De l’hydrogène presque gratuit à partir du méthane ?
L'hydrogène serait un combustible presque idéal pour remplacer les carburants fossiles. Sa combustion ne donne que de l'eau. Pas assez facile à stocker et transporter que ces carburants, il le devient de plus en plus grâce à diverses solutions nouvelles. Son seul défaut est qu'il n'existe pas pratiquement sur Terre à l'état naturel.
Jean-Paul Baquiast 19/10/2016
On ne peut l'obtenir en quantité suffisante que par hydrolyse de l'eau, ce qui consomme presque aussi d'énergie qu'il n'en produit.
Une série d'innovations récentes permettent de penser qu'il devrait prochainement être possible de l'obtenir à partir du méthane, gaz à effet de serrerelativement facile à collecter. Ce pourrait-être, comme l'écrit l'article du NewScientist cité en référence, une véritable révolution. L'utilisation du méthane, ce gaz à effet de serre très puissant, pourrait désormais se faire en grande quantité sans risque d'augmenter l'effet de serre global. Si les innovations proposées tenaient leurs promesses, le recours aux autres sources d'énergie renouvelable deviendrait, sinon inutile, mais moins indispensable. Ce serait, dans une large mesure, une véritable révolution dans le marché très sensible de l'énergie. Mais en est-on là ?
Alberto Abánades, professeur à l'Université Polytechnique de Madrid, le pense. Il a longtemps travaillé dans l'industrie pétrolière et c'est convaincu que les différentes méthodes proposées pour capturer le C02 émis après combustion sont à la fois très couteuse et inefficaces. D'un autre côté, les techniques proposées pour utiliser l'hydrogène comme combustible universel susceptible de remplacer les autres formes d'énergie, fossile ou renouvelable, sont elles-aussi couteuse et inefficaces. Ceci suffit à contredire les perspectives offertes par des prospectivistes comme Jeremy Rifkin prévoyant une nouvelle révolution industrielle reposant entre autres sur une « économie Hydrogène ».
Abánades propose une toute autre méthode pour obtenir de l'hydrogène. Elle consisterait à « craquer » le méthane comme on le fait du pétrole, pour le décomposer en ses atomes constitutifs, soit de l'hydrogène pure et du carbone. Celui-ci se présente alors sous forme de suies, récupérables sans provoquer de pollution. Le problème est que le cracking du méthane ne se produit qu'à des températures d'environ 500 à 800 degrés. Mais la difficulté précédente se retrouve évidemment. Obtenir ces températures exige beaucoup d'énergie. Le bilan total est négatif. De plus les suies produites finissent par engorger les appareils, les rendant inefficaces.
Un bain de métal fondu
Mais Abánades, lors de sa précédente carrière d'ingénieur, avait travaillé avec le physicien et Prix Nobel italien Carlo Rubbia. En étudiant la littérature relative à l'énergie, ils se sont aperçus qu'en 1999, l'ingénieur chimiste américain au Brookhaven National Laboratory à New York Meyer Steinberg avait proposé de cracker le méthane dans un bain de métal fondu à haute température. Le métal fondu améliorait le transfert de chaleur et permettait le transfert des suies en surface, où elles étaient récupérables.
Abánades et Rubbia, alors basés à l'Institute for Advanced Sustainability Studies à Potsdam, Allemagne, prirent contact avec des collègues de l'Institut de Technologie Karlsruhe, qui est sans doute le meilleur laboratoire européen pour l'étude de la fusion du métal. Après de deux ans de travail en commun, ils proposèrent en 2014 une méthode expérimentale pour cracker le méthane. Il s'agissait d'un tube de la taille et du diamètre d'une canne de hockey, composé de quartz et d'acier inoxydable empli d'étain fondu. En y injectant du méthane à la partie inférieure, en élevant la température de l'étain à 1000°, ils obtinrent de l'hydrogène pur au sommet du tube.
L'expérience terminée, qui dura deux semaines, ils constatèrent que des suies s'étaint formées et accumulées au sommet du tube où elles étaient récupérables. L'expérience répété en 2015 donna des résultats analogues.
Cependant, pour chauffer le métal, il faut de l'électricité. Alberto Abánades pense qu'en récupérant et utilisant environ 15% de l'hydrogène produit, ceci serait possible sans trop de difficultés. Resterait à régler la question des suies de carbone. Dans un processus industriel à grande échelle, les quantités produites deviendraient considérables. Cependant les chercheurs pensent que, comme s'agissant de carbone pure à 90%, il pourrait être utilisable dans de nombreux processus industriels, par exemple dans les nanotechnologie ou dans l'industrie du pneu.
La terre promise est-elle donc en vue, d'autant plus que le réchauffement climatique produira de plus en plus de méthane ? Il est trop tôt pour le dire. Nous pouvons seulement noter que les ingénieurs concernés sont europées, comme quoi l'Europe dispose encore de ressources sinon en énergie, du moins en matière grise.
Références
* International Journal of Hydrogen Energie vol 41, p 8159, accessible sur abonnement http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0360319916302592
* Alberto Abanades
https://www.researchgate.net/profile/Alberto_Abanades
* Carlo Rubbia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Carlo_Rubbia
* NewScientist
https://www.newscientist.com/article/mg23230940-200-crack-methane-for-fossil-fuels-without-tears/