L’impossible déconfinement ?
Le plus difficile dans un confinement, c'est d'en sortir.
1 - l’improbable confinement
Lors des débuts de l’épidémie en Chine, nos experts médicaux et responsables politiques ont tenu un discours rassurant, l’épidémie n’arrivera pas en France (comme le SRAS) ou sera confinée à quelques cas. Aucun contrôle sanitaire des arrivants depuis les pays contaminés n’a été effectué au début, les frontières n’ont pas été fermées.
Les tout premiers cas en France ont été très localisés (notamment à Contamine Montjoie) et ont semblé résorbés (il y a eu, pendant une journée, zéro malade). Puis des foyers ont émergé et se sont multipliés, avec confinement très partiel (fermeture écoles, patients identifiés) mais poursuite des échanges inter-régionaux. L’épidémie est passé rapidement au stade 2.
Début Mars, les autorités ont d’abord dit qu’il fallait continuer à vivre en appliquant juste les « gestes barrières » [Ref 1] et en gardant ses distances et seuls les très gros rassemblements ont été interdits. Les « masques » ont été déclarés inutiles.
Le surgissement de l’épidémie en Italie a été commenté avec commisération sur leur système de santé, jugé bien inférieur au nôtre.
On s’est rendu compte, pendant cette période, qu’il y avait chez nous pénurie de masques (stock détruit [Ref 2]), pénurie de tests de dépistage, alors que certains pays (comme l’Allemagne) avaient anticipé et constitué des stocks ou relancé la production. Cela a été fait avec beaucoup de retard en France, avec de trop faibles capacités, et des importations ont été très tardivement lancées avec deux mois de retard. Donc pas de possibilité de protéger la population, et dépister/isoler les personnes contaminées.
Le corps médical, alarmé par l’afflux de cas graves et craignant l’engorgement des services de réanimation et soins intensifs, et a de plus en plus expressément incité à mettre en place le confinement, relayé par les média.
Les responsables politiques, croyant que l’épidémie s’essoufflerait, ont longtemps été réticents à arrêter le pays. Le 12 Mars le Président a juste fait des recommandations [Ref 3]. Le 14 le Premier Ministre a apporté certaines restrictions (fermetures commerces non essentiels, etc.). Enfin, suite aux pressions de l’OMS, de l’Italie et du corps médical, le 16 Mars le président a confiné tout le monde [Ref 4],
Pour faire bonne mesure chaque tour de vis a été justifié par « l’incivisme » de ne pas avoir par avance respecté des directives ...qui n’étaient encore en place !
Le confinement a donc été improvisé (suivant en cela l’Italie) faute d’avoir eu l’énergie d’isoler les premiers foyers, et de pouvoir protéger la population.
Mais « en même temps », le président a incité à poursuivre le travail et même à le reprendre dans le BTP par exemple. En réalité, de plus en plus d’entreprises, même autorisées à exercer, ont été amenées à fermer, par manque de personnel, de fournitures, ou de débouchés.
D’où un plan (non financé) d’indemnisation (85 milliards), de garanties (200 milliards), de chômage partiel, d’arrêts maladie administratifs, etc. [Ref 5]
2 - Repousser la vague
Le confinement n’a pas pour objectif d’enrayer l’épidémie ou de protéger (comme en Chine) les régions épargnées, mais de « lisser la courbe » en ralentissant la propagation. Donc on repousse la vague de contaminations ultérieures.
Pour faire de la place dans les hôpitaux, les examens et opérations « non urgentes » ont été décalées. Donc on repousse la vague de l’activité normale des hôpitaux.
L’économie est au ralenti avec de nombreux secteurs à l’arrêt. Donc on repousse la vague de l’activité économique : chantiers suspendus (construction, infrastructures tq la fibre...), projets (commandes industrielles en cours…), travaux de réparation, etc.
Tout cela entraînera un surcroît de charges à la reprise pour solder le passif, avec engorgement et retards en cascade.
3 – Les conditions impossibles
Idéalement, la levée de confinement devrait se faire lorsqu’il y aura zéro nouveau cas, ce qui ne se produira pas avant un bon trimestre au mieux, c’est inenvisageable d’attendre autant.
Par défaut, il faudrait pouvoir dépister tout le monde, pour garder à l’isolement les seules personnes contaminées jusqu’à leur guérison, et dépister ensuite les nouveaux cas pour les isoler également pendant leur maladie. Or on ne dépistera que 50 000 personnes/jour en Mai, 100 000/jour en juin, il faudrait attendre la fin de l’année avant de pouvoir tester tout le monde, il est inenvisageable d’attendre autant.
Alors il faudra « faire avec les moyens du bord », car prolonger au-delà de six semaines conduirait à un désastre sanitaire et psychologique lié à la réclusion (notamment chez les enfants et ados), et la faillite économique du pays (dépots de bilan, licenciements massifs, dégradation de l’outil de travail et des approvisionnements...)
4 – Stratégies de compromis
Le Premier Ministre a un peu planché aujourd’hui sur la question du déconfinement [Ref 6]. Il ne sait ni quand ni comment, mais indique seulement que cela sera progressif, avec plusieurs hypothèses : notamment par région ou par tranche d’âge.
4.1 Déconfinement progressif par région
Selon les épidémiologistes, il faudrait déconfiner d’abord les régions où la proportion de gens immunisés est la plus forte. Au passage, notons que le critère est donc bien à leurs yeux l’ « immunité de groupe », à laquelle il semble impossible d’échapper. Cela devrait pouvoir se déterminer par échantillonnage statistique (typiquement, dépister 1000 personnes représentatives dans chaque région)
Sauf que !!! la population ayant été confinée, les régions les moins atteintes auront un faible taux de gens immunisés, et n’atteindront jamais le taux d’immunisation requis, elles vont donc rester confinés de nombreux mois ! En outre, il y aura sentiment de brimade, conduisant à des débordements.
En Chine, c’est au contraire les régions les moins contaminées qui ont été déconfinées d’abord !
Par ailleurs, laisser confiner une région nécessite de « cadenasser » cette région en interdisant toute entrée ou sortie (hors les approvisionnements essentiels), donc établir des barrages, checkpoints , etc. On demandera à l’infanterie chinoise qui en a l’expérience.
Stratégie qui serait donc paradoxale et difficilement applicable dans un état comme le nôtre.
4.2 Déconfinement progressif par tranche d’âge (et population à risque)
Statistiquement, la maladie provoque quinze fois plus de décès chez les populations de plus de 70 ans que les plus jeunes [ref 7]
-Donc même s’il reste un risque de contamination, les enfants et adultes de moins de 60 ou 65 ans pourraient être déconfinés en premier. Mais avec des moyens de dépistage précoce des nouveaux cas de contamination (mesure systématique de température « à la chinoise », test immédiat si symptômes), pour isoler les personnes atteintes, en leur appliquant un traitement curatif, d’autant plus efficace qu’il est appliqué tôt (je pense au protocole du Dr Raoult, ou un autre s’il s’en trouve).
Il faut alors viser au plus tard fin avril, pour relancer la machine scolaire (*) et économique.
Il ne s’agit pas non plus de tout reprendre comme avant, il faut maintenir le respect des gestes barrières, distances de sécurité, évitement des groupes de plus de 100 personnes, etc. pendant quelques temps (par exemple, pas toutes les classes en même temps dans la cour de récréation).
L’accès aux plages, parcs, etc. devrait être « filtré » pour limiter les entrées.
-Les personnes plus âgées resteraient alors confinées quelques temps (deux semaines de plus ?), le temps d’augmenter la disponibilité de tests de dépistages et de masques préventif, mais avec des contraintes allégées, par exemple la pratique du vélo ou les ballades sur certains sentiers déserts devraient être autorisés (cela nécessitera un balisage). Des tranches horaires dans les magasins seraient à réserver, avec fourniture de masques (ce que l’Autriche et même la Slovénie ont trouvé les moyens d’assurer !).
-Pour les sujets les plus à risque et ceux en isolement parce que contaminés, il faudra leur apporter la nourriture à domicile (par l’armée dans le plan « résilience ?).
Cette stratégie semble soutenable, reste à voir les moyens de contrôle (mais les « anciens » ne sont pas une population rebelle !), peut être par le smatphone « à la coréenne », quitte à en fournir à ceux qui en sont dépourvus.
(*) pour la scolarité, une décision « responsable » aurait été de poursuivre l’année scolaire en juillet, pour terminer le programme, et caler les examens à la fin du mois (en retardant aussi les concours) . Mais il apparaît que le gouvernement veut attribuer le bac selon le bulletin scolaire [Ref 8], il mettront certainement la barre très bas ! En septembre, les profs devront combler à la hâte le retard accumulé (avec des disparités sociales).
4.3 et l’été ?
On ne peut pas laisser le grand brassage mondial de population reprendre cette année, les Français devraient être « invités » à passer leurs vacances en France -par ailleurs les frontières resteront en partie fermées tant qu’il y aura des risques de recontamination-, et il faudra maintenir des mesures de filtrage de certains lieu pour limiter le nombre de personnes (pas de plages bondées, musées où on se bouscule, etc.).
4.4 et la suite ?
Il faut à tout prix tirer les leçons afin de ne pas être acculé à un nouveau confinement général à la prochaine épidémie inconnue.
Cela ne concerne pas seulement les investissements en respirateurs et masques (stocks à conserver cette fois), mais aussi revoir la stratégie sanitaire, pour appliquer une solution « à la coréenne » : anticiper le développement de dépistage et la mise en action de la production de médicaments, masques, etc.
Le budget de santé de 200 milliards par an doit être optimisé, pour éviter les redondances, la surconsommation de médicaments, les soins de convenance, les transports multiples, etc.
Rapatrier au niveau national les fabrications médicales stratégiques : masques, médicaments, matériel médical (et si on n’a plus la techno, on « invite » des entreprises chinoises à faire des JV, comme ils l’avaient exigé de nous jadis). Non pas au niveau UE, car on voit que si l’épidémie est simultanée, il y a concurrence pour obtenir les produits, et par ailleurs les usines iraient dans les pays de l’Est, les moins solidaires.
Et aussi
Modifier certains de nos comportements sociaux, en rétablissant la « bulle proxémique » [Ref9] c’est à dire en gardant plus de distances et moins d’étreintes, comme le « check » plutôt que la poignée de main ou embrassade (le salut à l’asiatique serait plus difficile à généraliser), éviter la "presse" dans les lieux de rassemblement, etc.
Adopter le réflexe du masque en cas d’épidémie (on s’est moqué des Japonais, mais maintenant on rit jaune).
Et choisir des « gouvernants » privilégiant l’intérêt national par rapport à une vision mondialiste.
Ref 1 : gestes barrière : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/affiche_gestes_barrieres_fr.pdf
Ref 2 : Pénurie de masques : https://www.bfmtv.com/sante/penurie-de-masques-pourquoi-la-france-avait-decide-de-ne-pas-renouveler-ses-stocks-il-y-a-neuf-ans-1878500.html
Ref 3 : allocution présidentielle 12 mars 2020 : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/03/12/adresse-aux-francais
Ref 4 : allocution présidentielle 16 mars 2020 : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/03/16/adresse-aux-francais-covid19
Ref 5 : qui va payer ?https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/quoi-qu-il-en-coute-mais-a-qui-222337
Ref 6 : interview Edouard Philippe sur le déconfinement (2 Avril) https://www.parismatch.com/Actu/Politique/Coronavirus-Edouard-Philippe-s-explique-sur-TF1-1680812
Ref7 : décès par tranche d’âge : https://s.yimg.com/ny/api/res/1.2/FOGs8XfHTqIGtdIZ_Da4wQ— A/YXBwaWQ9aGlnaGxhbmRlcjtzbT0xO3c9ODAw/https://media.zenfs.com/fr/business_insider_193/2d0282c94834a2784d54607ad43148cd
Ref 8 : Bac sur dossier : https://www.rtl.fr/actu/politique/coronavirus-philippe-privilegie-la-piste-d-un-bac-a-100-en-controle-continu-7800352259
Ref 9 : bulle proxémique :https://www.psychologue.net/articles/distance-et-espace-proxemique-dans-les-relations-sociales