bretagne, le Druidisme franc-maçon spéculatif et le Druidisme contemporain) et même affiner avec d'autres éléments en se disant que tout cela est une chaîne brisée en plusieurs endroits... et même pas une chaîne, puisque l'Initiation Sacerdotale a disparu. Quand bien même...

... en France, en Belgique, en Italie et au Portugal, de nouveaux Héritiers Druidiques ont signé une Charte éthique l'année dernière : par Cernunnos-Nodens-Nuada, gloire à eux !

 

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15 réactions


  • Seth 14 avril 15:40

    Callas chantant une druidesse s’adressant à la Lune : https://www.youtube.com/watch?v=s-TwMfgaDC8

     smiley


  • Enki Enki 15 avril 04:38

    Si on dispose de trop peu d’éléments pour savoir ce qu’a pu être le druidisme, est-il possible de le ressusciter ? (La charte 2024 présente justement la difficulté du sujet).

    Et s’il était intéressant de le réinstaurer, ce serait pour quoi faire ?


    • Et hop ! Et hop ! 15 avril 13:53

      @Enki

      On ne sait presque rien sur les druides et le druidisme antique, selon les sources historiques, ça tient dans un texte d’une page (avec 2/3 des informations par César, 1/3 par les autres historiens), et rien par des sources archéologiques.

      Le druidisme, ou plutôt le néo-druidisme, est à 99,9 % inventé au XIXe et XXe siècle : les costumes, les rituels, les formules, les idées. C’est une branche du romantisme anglais et allemand, qui est lui-même une branche du protestantisme : culte de la nature, vitalisme, panthéisme, avec un folklore éclectique de style Napoléon III ou Victorien, comme le néo-médiéval, le néo-romain ou le néo-mauresque, mais sans aucune base traditionnelle.

      Il y a des traditions druidiques qui se sont continuées dans la religion catholique, sans qu’on sache les discerner des traditions greco-latines et germaniques. Le fait est que le clergé catholique assumait exactement les même fonctions que les druides : sciences, cosmogonie, immortalité des âmes, morale, écoles, médecine, calendrier, fêtes, musique, poésie, sacré, reliques, ex-votos, arbitrages.


    • Mervis Nocteau Mervis Nocteau 15 avril 21:12

      @Enki. On ne va certainement pas le « ressusciter » mais, sans jouer sur les mots plus que cela (encore qu’ils aient leur importance), cet article... enfin, il faut le lire entre les lignes, et pas qu’entre les lignes. Quant à savoir « pour quoi faire », vous me faîtes songer à tous ces gens qui demandent benoîtement : la littérature, la philsophie, la religion, « pour quoi faire ». Si, comme le disent les sciences  et pour rester profane  les religions ne servaient que d’anxiolytiques naturels, elles seraient déjà justifiées, et ceux qui les accusent de l’être sont des crétins.

      @Et hop ! A quoi bon vous faire un tel article, si c’est pour que vous réagissiez par la dénégation...


    • Enki Enki 16 avril 07:38

      @Et hop !

      Et hop. C’est vrai, le clergé catholique a pris la place et les fonctions de la caste des druides, dans la société trifonctionnelle de Dumézil. Après, les doctrines religieuses ne sont pas les mêmes, l’une naturaliste et l’autre théiste, et ont produit des sociétés aux visages et modes de pensées différents.


    • Enki Enki 16 avril 07:47

      @Mervis Nocteau

      Mes deux questions directes ont pris une apparence peau de vache. Mais c’était pour connaître votre réponse et vos raisons, puisque le druidisme est votre marotte. 
      Vous me parlez de religions comme anxiolytiques naturels parce que vous avez sans doute lu mes derniers messages, ceux adressés à Monsieur Picétou. Je pense qu’une société sans spiritualité ne peut pas vivre, comme la nôtre, elle crève de la maladie du vide. Ce qu’ont expliqué des Guénon, Ellul, Bernanos et tant d’autres. Et pire que ça, une telle société est colonisée par une (ou des) spiritualités plus agressives ou fausses (comme le scientisme). Au contraire, les pays de l’Ouest africain reprennent du poil de la bête et leur dignité grâce à leur panafricanisme, leur vieil animisme toujours en eux. Celles abrahamiques ont donné leur jus concernant notre continent et sans doute le Moyen-Orient, il n’en reste que les acidités. Mais refaire une spiritualité, c’est le problème, ça ne vient pas avec un claquement de doigt, ni un seul prophète ou gourou.  

    • Mervis Nocteau Mervis Nocteau 16 avril 08:34

      @Enki. Non bien sûr, et mine de rien l’écospiritualisme actuel reste une entrée vers les anciennes religions, adaptées aux nouvelles réalités.

      Sans avoir lu les auteurs que vous citez à l’époque où je m’étais fait cette réflexion, je pensais que les religions étaient motrices (et puis, j’en ai lus avec plaisir).

      Idem sur l’anxiolytisme, cela fait longtemps que les magazines de science en parlent. Il est évident qu’on ne se lève pas un matin en se disant « et si je me mettais à croire ne serait-ce qu’afin anxiolytique » ? Car croire, étymologiquement, c’est avoir à cœur (spirituel).

      Vous avez raison de dire que nous nous retrouvons alors avec des croyances agressives (monothéisme en berne, pour ne pas dire islamisme avant tout, puis CNews) ou scientisme ; mais aussi nihilisme, détresse moderne.

      En tout cas, la voie logique, ce sont les hérédités plutôt que les exotismes bourgeois new age du développement personnel - encore que ce même phénomène soit avec l’écospiritualisme une entrée, aujourd’hui, à condition d’y évoluer. Sinon, on répète le nihilisme (confusionnisme) ou l’on réactive un monothéisme qui mène au nihilisme dans la démarche. Sauf cette singularité d’Auricom, mais il n’est pas fameux.

      La religion des Celtes a de belles choses à offrir, et les héritages pour un druidisme moderne sont présents. À preuve : ses 300 ans aujourd’hui.


    • La Bête du Gévaudan 20 avril 22:37

      @Et hop !

      si vous commencez à faire comprendre aux hippies que les véritables successeurs des druides sont les curés catholiques, vous allez leur faire péter les plombs... les hippies ont construit toute leur identité mentale sur le rejet des « vilains curés »...

      personnellement, je suis pas « curé-lâtre », mais enfin, il suffit d’un peu de connaissance historique de l’Occident, de profondeur intellectuelle et spirituelle, pour avoir un rapport un minimum apaisé avec notre passé chrétien.

      D’ailleurs, il ne faut pas oublier que l’athéisme a débouché sur le communisme, et le néopaganisme sur le nazisme... Aujourd’hui, le positivisme est en train de déboucher sur l’euro-globalisme (islamiste, écolo-anxieux, wokiste, socialiste et censeur) de la Kommission de Bruxelles... « la modernité » ce n’est absolument pas une garantie de gentillesse...

      les questions de la philosophie classique (le bien, le mal, le vrai, le faux, le eux, le nous, l’origine du monde, les fins dernières, etc.) restent d’actualité. Quoi qu’on en pense par ailleurs. Le relativisme débouche potentiellement sur les pires dérives... 


    • Mervis Nocteau Mervis Nocteau 21 avril 13:11

      @La Bête du Gévaudan. Vous pouvez le dire à d’autres (non-hippies) : ça ne leur fera pas « péter les plombs », mais ça nécessiterait beaucoup de nuances, et je suis prêt de compatir avec vos hippies, quand je vous lis asserter cela sans vraie autre forme de procès.
      Il faut distinguer le continent des îles, déjà, l’Irlande n’ayant jamais été colonisée par les Romains et la christianisation survenant tardivement. C’est-à-dire que le christianisme celtique, « graalien », est issu des îles, évidemment, de tradition arimathienne (Joseph d’Arimathie étant réputé avoir voyagé là-bas, avec « les affaires » du Christ).
      Quant au continent, les druides ont été certes combattu tardivement sous la romanisation, mais on en entend plus parler après le IIIè siècle, contrairement à l’Irlande jusqu’au IXè. Ainsi, l’organisation ecclésiale doit moins aux druides que prévu, et certainement que cela reste du domaine spéculatif sur le continent, contrairement aux îles où c’est attesté  du moins leurs influences fermes.
      Mais entre l’animisme/polythéisme celte et le christianisme, tout angéologique et démonologique soit-il, il y a des mutations significatives. L’évangile n’est pas celte ; le Dieu des triades galloises n’est pas hébraïque.


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