Fermeture de sept réacteurs au 1er janvier 2007 : le déclin inexorable du nucléaire est amorcé
Le 1er janvier 2007, sept réacteurs nucléaires ont cessé définitivement de fonctionner : deux à Dungeness et deux à Sizewell (Angleterre), deux à Kozlodoui (Bulgarie), et un à Bohunice (Slovaquie).
Il ne s’agit là que des prémices d’un déclin inexorable de l’industrie nucléaire mondiale, parfois présentée à tort comme faisant son « grand retour », alors qu’elle est en réalité menacée de disparition.
Ainsi, le 10 novembre 2006, Claude Mandil, directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a déclaré : La tâche principale de l’industrie nucléaire dans les années à venir sera de remplacer les centrales existantes qui auront atteint leur fin de vie. Cela signifie qu’on aura besoin de nombreuses centrales sans pour autant augmenter la part du nucléaire dans la production d’électricité. Or, la seule chose qui soit certaine est la fermeture, d’ici 2025, d’environ 250 réacteurs nucléaires sur les 435 en fonctionnement actuellement sur la planète. Et la fermeture des autres arrivera dans les deux décennies suivantes. Par contre, la plupart des nouveaux réacteurs annoncés restent pour le moment très virtuels.
Illustration à travers quelques exemples
- Grande-Bretagne
22 des 23 réacteurs actuels seront fermés en 2023. Certes, M. Blair annonce des projets de nouvelles centrales, mais il est un des seuls à soutenir cette idée, face à une opinion publique qui y est très défavorable. Qui plus est, M. Blair a annoncé que les éventuelles nouvelles centrales devraient être construites par des entreprises privées... sans subvention de l’Etat. Or, le nucléaire ne s’est développé que lorsque des Etats lui ont consacré d’immenses sommes d’argent public (sans jamais demander leur avis aux citoyens, mais c’est encore un autre débat). Il est vraisemblable que, vers 2020, le nucléaire représentera moins de 1% de l’énergie consommée en Grande-Bretagne.
- Russie
Vladimir Poutine annonce de nombreux nouveaux réacteurs nucléaires, mais il est bien moins loquace concernant la fermeture prochaine des 31 réacteurs actuels : Tous nos réacteurs (opérationnels) s’éteindront dans dix ans. Pour éviter le "gel" du secteur nucléaire civil, il nous aurait fallu construire 1,5 réacteur par an depuis longtemps, a expliqué un membre d’une délégation du Kremlin en visite aux USA (cf. dépêche de l’agence RIA Novosti du 7 décembre 2006).
- Europe centrale
Les quelque vingt réacteurs nucléaires de ces pays, pour la plupart anciens et de technologie soviétique, sont promis à une fermeture prochaine. Les pays baltes et la Pologne se sont associés pour essayer de construire un réacteur nucléaire. Loin d’être un élément du supposé "grand retour" du nucléaire, ce projet vise seulement à essayer de compenser la fermeture avant 2009 du second réacteur d’Ignalina (Lituanie), le premier étant... déjà fermé.
- USA
Aucune commande de réacteur n’a eu lieu depuis l’accident nucléaire de Three Mile Island (1979). Depuis, la durée de vie des 103 réacteurs en activité est régulièrement prolongée (jusqu’à soixante ans pour certains), augmentant considérablement le risque d’accident. Le président Bush a certes signé en juin 2005 des dispositions pour attribuer de fortes sommes publiques aux compagnies privées qui construiraient des réacteurs nucléaires, mais aucun projet ne semble se concrétiser, et le processus pourrait être remis en cause du fait de l’alternance au pouvoir avec les démocrates. Et, même si certains projets se réalisaient , ils seraient très loin de compenser la véritable bérézina qui frappera l’industrie nucléaire des USA lorsque les vieux réacteurs fermeront enfin. (Il faut espérer que ce ne soit pas après une catastrophe nucléaire.)
- Asie
C’est dans cette région du monde que les projets semblent (hélas) les plus sérieux. Ainsi, la Chine est parfois annoncée comme "le nouvel eldorado" du nucléaire parce qu’elle entend construire trente, et peut-être quarante nouveaux réacteurs. Rien ne permet de penser qu’ils seront tous construits (tant les investissements financiers nécessaires sont immenses) mais, même si c’est le cas, la Chine produira alors "royalement" 4% de son électricité avec le nucléaire, soit 0,7% de sa consommation d’énergie. De même, les projets annoncés en Inde, une vingtaine de réacteurs, permettraient à peine à ce pays de couvrir environ 5% de son électricité (1% de sa consommation d’énergie).
Le parc nucléaire japonais, le troisième au monde après les USA et la France, connaît de graves problèmes de sûreté, dix-sept réacteurs ayant même été fermés d’un coup (pour plusieurs mois) en 2003 du fait de la falsification par les exploitants de rapports de sûreté alarmants. L’opinion publique a été très marquée par ce scandale, et aussi par l’accident de Tokaï-Mura en 1999, qui a causé la mort de trois travailleurs et irradié des centaines d’habitants.
- Amérique du Sud
Le Brésil, où ne fonctionnent que deux réacteurs, en annonce cinq nouveaux, mais il est d’abord confronté au problème d’Angra3, réacteur resté en pièces détachées depuis... vingt ans. Idem pour l’Argentine (où fonctionnent aussi deux réacteurs) qui a annoncé en août 2006 un plan nucléaire dont le premier objectif est de terminer la construction du réacteur Atucha 2, commencée... en 1981.
- Dictatures
Ici ou là, des dictateurs pensent se donner du prestige en annonçant la construction d’un réacteur nucléaire. C’est le cas de Kadhafi (Libye), Loukachenko (Biélorussie, pays toujours contaminé par la catastrophe de Tchernobyl) ou de l’Egypte, où le fils de Moubarak a le soutien des USA pour la construction d’un réacteur. La Corée du Nord et l’Iran ont chacun un programme nucléaire pour lequel la production d’électricité reste virtuelle, l’objectif étant l’accès à l’arme atomique. En résumé, beaucoup d’annonces pour... fort peu d’électricité.
- Allemagne / Suède
On peut lire ici où là que le plan de sortie du nucléaire en Allemagne serait remis en cause. Ce n’est pour le moment pas le cas mais, de toute façon, le pire qui soit envisagé est de ne pas fermer les réacteurs de façon anticipée. En aucun cas la construction de nouveaux réacteurs n’est envisagée : le nucléaire est de toute façon promis à la disparition en Allemagne. La situation est identique en Suède où la fermeture des dix réacteurs actuels a été décidée en 1980. Ce plan traîne certes en longueur mais, là aussi, aucun nouveau réacteur n’est prévu et le nucléaire va de toute façon disparaître. Notons aussi qu’un accident, potentiellement très grave, a été frôlé le 25 juiller dernier à la centrale de Forsmark.
Le rapport "Facteur 4", remis au gouvernement français en octobre dernier, explique que l’énergie nucléaire représente 2 % de l’énergie finale dans le monde et pointe l’apport finalement marginal du nucléaire dans la lutte contre l’effet de serre. On ne saurait mieux illustrer le fait que le nucléaire, même s’il impose un danger maximal, occupe en réalité une place très faible dans l’énergie mondiale. Et, nous venons de le décrire, cette faible part est en déclin inexorable.