samedi 20 août 2016 - par Surya

Jill

On a rencontré Jill il y a un peu plus de trois ans maintenant. Si vous voulez la voir, vous la trouverez dans les brocantes de la région. Son apparence a tout de suite attiré notre attention. La soixantaine bien sonnée, de longs cheveux gris et ondulés qui lui tombent librement sur les épaules et dans le dos, le cou et les doigts couverts de bijoux indiens. Ce sont ses bijoux qui ont tout d'abord attiré mon attention, car j'en porte aussi pas mal, du même style. Peut-être porte-t-elle également des bagues de pieds, mais je n'ai jamais regardé ses pieds en été. Nous-mêmes, nous fréquentons souvent les brocantes, les vides greniers et tous les endroits où nous pouvons assouvir notre passion commune des vieux objets, et comme on la voyait régulièrement, on a fini par faire connaissance.

Jill est le type de personne que j'adore. Simple, naturelle, vraie, sincère et authentique. Elle est toujours de bonne humeur et rigole tout le temps. Je suis toujours heureuse de la voir et d'échanger avec elle. 

Comme je m'en doutais, ne serait-ce que du fait de son apparence physique, Jill a été hippie dans les années soixante. Une vraie, une authentique ! Avec les jupes longues, les tuniques amples et les cheveux remplis de fleurs. Elle n'a pas eu une vie toujours facile car, contrairement à ce que l'on croit de nos jours, les hippies étaient mal acceptés à cette époque par le reste de la société. Que ce soit en Angleterre, en France, aux Etats Unis, ou ailleurs, il y avait des gens qui ne pouvaient vraiment pas les supporter. Mais Jill ne s'en plaint pas. Elle évoque juste parfois quelques anecdotes personnelles sur la façon dont certaines personnes la considéraient. Cependant, si elle n'a pas eu une vie facile, elle a eu une vie intéressante (et continue d'avoir une vie intéressante). 

Jill a fait pratiquement le tour du monde en autostop, dans sa jeunesse, oui, en autostop, se rendant dans beaucoup de pays différents, rencontrant beaucoup de gens différents, à une époque qui me fera toujours rêver, où il suffisait de se coller un sac sur le dos, et de dire "ciao". Il y a encore aujourd'hui quelques irréductibles sur cette Terre qui voyagent de cette façon. Ils arrivent, comme à cette époque, dans les pays qu'ils visitent, sans même savoir où ils vont dormir, sans savoir ce qu'ils vont manger. Il sont libres, même si je pense qu'on est moins libre dans sa tête qu'il y a quarante ou cinquante ans. C'est également ainsi que je suis partie à Londres avec trois copines au tout début des années 80. Sac à dos, et ciao. Sans savoir où on allait dormir à l'arrivée, sans savoir où on allait manger (ni même si on allait manger). On a bien sûr rencontré tout ce que Londres comptait de hippies à l'époque (la période hippie n'était pas terminée en Europe, je ne sais pas si elle l'était déjà aux USA) et, sans être de véritables hippies nous mêmes, on a traîné tout notre séjour avec eux, jouant de la guitare et chantant dans les rues et dans les parcs, les poches vides mais l'esprit heureux. On avait d'ailleurs tellement pas de fric qu'un jour, sur les conseils de nos nouveaux amis qui nous ont d'ailleurs accompagné, on a tous atterri dans un temple de la secte Krishna (non mais franchement, les trucs dingues qu'on peut faire quand on est ado !!) où les adeptes ont eu pitié de nous, pauvres jeunes affamés, et nous ont offert des sortes de boulettes de farine remplies de raisins secs. On était tellement hilares après les avoir mangées qu'on s'est même demandé ce qu'ils avaient mis dedans. Je me suis rarement sentie aussi libre dans ma vie que lors de ce séjour Londonien. Pourtant, Londres, ce n'était pas bien loin, mais pour nous, jeunes ados de seize ans vivant encore bien confortablement chez nos familles, c'était déjà l'aventure.

Jill a donc beaucoup voyagé. Elle s'est notamment rendu sept fois en Inde, un pays qui la passionne. Je me demande bien si elle a rencontré les Beatles, en Inde, dans les années soixante. Ca serait quand même une drôle de coïncidence, mais il fallait bien que des gens les y rencontrent, en Inde. Ils ne devaient pas être si inaccessibles que ça. Si c'est le cas, elle ne s'en est jamais vantée. Jill n'est pas le genre "groupie", à vénérer les pop stars. Elle est de ces gens qui considèrent que nous sommes tous égaux sur cette Terre, et qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les êtres humains. 

Je ne sais pas quelles aventures elle a vécues lors de ses voyages lointains. La seule chose qu'elle nous a jusqu'à présent racontée, c'est qu'elle s'est une fois rendue en Inde après l'annonce de la très grave maladie d'un de ses petits enfants. Alors qu'à l'époque, elle n'avait pas spécialement de sentiment religieux, elle était si bouleversée qu'elle est allée prier dans tous les temples hindous et les mosquées qu'elle a pu trouver, et lorsqu'elle est revenue, l'enfant était guéri. Elle avoue n'avoir pas de preuve que c'est cela qui a marché, mais qu'elle souhaite y croire. Je lui ai répondu qu'elle n'avait pas non plus de preuve que cela n'avait pas marché.

A bientôt soixante dix ans (c'est son anniversaire dans quelques semaines), Jill a atteint depuis quelques années l'âge de la retraite, mais elle continue de bosser, vendant des bijoux et des objets antiques dans les brocantes, les vide greniers et sur internet. C'est pour ça qu'on la croise aussi parfois à la poste, lorsqu'elle envoie un paquet à un de ses clients. Il m'arrive de me connecter sur son compte pour voir ce qu'elle a de sympa à proposer. En plus des bijoux et des antiquités, elle vend également des perles et de jolies pierres : améthystes, turquoises... 

J'ai entendu dire que les pierres et les minéraux avaient des propriétés. Je ne sais pas si c'est vrai et si c'est scientifiquement vérifié, mais même si c'est faux, ou pas tout à fait vrai, en tout cas les pierres et les minéraux, c'est décoratif et joli à regarder. 

Pourtant, Jill a décidé de prendre sa retraite un de ces jours, dans pas longtemps, bientôt... Quand elle en parle, on sent qu'elle a hâte de mettre ce projet à exécution. Elle attend peut-être encore un peu que le déclic définitif se fasse, je ne sais pas. Mais, bien sûr, ce ne sera pas une retraite conventionnelle. Jill a décidé de vendre sa maison, son véhicule 4/4 dans lequel elle entasse toute sa brocante, bref, elle a décidé de vendre tout ce qu'elle a, et elle va repartir, seule, sur les routes du monde. Elle a déjà fait la liste de tous les pays qu'elle n'a pas encore visités. Si l'on ne sait pas exactement quand elle le fera, ce que l'on sait, par contre, c'est qu'elle le fera. Et que le jour où elle partira, on ne la reverra pas. Elle n'est pas le genre de personne à parler de quelque chose et l'envoyer ensuite aux oubliettes. Et comme on pouvait s'en douter, elle est confrontée à l'incompréhension de nombre de personnes, qui s'inquiètent pour elle et lui disent : "mais où tu vas vivre, si tu vends ta maison ?" Question à laquelle elle répond très tranquillement qu'elle vivra dans les pays qu'elle visitera. 

Pour l'instant, Jill a juste le projet de se rendre dans quelques mois à San Francisco. Pour le mariage de l'une de ses filles. Pour le mariage de l'une de ses filles avec sa copine, nous dit-elle très simplement. Elle est vraiment cool, Jill. J'imagine la tête d'enterrement que doivent faire tellement de parents lorsqu'ils apprennent que leur enfant est homo ! Il y a des jeunes qui se font chasser de chez eux et finissent à la rue, comme des clochards, pour cette raison. Jill, elle, a une fille lesbienne, et cela ne lui pose absolument aucun problème. Elle nous a annoncé le mariage de sa fille avec une autre femme d'une façon tellement naturelle que j'ai brusquement pris conscience du fait que la haine n'est pas une fatalité sur cette Terre. On pourrait très bien, si on le souhaitait, et on devrait, vivre dans un monde où la haine nous est totalement inconnue. Quelque chose de totalement extraterrestre. La haine, le rejet, l'intolérance, le racisme... c'est vraiment cela qui détruit le monde à petit feu, qui le rend plus laid qu'il ne devrait être.

Si seulement les gens haineux pouvaient comprendre que lorsqu'ils haïssent les autres, c'est en fait eux-mêmes qu'il détruisent, ils se détruisent intérieurement parce qu'ils éteignent à tout jamais la petite flamme d'amour qu'ils avaient reçue (du ciel ? d'ailleurs ?) comme cadeau de bienvenue à leur naissance, et qui brûlait en eux, et en chacun de nous. Il tuent ce qu'il y a de beau et de merveilleux en l'être humain, et ne laissent plus de place qu'à la laideur. On rencontre malheureusement beaucoup de gens haineux. Peut être sont-ils devenu haineux parce qu'ils n'ont eux-mêmes par reçu d'amour, ou qu'ils ont, pour une raison ou une autre, été rejetés, par leurs proches, par la société. Pourtant, ce n'est pas une fatalité. C'est même en fait un choix que l'on fait. J'ai connu des gens dont je savais qu'ils n'avaient pas reçu d'amour, et qui n'étaient pas pour autant devenus haineux ou aigris. Jill aussi a parfois été rejetée, du fait de son choix, dans les années soixante, de vivre sa vie en marge de la société. Et pourtant, cette femme déborde d'amour, de bonté et de compassion. 

La vie nous fait parfois rencontrer des gens vraiment admirables. Admirables de simplicité, de sincérité, de chaleur humaine et d'ouverture d'esprit. Ce sont ces gens là qui nous enrichissent et nous inspirent. 

Ce "monde meilleur" que tant de gens cherchent désespérément, mais sans jamais le trouver, il est pourtant là, devant nos yeux. Il ne le trouvent pas parce qu'ils ne le cherchent pas au bon endroit. Ils le cherchent dans des projets utopiques, parfois jusqu'à l'extrême, de réorganisation de la société, alors qu'il est en nous, à l'intérieur de nous, et qu'il nous suffit de le laisser s'exprimer. Ce n'est pas le monde extérieur que nous devons changer, c'est nous-mêmes que nous devons, intérieurement, transformer.

 



19 réactions


  • Abou Antoun Abou Antoun 20 août 2016 10:18


    Jill a décidé de vendre sa maison, son véhicule 4/4 dans lequel elle entasse toute sa brocante, bref, elle a décidé de vendre tout ce qu’elle a,
    Finalement la vente de breloques indiennes sur les marchés, c’est d’un bon rapport, beaucoup d’ouvriers ou de petits fonctionnaires n’arrivent pas à accéder à la propriété ;
     et elle va repartir, seule, sur les routes du monde.

    A 70 balais, question autostop c’est pas gagné !


  • cevennevive cevennevive 20 août 2016 10:34

    Bonjour Surya,


    Une « bonne personne » Jill. Et vous aussi Surya, qui nous avez fait ce si bel hommage !

    Je suis une contemporaine de Jill. J’ai connu le mouvement hippy, j’y ai adhéré à un moment de ma vie couverte de nuages, de brouillard et de questionnements...

    Mais je n’ai pas pu partir avec seulement un sac à dos, de même que je ne pourrais jamais vendre la maison de mes ancêtres. Il doit me rester une bonne couche de « bourgeoisie » !!!

    Par contre, je n’ai pas tiqué lorsque l’une de mes filles, puis, plus tard, l’une de mes petites fille, se sont avérée être lesbienne. Donc, il me reste bien des gènes de cette époque bénie où l’amour de l’humain et de la liberté était notre bannière et notre raison de vivre.

    Bien à vous Surya. Bon vent à Jill, et encore de bonnes années de voyages !


    • Surya Surya 20 août 2016 15:32

      Bonjour cevennevive smiley


      Merci pour ce commentaire.
      Il n’y a rien de mal à ne pas vouloir vendre la maison de ses ancêtres, c’est tout à fait naturel au contraire. Je ne pense pas que ce soit une question de bourgeoisie. 
      Je lis vos articles et vos commentaires depuis que nous sommes sur Agoravox, et il m’a bien semblé en effet que vous avez, comme Jill, une vie extraordinaire. Vous me semblez être une personne fidèle à vos convictions et à une certaine philosophie de vie. Je trouve ça formidable.

      Je crois que la société d’aujourd’hui est plus influencée par le mouvement hippie qu’on ne le pense. Le bio, par exemple. Si je ne me trompe pas, ce sont les hippies qui ont lancé, au début des années 70, ce mouvement de manger bio. Au début, les autres gens les prenaient pour des doux dingues. Aujourd’hui, peu de personnes nient les bienfaits sur la santé de ne pas avaler de pesticides, même à l’état de traces. 

      Le côté « Peace and Love » subsite encore je pense, mais sous d’autres formes. 

      Cela dit, lorsque je fréquentais les derniers milieux hippies, je n’étais pas d’accord non plus avec tout ce qu’ils faisaient (drogues par exemple) et pensaient. Il est important de conserver une partie (plus ou moins grande, c’est à nous de voir) de soi-même.

      Je ne sais pas ce qui pourra ramener ce vent de liberté et d’optimisme qui a soufflé sur une partie des années soixante et soixante dix, en dépit des problèmes qu’il y avait quand même à cette époque (tout n’était évidemment pas parfait). 
      Amicalement smiley

    • cevennevive cevennevive 20 août 2016 16:25

      @Surya

      Une petite anecdote pour sourire :

      En 1974, Nathalie, ma seconde fille qui avait 2 ans, n’avait jamais mangé de la viande.

      Un jour de juillet où nous campions toutes deux en Ardèche, elle arrive toute menue, dans sa petite culotte de fillette, tenant dans la main une saucisse grillée, la léchant, disant « bon, bon »...

      Il y avait une tente un peu plus loin abritant un couple et des enfants, Je suppose que voyant Nathalie béate devant le grill à saucisses, les parents lui en ont donné une...

      Elle a mangé sa saucisse. Et moi, j’ai décidé de nous acheter de la viande de temps en temps.

      Mais nous restons tout de même très peu carnassières.


    • Surya Surya 20 août 2016 16:46

      Quelqu’un d’extrémiste aurait sans doute enlevé la saucisse des mains de sa fille, parce qu’elle aurait eu le malheur, sans s’en rendre compte bien sûr, d’oublier le choix de vie végétarien (et n’aurait jamais ensuite décidé d’acheter de la viande de temps en temps).


      Question : lorsqu’une famille est végétarienne (je ne viens pas d’une famille vég et ne le suis pas moi-même), les enfants ont-ils le même régime végétarien que les adultes, ou existe-t-il un régime végétarien « spécial enfant » ? 

    • cevennevive cevennevive 20 août 2016 17:32

      @Surya

      je ne sais pas répondre à votre question. Un tout petit enfant peut manger des légumes, des céréales, du poisson, des oeufs, sans manquer de protéines.

      Puis, à cette époque là, mes parents avaient un jardin, des chèvres, un poulailler, un verger, et ma philosophie (je lisais « la Gueule ouverte » et, étudiante, je découvrais l’écologie) était un peu rigide...

      Je faisais mon pain (désormais, je le fais aussi) et je préparais tout moi-même, confitures, conserves (désormais, je le fais aussi)



    • Surya Surya 20 août 2016 17:52

      Le problème que rencontrent beaucoup de parents végétariens, je crois, c’est le scepticisme, l’incompréhension, voire l’anxiété du corps médical, et de la société dans son ensemble, au sujet des carences potentielles dans l’alimentation des enfants. Mais c’est en effet oublier que les enfants même entièrement végétariens peuvent boire du lait et manger des oeufs. (Je dis « entièrement » car en fait je pensais, en disant végétarien, sans poisson non plus.) 


      Beaucoup de gens bloquent à l’idée d’arrêter de manger de la viande, alors qu’il y a tant d’aliments qui peuvent la remplacer. C’est quelque chose que je reconnais, mais personnellement je ne serai jamais végétarienne car j’aime le poisson et un morceau de poulet de temps en temps. 

      J’ai essayé de faire du pain un jour mais le résultat n’était pas très concluant... smiley En fait c’est plus compliqué qu’il n’y parait, de faire du bon pain.

      Vous devez connaître le « Guide de l’Anti Consommateur » ? Un livre qui m’a toujours beaucoup inspirée.

  • cevennevive cevennevive 20 août 2016 10:43

    Je vous demande pardon Surya pour ces énormes fautes :


    « se sont avérées être lesbiennes ».

    Un charlatan de psy dirait que j’ai écrit cela avec une émotion rentrée et que c’est un « acte manqué »...


  • fred.foyn 20 août 2016 11:00

    Vous en êtes encore à pointer du doigt les cons qui n’acceptent pas les différences ?


  • rosemar rosemar 20 août 2016 16:52

    Un beau portrait plein de tendresse et d’humanité...


    Merci

    • Surya Surya 20 août 2016 17:29

      Merci rosemar,


      On ne peut qu’être inspirée par les gens qui sont pleins de tendresse et d’humanité.

  • philippe baron-abrioux 20 août 2016 17:01


     Bonjour Jill ,

     tiens on reparle de ce mouvement « hippy » !

     c’est bien ce mouvement de « drogués , de dégénérés , de paumés , de traine- savates, fainéants et sales  » qui a bousculé une société surprise et qui a entrainé des changements sociaux divers qui ont ébranlé un temps des certitudes solidement ancrées , provoqué aussi des avancées dans des domaines qui maintenant font rire ceux qui leur ont succédé ?

     ces moins que rien qui n’avaient le plus souvent « trois fois rien » mais qui acceptaient de le partager car ils savaient que « trois fois rien » c’est déjà quelque chose .

    le pouce levé au bord des routes , parfois une pancarte délavée en carton qui indiquait une destination approximative , le Sud , ailleurs , plus loin , un sac à dos planqué avec le compagnon de voyage dans le bas côté pour ne pas effrayer le conducteur qui pouvait les prendre , la guitare aux pieds et l’air de n’avoir besoin de rien d’autre que de franchir une distance pour aller ... , peu importait et souvent descendre là où le conducteur lui même se rendait ; on verrait plus tard ,demain ...

    un appareil photo emmailloté et une pelloche à développer un jour peut être si elle survit à la pluie , cette plaie qui les laisse au bord de la route : le stop est difficile quand il pleut .

    Polanareff chantait « l’amour avec toi » , Moustaki écrivait« le Métèque » , Ravi Shankar était à la sithare .

    à Berlin ,« Check - Point Charlie » était le début d’un autre monde ; le capitaliste allait voir le communiste qui lui venait parfois et achetait à Pantashop quelques jeans qu’il revendrait là bas ,de l’autre côté pour se payer des places de cinéma dans une salle « underground » , (chut !) d’une banlieue discrète.

     le conducteur tentait parfois de poser quelques questions sur le point de départ ou le but du voyage ; des langues inconnues, mal comprises , compensées par des rires, faute de pouvoir échanger autrement .

     on entendait la Yougo puis Kaboul (pour remplir la tabatière , chut !) , Téhéran , Lahore et puis l’Inde .

     à chacun son voyage , ses anecdotes , ses enluminures , ses emmerveillements : ils acceptent parfois d’en parler avec ceux qui sont encore capables de rêver dans leurs têtes .

     beaucoup sont maintenant « rangés » , chefs d’entreprises , directeurs de X...ou de Y...et s’arrêtent parfois quand ils voient un pouce levé ou un sac à dos posé : demandez leur pourquoi ? un rappel à leurs souvenirs ou pour ne pas entendre le temps de quelques kilomètres les bruits du monde où on n’entend plus beaucoup « Peace and Love » ?

     peut être ! sans en être convaincu vraiment , je l’espère .

     bonne fin de journée , Jill et Surya  !

     P.B.A

     


    • Surya Surya 20 août 2016 17:26

      @philippe baron-abrioux


      Les « dégénérés » ont eu le courage, à une époque où la société voulait forcer tout le monde à entrer dans le même moule (mais les choses ont-elles changé ?), à remettre en question le conformisme de cette société, à proposer quelque chose de différent, et à vivre selon leurs convitions, en dépit de tous ceux qui les critiquaient à tour de bras et les haïssaient. Et les enviaient peut être aussi secrètement d’avoir osé affirmer leur différence et leur liberté...

      Quelqu’un qui décide de ne pas rentrer dans le moule, mais de vivre libre, selon ses propres critères et en faisant ses propres choix de vie, ça a toujours agacé, voire exaspéré, une bonne partie des autres personnes. Allez savoir pourquoi... En tout cas, visiblement, de nos jours les choses n’ont guère changé...

    • philippe baron-abrioux 20 août 2016 19:31

      @Surya

       BONJOUR SURYA , et merci de votre message

       bien sûr qu’ils étaient enviés, tout comme ils exaspéraient .

       pourquoi ?

       parce qu’ils parlaient bien avant de pouvoir être enfin entendus de sujets que ceux qui se bouchaient le nez et les oreilles à l’époque font mine de découvrir depuis peu .

       René Dumont qui parlait d’écologie par exemple de l’économie des ressources naturelles .

       Johnson au Viet Nam qui faisait larguer du Orange , l’agent orange , le défoliant , qui n’était pas lié avec les Télécoms mais associé au napalm pour faire bonne mesure . des GI ’S qui en sont revenus fous de violence .

      le printemps de Prague ou les premiers mouvements de libération d’un peuple sous la botte du camarade Kroutchev .

       Dutronc qui chantait « 500 millions de petits Chinois » , presque juste pour rire du temps d’un Mao et de sa révolution culturelle face au « tigre de papier »qui publie son « petit livre rouge »

       Léo Ferré , « c’est extra » , qui rêve d’anarchie et tombe amoureux de sa guenon .Rolf Biermann en R.D.A chantant à Berlin Est sous le nez des Vopos . et Procol Arum, « a whiter shade of pale » dans les boites, excellent pour faire connaissance ou prolonger la soirée , le paquet de« Golduches » à 1 franc 35

       « sous les pavés la plage » : c’est presque fait pendant l’été en bord de Seine .

       en France , un général qui ne souhaite plus entendre les « élucubrations » d’Antoine et« le déserteur », censuré , de Boris Vian relayé par radio free Europe qui émet depuis un bateau .

       des communautés un peu partout , pas le communautarisme , mais des personnes qui faisaient craquer la sacro- sainte famille pour un mode de vie différent , plus libre où la cohabitation était la règle de base : on a les colocations . le partage et la distribution à chacun selon ses besoins .

       ils n’enfreignaient pas toutes les lois , ils les contournaient plus ou moins habilement et pratiquaient souvent une économie de troc : ça me dit quelque chose .

       un magnifique pied de nez à défaut d’un pied au c.. à une société qui allait découvrir les boats- people , les premiers gestes de solidarité internationale face à des guerres lointaines dont les Grands de ce monde s’accommodaient assez bien .

       UNE REMISE EN CAUSE systématique de schémas séculaires comme les luttes pour la liberté des femmes , la lutte contre la faim dans le monde et pour l’accès à la santé .

       ils ont réveillé des sociétés figées , muselées par des pouvoirs autoritaires qui n’osaient même plus croire à un autre chose possible .

       le monde bougeait, toutes les idées circulaient , sous le manteau parfois , mais diverses , utopiques souvent , enthousiasmantes et mobilisatrices toujours .

       de nos jours les choses n’ont guère changé...écrivez vous .

       ce n’est que partiellement vrai ,selon moi , mais cela me semble dû plus à notre inertie collective qu’au manque de moyens qui sont à notre portée .

       des incertitudes pèsent sur les peuples qui attendent qu’elles soient levées pour réfléchir à un autre modèle encore trop imprécis et donc anxiogène mais tous ont conscience maintenant que l’ancien est à bout de souffle ; ils en subissent les effets plus ou moins durement .

       GARDONS ESPOIR ET RESTONS VIGILANTS . il n’y a pas de fatalité .

       l’histoire est pleine de surprises et les peuples de ressources .

       BONNE FIN DE JOURNEE !

       P.B.A

       

         

       

       

       


    • Surya Surya 20 août 2016 23:23

      @philippe baron-abrioux


      « sous la botte du camarade Kroutchev » ou plus exactement sous sa chaussure ! smiley 

      Pour ce qui est des choses qui ont ou pas changé, je vois également le fait que le mouvement hippie est né et s’est développé à une époque où régnait l’optimisme au niveau économique. Qu’ils aient contesté le modèle de société est un fait, n’empêche que le chômage à l’époque n’était pas ce qu’il est aujourd’hui. On peut penser que quelqu’un qui choisissait d’être hippie dans les années soixante savait très bien que s’il changeait d’avis (on sait jamais) il pourrait se réinsérer dans la société traditionnelle facilement. Aujourd’hui, les gens (en général) sont frileux à remettre en question ce qu’ils ont, car si on perd (volontairement ou non) ce qu’on a, ce sera très difficile de le retrouver ultérieurement. C’est sans doute dommage, mais c’est compréhensible.

      Les hippies qui se sont rangés, qui sont par exemple devenus chef d’entreprise, je crois quand même qu’ils ont gardé une certaine mentalité, une certaine vision des rapports humains. Cela ne doit pas être pareil, au niveau de l’ambiance, des relations de travail, de la façon dont la vie de l’entreprise est imaginée et organisée, de bosser pour un chef d’entreprise qui a été un hippie. Ou alors j’idéalise.

  • lloreen 21 août 2016 15:11

    "La haine, le rejet, l’intolérance, le racisme... c’est vraiment cela qui détruit le monde à petit feu, qui le rend plus laid qu’il ne devrait être."

    Votre phrase m’ a fait penser à cette vidéo et à la lobotomisation d’ un grand nombre de gens. Le jour où ils reviendront enfin à eux, la laideur d’ un certain monde n’ aura plus de raison d’ être.

    https://fr.sott.net/article/28724-Jeu-de-l-esprit-Comment-nait-une-norme-sociale-et-sommes-nous-si-influencables


  • egos 22 août 2016 00:34

    Echos d’une époque sans postérité qui ne pouvait s’épanouir que dans les éclats de sa jeunesse, les teintes sépia ne lui conviennent définitivement pas


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