vendredi 19 février 2010 - par
Mais n’en doutons pas, les restaurateurs qui proposerons à leur client une cuisine simple et authentique (c’est-à-dire à base de produits frais et naturels) se feront de plus en plus rares.
Restaurants : le dessous des cartes
« Aujourd’hui en France, des milliers de restaurants servent des surgelés à leurs clients à leur insu. Au pays de la gastronomie c’est un sujet tabou ».
Dans leur reportage, Restaurants les pieds dans le plat (diffusion Canal+ vendredi 19 février à 22h30), Olivier Journiat et Hervé Bouchaud s’interrogent : le four à micro-onde remplace-t-il le fourneau ? Qu’y a-t-il dans nos assiettes ? Y a-t-il encore un chef en cuisine ?
Pour quelques observateurs la tâche est entendue depuis longtemps. Il n’est pas sûr en revanche que l’ensemble des consommateurs soient au fait des us et coutumes d’une majorité de plus en plus croissante de restaurateurs.
Cette enquête essaye de les faire parler, ces restaurateurs. Certains sont vertueux. D’autres, hélas les plus nombreux, nous arnaquent. Toutes les baisses de la TVA n’y feront rien. Leurs cuisines sont occupées par les industriels de la bouffe. Une douce occupation qui rime avec collaboration. Et surtout avec l’abandon de ce qui faisait la gloire du métier de cuisinier.
Cette enquête essaye de les faire parler, ces restaurateurs. Certains sont vertueux. D’autres, hélas les plus nombreux, nous arnaquent. Toutes les baisses de la TVA n’y feront rien. Leurs cuisines sont occupées par les industriels de la bouffe. Une douce occupation qui rime avec collaboration. Et surtout avec l’abandon de ce qui faisait la gloire du métier de cuisinier.
Certes, comme l’explique Hervé Bouchaud que nous avons interviewé, « le métier de restaurateur est dur, les marges sont faibles. Il y a des raisons pour lesquelles quelqu’un en vient aux plats tout préparés ». Mais y en a-t-il pour ne pas informer la clientèle sur la provenance des produits servis ? « En Italie, rappelle le réalisateur, quand on sert des surgelés, c’est indiqué sur la carte ».
Pour que les marges ne se réduisent pas ces commerçants emploient moins de personnel. Afin de donner le change à leur clientèle ils lui vendent des produits surgelés ou des plats préparés par les industriels de l’agro-alimentaire.
Pour que les marges ne se réduisent pas ces commerçants emploient moins de personnel. Afin de donner le change à leur clientèle ils lui vendent des produits surgelés ou des plats préparés par les industriels de l’agro-alimentaire.
Pour les produits frais, certains d’entre eux, nombreux, se fournissent chez le supermarché de gros Métro (90 magasins dans toute la France). Là ils trouvent des oignons émincés en boîtes de 4 kilos, de la mayonnaise par 5 kilos, de la choucroute en sceau de 10 kilos, des oeufs cuits et sans coquilles en sachets ou encore de la moussaka à moins d’un euro la part qui sera revendue 8 à 10 fois plus cher.
La restauration est devenu un métier d’assembleurs et de chauffe-gamelles. Si ça continue les industriels disposeront de leurs propres chaînes de restaurants. On appellera ça des MacDo.
Paradoxalement, dans l’enquête que mènent les réalisateurs de Restaurants les pieds dans le plat, l’industrie agro-alimentaire est plus diserte et transparente que les restaurateurs. Bonduelle ou Davigel, deux grosses enseignes qui fournissent à la pelle des plats préparés aux commerçants, ouvrent leurs portes.
Bonduelle, le leader du marché en France, possède une usine entre Lille et Paris : sur 40 hectares 850 employés produisent chaque jour 700 tonnes de légumes surgelés livrés dans des cuisines dans la France entière. Légumes épluchés, lavés, calibrés, surgelés, conditionnés. Une fois livrés le « cuisinier » n’a plus qu’à les réchauffer au four à micro-ondes.
En 2007, le gouvernement a créé un label « maître restaurateur » réservé aux professionnels qui s’engagent à ne plus servir de plats tout préparés et à travailler avec au moins 60% de produits frais. A ce jour ils sont 600 en France, ce qui représente moins de 3% de la profession.
Paradoxalement, dans l’enquête que mènent les réalisateurs de Restaurants les pieds dans le plat, l’industrie agro-alimentaire est plus diserte et transparente que les restaurateurs. Bonduelle ou Davigel, deux grosses enseignes qui fournissent à la pelle des plats préparés aux commerçants, ouvrent leurs portes.
Bonduelle, le leader du marché en France, possède une usine entre Lille et Paris : sur 40 hectares 850 employés produisent chaque jour 700 tonnes de légumes surgelés livrés dans des cuisines dans la France entière. Légumes épluchés, lavés, calibrés, surgelés, conditionnés. Une fois livrés le « cuisinier » n’a plus qu’à les réchauffer au four à micro-ondes.
En 2007, le gouvernement a créé un label « maître restaurateur » réservé aux professionnels qui s’engagent à ne plus servir de plats tout préparés et à travailler avec au moins 60% de produits frais. A ce jour ils sont 600 en France, ce qui représente moins de 3% de la profession.
« Ce qui est étonnant, constate Hervé Bouchaud, c’est que ce label a été un échec. C’est très dur de lutter contre ça. Quand l’employeur se dit qu’au lieu d’avoir un employé en plus il peut servir un excellent pot au feu préparé, on n’y verra que du feu, cela me coûtera deux euros je n’aurai pas de problème de stock, d’invendu, de perte, etc. Cela va être dur de lutter contre ça. Surtout si les industriels font de la très bonne qualité ».
30% des légumes servis dans les restaurants proviennent des industriels de l’agro-alimentaire. Mais vous ne trouverez pas de restaurateurs pour l’avouer. Hervé Bouchaud et Olivier Journiat fouillent les poubelles, la nuit, pour recueillir des pièces à convictions : emballages de tartes tatin, de magrets de canard bulgares, etc. Même piégé, le restaurateur nie.
30% des légumes servis dans les restaurants proviennent des industriels de l’agro-alimentaire. Mais vous ne trouverez pas de restaurateurs pour l’avouer. Hervé Bouchaud et Olivier Journiat fouillent les poubelles, la nuit, pour recueillir des pièces à convictions : emballages de tartes tatin, de magrets de canard bulgares, etc. Même piégé, le restaurateur nie.
Contre toute évidence il affirme qu’il utilise des légumes frais, que son magret vient du Sud Ouest. L’un d’eux précise même qu’on lui livre des canards... Mais après tout, il s’agit davantage d’une question d’honnêteté, on n’ose dire d’éthique ou de morale, que de légalité. Aucune loi n’oblige à stipuler sur la carte qu’il utilise des produits surgelés (ce qui en soit n’est pas un drame) ou tout préparé ce qui, en cette occurrence, pose problème.
Comme dit Hervé Bouchaud « vous sortez de chez vous car vous n’avez plus rien dans le frigidaire. Vous avez deux solutions : ou vous achetez un produit Picard ou vous allez dans un restaurant. Si on vous sert le même Picard il y a quand même un peu arnaque. On finit par perdre de vue qu’on va dans un restaurant pour manger un plat qui sera bon ou qui ne sera pas bon, mais qui sera cuisiné, pas pour manger un plat réchauffé ».
Les industriels travaillent désormais avec des chefs comme Alain Plassard. L’usine Houdebine, en Bretagne, a été fondée et est dirigée par un ancien traiteur reconverti en industriel de l’agro-alimentaire. Lorsqu’on visite ces usines, c’est indéniable, il est clair que nous ne sommes pas encore aux Etats-Unis où il y a longtemps que les industriels se sont immiscés dans nos cuisines et dans celles des restaurants, rapides ou non.
Les industriels travaillent désormais avec des chefs comme Alain Plassard. L’usine Houdebine, en Bretagne, a été fondée et est dirigée par un ancien traiteur reconverti en industriel de l’agro-alimentaire. Lorsqu’on visite ces usines, c’est indéniable, il est clair que nous ne sommes pas encore aux Etats-Unis où il y a longtemps que les industriels se sont immiscés dans nos cuisines et dans celles des restaurants, rapides ou non.
« Certains restaurateurs - pas tous car il y en a qui se battent, évidemment - appliquent déjà les systèmes des chaînes et des fast-foods [voir l’excellent Food inc. Ndr]. Lorsque vous allez dans un Buffalo grill, poursuit Hervé Bouchaud, le steack est sous-vide, il y a le sachet de haricots verts avec le beurre surgelé, tout doit être réchauffé en une minute top chrono pour arriver sur la table quatre minutes plus tard. C’est une espèce d’industrialisation de la restauration ».
Mais n’en doutons pas, les restaurateurs qui proposerons à leur client une cuisine simple et authentique (c’est-à-dire à base de produits frais et naturels) se feront de plus en plus rares.
Au début de leur reportage Olivier Journiat et Hervé Bouchaud interrogent un restaurateur parisien qui fait une centaine de couverts par jour et ne travaille qu’avec des produits frais. Eplucher les 45 kilos de légumes livrés chaque jour nécessite deux à trois heures chaque matin.
Ce sont donc des coûts en plus. Mais, répond le restaurateur, le plaisir du métier est bien de recevoir le produit brut et de le transformer. Il faut croire que cette notion de plaisir a disparu : un nombre croissant de restaurateurs ont sans doute un vague souvenir de notions élémentaires et de termes comme julienne, émincer ou monder…Plaisirs de bouches, plaisir des mots.
Nous n’avons encore rien vu. A la fin de leur enquête Olivier Journiat et Hervé Bouchaud évoquent les nouvelles tendances, celles qui, notamment, consistent à ajouter des arômes artificiels. On ne connaît pas la composition de ces produits qui maquillent ou parfument littéralement des plats qui, sans cela, seraient juste plats...
Le critique gastronomique Périco Légasse, invité, dans le documentaire, à comparer un plat sans arôme avec son avatar aromatisé artificiellement, ne s’y trompe pas. Mais faut-il être critique, maintenant pour aller au restaurant ?
La logique voudrait que que les restaurateurs en reviennent aux bases de leur métier et nous à plus de simplicité. Car cette restauration d’urgence faite sans plaisir pour des gens pressés qui ont perdu le goût - et peut-être celui de vivre - est une cuisine de survivants. Nous nous en accommodons fort bien.
Crédit photo : dreams time