Salaud de contrôleur
Eh ben maintenant, voilà qu’ils s’en prennent aux handicapés… bande de salauds de cheminots, que ça boit plus qu’ça travaille et qu'ça part en retraite à 45 ans avec des cents et des milles et qu’ ça fait ch... le monde et qu'c’est toujours en grève à prendre des otages.
Alerte rouge sur tous les medias : un salaud…que dis-je, une ordure de contrôleur de train, a osé demander à Philippe Croizon amputé des 4 membres sa carte d’invalidité… Ce qui a provoqué la colère des autres usagers et des réactions à tous les niveaux de l’Etat (la pantoufle Guillaume Pépy, président de la SNCF ayant même présenté des excuses au nom de l’entreprise.)
La feuille de chou locale ne fait pas exception à la règle et développe le sujet sur 4 colonnes de 20 lignes
Mon pote Jojo qui lit le journal par-dessus mon épaule (je déteste ça) et qui se pique de logique paysanne murmure une phrase que je peine à comprendre :
« Ah bon, il l’avait pas autour du cou sa carte… ? »
J’interromps ma lecture pour demander au logicien rural de préciser sa pensée….
« Ben oui »
ajoute-t-il, en pointant du doigt la photo de la « victime » dans son fauteuil roulant, que l’articulet propose en sus du commentaire…
« Un vieux gars dans cet état, il doit pas pouvoir attraper grand-chose, alors sa carte de circulation il faut qu’il la porte soit autour du cou soit entre ses dents et le contrôleur aurait pas eu besoin de la demander, puisque dans tous les cas il pouvait la voir… »
Argument imparable s’il en est (ha ! l’implacable logique rurale) .
Vu qu’il pleut et que nos meufs sont parties vérifier la solidité de ce qu’il reste de nos comptes en banque, nous décidons de creuser l’affaire.
Et au final, après quelques vérifications, il appert que le cheminot alcoolique, gréviste, cégétiste, antihandicapiste… il aurait peut-être pas si tort que ça…
Un contrôleur de train à la SNCF, a pour mission, entre autres, de vérifier la validité des titres de transports des voyageurs, cela participe de la simple honnêteté commerciale, mais aussi du contrat d’assurance entre le voyageur et le voyagiste (autrement dit, pas de billet, pas d’assurance, si accident…)
Les voyageurs possédant une carte d’invalidité peuvent prétendre à des tarifs réduits sur les lignes SNCF.
Suivant la gravité de leur handicap, ils peuvent également bénéficier d’un accompagnateur qui, selon le degré d’incapacité de la personne accompagnée. peut, lui aussi bénéficier d’un tarif préférentiel.
Et il s’avère que ce que le cheminot alcoolique, gréviste, cégétiste, antihandicapiste voulait vérifier, c’était la validité du titre de transport de l’accompagnateur, puisque Philippe Croizon était accompagné lors de ce contrôle… Ce en quoi il ne faisait que son travail de cheminot alcoolique, gréviste, cégétiste, antihandicapiste et accessoirement sous payé…
Ce qui est intéressant pour la suite de l’histoire, au-delà des réactions indignées de nos medias c’est, à n’en pas douter la façon dont a réagi la hiérarchie de la SNCF qui explique dans un tweet que :
« Bien que cette demande paraisse incongrue, le contrôleur se devait de vérifier le taux de réduction accordé à votre accompagnateur”.
C’est également celle de Guillaume Pepy qui s’est fendu d’une lettre d’excuse (coutumier du fait, il est vrai puisqu’il avait déjà rampé devant les lobbys ferroviaires américains en s’excusant du comportement des cheminots pendant la seconde guerre mondiale) lettre d’excuse qui remet en cause le comportement professionnel d’un cheminot qui n’a pourtant rien à se reprocher… Si la pantoufle Pepy a des excuses à faire, c’est bien à ce contrôleur attaqué injustement.
Mon pote Jojo arrive dans la pièce affublé de lunettes de soleil, une branche de noisetier à la main qu’il vient visiblement de peindre en blanc…
Il me dit :
« Tu viens jusqu’à la gare, on a un train pour Paris dans 20 mn... Quand le contrôleur nous demandera nos biffetons, tu diras que tu es mon accompagnateur, que tu trouves la situation incongrue et que tu vas téléphoner à Monsieur Pepy… »
Ha ! l’implacable logique rurale