La fraternité du peuple russe
On vous le dit ! la Russie, c'est un pays qui va de l’Ukraine au détroit de Béring. Vos grands-parents n’en auraient pas cru leurs oreilles. Voilà que la Russie n’est plus un pays européen ! Ben non ! Il est européen et asiatique.
Les splendeurs de ce magnifique pays ont été vantées par Léon Tolstoï, Alexandre Pouchkine, Fiodor Dostoïevski, Nicolas Gogol, Mikhaïl Boulgakov, Vladimir Nabokov Ivan Tourgueniev, Marina Tsvetaeva… Cependant, ces auteurs ne savaient pas que la Russie était autant asiatique qu’européenne. Les pauvres ! Ce qu’ils ont écrit ne peut se comprendre qu’en référence à des temps révolus.
Napoléon s'empare de Moscou avant de battre en retraite. Il n'a jamais pensé à aller jusqu'au Kamtchatka. Victor Hugo qui dans les misérables explique que la défaite de Waterloo était une victoire des monarchies d’Europe coalisées, s’est-il trompé ? Aurait-il dû dire que c’étaient les Monarchies d’Asie et d’Europe qui étaient coalisées contre Napoléon ? De gaulle qui a toujours dit que la Russie était un pays d’Europe et qui réunissait dans ses écrits les mots « Atlantique » et « Oural » était-il donc lui aussi dans l’erreur.
« Bien entendu, « Atlantique » et « Oural » se trouvent parfois réunis dans ses écrits et déclarations, et d’abord sous la IVe République, à l’occasion d’une conférence de presse tenue à Paris le 16 mars 1950. Le président du RPF évoque un changement d’atmosphère « de l’Atlantique jusqu’à l’Oural ». Par la suite, le fondateur de la Ve République utilise indifféremment les formules : « depuis l’Atlantique jusqu’à l’Oural » (7 juin 1959, Roanne), « de l’Atlantique à l’Oural » (17 juin 1962, Montbéliard), « entre l’Atlantique et l’Oural » (25 mars 1959, Paris). »
Le général Jean-René Bachelet commente ainsi la position de De Gaulle :
« Tout commence, comme souvent avec le général de Gaulle, par un truisme : l’Europe, telle qu’elle s’est définie à travers les siècles, s’étend de l’Atlantique à l’Oural et la Russie en fait bien partie. »
Il n’était pas le seul. Pour les communistes du monde entier puis pour les trotskystes, il ne pouvait y avoir d’Europe que de l’Atlantique à l’Oural. Les pauvres ! Ils auraient sans doute dû parler de l’Europe de l’Atlantique au détroit de Béring !
Mais, maintenant, tout est changé. Les poutinolâtres vous l’assurent, La Russie et la Fédération de Russie, c'est la même chose et ça va de l’Ukraine (Ukraine incluse) au détroit de Béring.
Donc tous les habitants de ce vaste pays sont, en vertu de ce principe, à égalité et en plus, ils sont libres et extrêmement fraternels. Pourtant, en ouvrant un peu les yeux, nous observons quelques petites disparités. Les revenus varient beaucoup et les droits sociaux aussi. Certes, les Nénètses ne gagnent pas beaucoup de fric, mais ils ont tellement de plaisirs à s’occuper de leurs troupeaux de rennes. Reconnaissons tout de même que ces "russes" ne sont pas très orthodoxes. Ils sont même un peu chamaniques et animistes. Ce n'est pas la même civilisation. Au Kamtchatka, d’un point de vue strictement économique, la situation est sans doute pire, mais les paysages sont assurément splendides. En Sibérie le climat est un peu rigoureux. Mais les nouveaux venus, qui viennent des territoires ukrainiens occupés par les russes, s’y habituent.
Bien des peuplades de cette Russie sont dans une misère effroyable. Beaucoup tentent d’aller trouver du travail dans la Moscovie des russes blancs. Ils envient leur opulence qui s'étale dans les émissions de télé. Puisqu’ils vivent tous dans le même pays, ils peuvent s’attendre à des débordements de fraternité quand ils arriveront à Moscou.
Retour à la réalité ! Voyons ce qui se passe alors avec quelques documents :
- Les ultra-nationalistes chassent les immigrès à Moscou.
- Chasse aux migrants à l'approche des municipales.
- Sans papiers et sans droits à Moscou.
- Exploités, attaqués, le calvaire des migrants kyrgyzes en Russie
Voilà encore une vidéo très intéressante. L’action se passe à Kondopoga, une ville russe de 25 000 à 37 000 habitants selon diverses sources. Elle est située près de la frontière de la Finlande. Une ville devenue « blanche » au lendemain d’émeutes violentes. La population a chassé tous les étrangers qui y vivaient. Les habitants revendiquent ce qu’ils appellent de « nouveaux pogroms » et clament « la Russie aux Russes ». De fait, ce qui s’est passé rappelle les pogroms dont étaient victimes les juifs. Mais ici, la haine s’exprime contre les caucasiens, qu’ils soient russes comme les Tchétchènes et les Daguestanais ou issus des anciens pays de l’URSS qui ne font plus partie de la « Fédération de Russie » comme les Azerbaïdjanais et les Arméniens. Pendant cinq jours, tous étaient visés par cette débauche de haine. La foule attaque, brûle et pille leurs biens, exige leur expulsion de la ville : slogans racistes, incendies, pillages… Tous les ingrédients classiques des pogroms sont là.
Alors ! Eh bien non ! Je ne peux pas admettre que de l’Ukraine au détroit de Béring se trouve un unique pays de russes fraternels. Cela ne colle pas avec les faits. Je ne peux pas admettre que dans ce pogrom de Kondopoga, agresseurs et agressés seraient tous des russes avec les mêmes droits.
Assurément, tous les habitants de l’Asie, comme ceux du Caucase, sont méprisés par les russes de Moscovie. Dans « la Russie des Russes », ils pourront à peine être autorisés à être les larbins ou les esclaves des grands russes blancs, slaves, racistes et orthodoxes. Cette "Russie des Russes" ne peut donc pas être leur pays. Certes, tous les russes blancs ne sont pas des racistes qui rêvent d’aller à la conquête du monde derrière Poutine. Mais ceux qui ne sont pas dans le moule sont contraints de se taire.
Nous ne sommes pas tenus de regarder la carte de la Fédération de Russie comme un pope regarderait une icône orthodoxe. Ce n’est pas une image sacrée. Il est permis de se demander s’il s’agit vraiment d’un unique pays. Est-ce bien cela que nous appelons la Russie ?
Nous ne sommes pas tenus de considérer que ce serait maintenant la Russie qui occuperait les territoires qui s’appelaient Sibérie occidentale et Sibérie orientale. Personne n’y croit vraiment et surtout pas ceux qui accueillent les migrants à Moscou aux cris de « La Russie aux russes ! »
Il y a de quoi éclater de rire quand un poutinolâtre vient dire que le Kamtchatka c’est la Russie. Les habitants parlent le chukchi, le koriak, l’itelmen ou l’alioutor. Mais, bien évidemment, la langue officielle est le russe.
Pour ce qui est de leur religion, je sais seulement ce que je lis ici :
« Les autochtones (Comme c’est joliment dit ! Les autochtones du Kamtchatka seraient russes !) sont restés insensibles aux tentatives de christianisation des missionnaires orthodoxes du XIXème siècle ». Cependant, quelques-uns plus récemment y viennent. « Alors qu’ils étaient marginalisés dans les années 1990, les convertis bénéficient de plus en plus d’un statut particulier et d’un respect croissant dans les villages ». Il faut sans doute comprendre qu’il y a intérêt pour eux à se convertir ! Les habitants du Kamchatka sont autant russes que les sénégalais étaient français au temps de « notre » empire colonial.
Je m’en tiens au point de vue des internationalistes. Je défends les exploités de tous les pays. Je défends les victimes des racistes de Kondopoga et d’ailleurs et je dis
• À bas la fédération de Russie !
• Vive les États-Unis Socialistes d’Europe (de l’Atlantique à l’Oural) !
Pour ma part, je ne pense pas que les habitants du Caucase ou de l’Asie Centrale qui sont accueillis dans la Moscovie aux cris de « La Russie aux Russes » soient des russes. Poutine qui agit en dictateur, réprime sévèrement ceux qui font obstacle à sa politique. Il est interdit de dire qu'il y a une guerre en Ukraine. Mais, évidemment, il laisse les fascistes et les racistes s’exprimer autant qu’ils le veulent. On voit la complicité de la police qui, à Moscou, collabore avec les chasseurs de migrants.
Toutes ces manifestations sont très bien tolérées par le régime. Le pogrom a effectivement eu lieu à Kondopoga et rien n’a été fait pour protéger les victimes qui ont été effectivement contraintes de quitter la ville.
Assurément, la Fédération de Russie n’a rien de commun avec cette entité culturelle que nous appelons la Russie. La confusion est voulue avant tout par Poutine qui veut diriger non pas un pays, mais un empire. Cette confusion est entretenue par ceux qui défendent Poutine. Cependant, nombreux sont ceux qui, sans être toujours d’accord avec Poutine, cèdent devant cette pression. En particulier, l’ONU a effectivement reconnu la Fédération de Russie comme étant un État et il n’y a donc plus d’État qui s’appelle la Russie... Cependant, tout le monde continue à parler de la Russie !
Cela n’empêche pas les internationalistes de vouloir construire une Europe qui garantira la paix à tous les peuples d’Europe, notamment aux Russes. Pour cela, nous voulons construire une grande fédération : les États-Unis Socialistes d’Europe.
Dans cette fédération, il faudra effectivement que les Russes se retrouvent avec leur État. Cela correspond à leurs aspirations, à leur culture. Nous sommes bien évidemment aussi partisans des États-Unis socialistes du proche et du moyen orient ou des États-Unis socialistes de l’Asie Centrale.
Tout cela ne peut se construire qu’à partir de principes complètement opposés à ceux de Poutine : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il faut aussi construire des fédérations socialistes sur le principe de la libre adhésion et le libre départ de tous les états qui le souhaitent. Bref ! Il faut revenir aux principes de Lénine qui est tellement détesté par Poutine. Cette politique est contraire à celle de Staline autant qu’à celle de Poutine.
Il faudrait aussi parler des républiques qui faisaient partie de l’URSS et ne sont plus dans la Fédération de Russie. Il parait, d’après Poutine et les poutinolâtres, que ce sont désormais des républiques indépendantes. En voilà encore une énorme plaisanterie ! Mis à part les pays Baltes, devenus effectivement indépendants, quelques autres "républiques" essaient de conquérir chèrement leur indépendance. La plupart sont soumises à la dictature du Kremlin et ont à leur tête un pantin élu avec plus de 85% des voix.