Vers le « STO » ?
Vers le "STO" ?
La mode se répand de vouloir subordonner la mise en œuvre d’un mécanisme de solidarité (indemnisation du chômage) à la condition que les chômeurs rendent service (à une collectivité) par un travail effectué à titre occasionnel. (D’où notre titre).
Dans notre pays, le législateur d’antan avait (hélas !) prévu, entre autres institutions de la même veine (comme la « sécurité sociale » ou la « retraite des vieux »), que les personnes au chômage pourraient bénéficier d’indemnités leur permettant de continuer à vivre, malgré leur infortune.
Ce qui n’est plus conforme à la notion actuelle de « progrès » ni à celle de « compétitivité ». Et ne va pas non plus dans le sens de la mondialisation, ou du « gouvernement mondial » qui est prédit par les plus hautes personnalités de l’Etat et quelques penseurs parmi les plus écoutés de ces derniers.
Comme les bienfaits de la mondialisation s’accompagnent (hélas aussi ! mais c’est le destin ou la fatalité) de la précarisation de l’emploi, de la baisse des salaires, et finalement du chômage qui demeure ou s’accroit malgré les promesses renouvelées des dirigeants, il convient de limiter ces indemnisations.
Car il ne faut ni accroitre les déficits, ni la dette. Pour ne pas léguer cette dernière à nos enfants. Ni augmenter les impôts de ceux qui font de l’optimisation fiscale ou qui jouent en bourse. Parce qu’il pourraient oublier qu’ils pourraient investir, même si cela leur rapportait autant, dans la création d’emplois.
Le tout en veillant, autant que faire se peut, à faire accepter cette situation, par les individus concernés. Par exemple en faisant penser à ces derniers que s’ils sont au chômage, c’est de leur faute. C’est qu’il leur manque le talent propre à ceux qui réussissent. (L’environnement familial, le système éducatif, les capacités financières données par les parents ou la collectivité sous forme de bourses ou les réseaux n’y étant évidemment pour rien). Et que s’ils ne retrouvent pas d’emploi, ni à côté de chez eux, ni là où il leur faudrait déménager pour tenter leur chance ailleurs, ce sont des fainéants. Et en plus, que ce sont des parasites qui vivent aux crochets de la société ; c’est à dire aux crochets des bons citoyens qui n’ont pas à débourser leur argent de manière aussi aberrante. Surtout, qu’en cherchant un peu, on peut ramasser l’exemple de fraudeurs, ignorés on ne sait pourquoi par les services de contrôle et s’en servir.
En le disant évidemment avec des formules un peu moins voyantes, que peuvent trouver les communicants travaillant pour les dirigeants. Qui, au passage, enseigneraient à ceux qui gagnent leur vie dans les entreprises de presse, de radio, ou de télévision, à faire leur besogne sans être trop ridicules (ce qui enlève le cas échéant à la crédibilité du message).
Cette institution du « service par travaux occasionnels » permettrait aux collectivités territoriales (pour commencer) et aux associations (surtout celles qui apportent de l’aide à ceux qui ne « s’en sortent pas » … même en travaillant) de bénéficier d’une main d’œuvre pas chère. Puisque pas rémunérée. Donc légalement en dessous du SMIC. Ce qui permettrait de réduire la masse salariale, et aussi le nombre d’emplois stables. Et, évidemment, de faire pression à la baisse, sur l’évolution des salaires. Précarité qui s’inscrit en plus dans la logique des nouvelles orientations, modernes, du droit du travail (non débaptisé).
On pourrait, en fonction des besoins, augmenter (un tout petit peu à chaque fois) le temps du bénévolat obligatoire et étendre (toujours progressivement) son champ d’application, notamment au secteur marchand ou industriel. Pas tout de suite. Mais par exemple quand on aura du mal à « caser » les chômeurs dans les services publics, quand il ne restera plus beaucoup de ceux-ci.
Ainsi, la République dans sa marche, aura rassemblé sinon en son sein du moins à ses confins, ses « derniers de cordée » : les travailleurs à la tâche et les chômeurs travailleurs.
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités.
PS Les personnes qui prendront ces « propositions » au premier degré, et qui ne sont pas occupées par le « grand débat », pourront manifester leur indignation.